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 Marie-Victoire Louis

Les campagnes de l'AVFT1 contre les publicités sexistes en France
1992 - 1995 2

date de rédaction : 01/06/1997
date de publication : 01/12/1997
mise en ligne : 26/05/2011
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Nouvelles Questions Féministes. Volume 18, numéros 3-4, 1997. p. 79 à 115

Présentation de l’auteure. Marie-Victoire Louis est militante et chercheuse féministe. Elle est l’ex-présidente de l’AVFT et travaille au Centre National de la Recherche Scientifique (Centre d’analyse et d’intervention sociologiques. CADIS). Elle est notamment l’auteure de nombreux articles sur les violences contre les femmes, plus particulièrement sur le harcèlement sexuel et la prostitution. Elle a récemment publié: Le droit de cuissage. France. 1860-1930, Paris, Les Editions de l’Atelier. 1995. Elle est aussi responsable de la revue  Projets féministes.

Si je suis heureuse d’évoquer ces campagnes, c’est parce qu’il me semble qu’en montrant qu’il est possible d’obtenir, ponctuellement, gain de cause contre l’un des bastions du sexisme qu’est la publicité, nous contribuons à ouvrir la voie à d’autres succès. En outre, la capitalisation des réussites participe de la création d’un rapport de force sans lequel les féministes - pas plus que quiconque - ne seront entendues. Enfin, l’analyse des réactions des institutions concernées par la dénonciation de ces publicités nous permet de mieux comprendre les fondements sexistes de ces publicités. Et, pour celles qui - découragées devant les blocages auxquels nous sommes si souvent confrontées - risqueraient d’anticiper sur l’échec de leurs interventions, il n’est pas inutile de rappeler les résultats du sondage Louis Harris, commandé à l'occasion de la journée internationale des femmes en 1995 : « 76% des femmes veulent pénaliser les publicités qui donnent de l'individu une image dégradante » .3

Je vais donc présenter, dans un premier temps, les campagnes d'action que l'AVFT4 a menées pendant trois années contre le sexisme dans la publicité - et qu’elle continue de mener. Puis, j'évoquerai les principes qui ont guidé notre action. Pour enfin, proposer la mise en œuvre d’actions plus politiques.

I. Présentation des campagnes

Bien que la notion de « résultats positifs » soit problématique dans le cadre d'actions dont les effets ne peuvent uniquement être appréciés sur le court terme, je vais dissocier les campagnes pour lesquelles nous avons obtenu des résultats quasi immédiats, (trois sur les sept que nous avons lancées) de celles pour lesquelles nos campagnes - d'inégal investissement par ailleurs - n'ont pas eu d’effets positifs appréhendables.

1. Campagnes ayant obtenu des résultats positifs  

a) Monoprix. Mars 1992

La publicité montrait une très jeune femme assise, à moitié nue, les jambes entrouvertes, les seins à demi découverts, sous la photo de laquelle on pouvait lire le texte suivant: « C'est quand on n'a presque rien sur soi qu'ils découvrent que l'on a plein de choses en nous. »  

Une lettre ouverte, intitulée Mono-Mépris, fut envoyée à Monoprix et adressée, pour copie, au Secrétariat d’état aux droits des femmes, au Ministère du Commerce, à la Mairie de Paris, à la Ligue des droits de l'homme -- qui ne se sont pas suffisamment sentis concernés pour répondre ou réagir -- à la RATP et au Bureau de Vérification de la Publicité. En voici le texte :

« Nous refusons cette image rétrograde qui utilise les stéréotypes sur les femmes dont la seule valeur serait d'être un corps à la disposition des hommes.  

Nous refusons cette image dévalorisante qui contribue à entretenir une image des hommes qui n'apprécieraient que les femmes-objets sexuels.  

Nous refusons cette image inégalitaire qui ne peut que renforcer les rapports de pouvoir entre les sexes et qui, en conférant aux hommes le pouvoir de ‘découvrir les femmes’ risque d'accroître les violences contre elles.  

Nous refusons cette image sexiste qui est une atteinte au droit à la dignité et au principe d'égalité de tous et de toutes devant la loi.

Monoprix se targue ‘de penser à nous tous les jours’. Nous souhaitons que l'on pense à nous avec respect. Les consommateurs et les consommatrices s'estiment en droit de ne pas être méprisé-es.

Nous demandons à Monoprix l'élaboration d'un code de déontologie publicitaire tenant compte de ces principes. »

Cette première initiative qui était essentiellement de dénonciation se limitait à la demande d’élaboration d’un « code de déontologie ».

Le directeur de la communication de la Société centrale d'achat, dans une lettre en date du 29 avril 1992, après avoir évoqué « un risque d'erreur d'interprétation  de cette communication », affirmait que leur« intention n'était pas de provoquer ni de donner des femmes une image dévalorisante », pour enfin annoncer le retrait de cette campagne : « La réaction de votre association me fait comprendre que cette campagne a pu dépasser le cadre de nos communications habituelles. En conséquence de quoi, j'ai immédiatement donné des instructions pour que cette campagne ne soit plus réutilisée».

Il faut cependant nuancer l’appréciation positive de cette réaction. Cette lettre précisait en effet que Monoprix lançait 50 campagnes annuelles de publicité. En outre, alors que nous avions exprimé notre souhait « qu'à l'avenir, (leur) vigilance continue à s'exercer pour qu'aucune autre campagne de ce type ne puisse être initiée », les campagnes ultérieures de Monoprix ont montré que nous n'avons pas obtenu, sur cette dernière exigence, satisfaction. Tant s'en faut.

Les réactions de deux des institutions interpellées, le BVP et la RATP, méritent aussi d’être connues.

* Le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) est une association de la loi de 1901 qui « réunit des annonceurs (parmi eux, Electricité de France, Monoprix, Renault, Rhône Poulenc....) des agences de publicité, des supports de diffusion et des membres correspondants, associations,  fédérations, syndicats professionnels ou interprofessionnels ayant pour but de mener dans l’intérêt du public - notamment des consommateurs - une action en faveur d’une publicité loyale, honnête et véridique ».

Les pouvoirs du BVP sont importants. En matière de presse, radio, cinéma, affichage, son avis est facultatif, mais fortement recommandé. Selon ses propres termes, «  en soumettant spontanément les messages au BVP, en s’imposant de ne pas les diffuser si l’avis du BVP est négatif, annonceurs, agences et supports expriment leur volonté de refuser toute publicité répréhensible... ». Son avis, en revanche est, « à la demande des régies, obligatoire » en ce qui concerne les « films télévisés finalisés ». Enfin, le BVP peut analyser les messages « après diffusion » sur demande d’un tiers. Il « invite alors  l’annonceur à justifier ses allégations ou à modifier ses messages afin de les mettre en conformité avec les réglementations. En cas de refus, le BVP demande aux médias adhérents de cesser de diffuser tout ou partie du message contraire à ses recommandations ». Celles-ci « peuvent servir de référence aux tribunaux ». 5

En ce qui concerne l’image des femmes dans la publicité, ses recommandations sont les suivantes :

« Dignité. La publicité doit respecter la dignité de la femme, son image doit être utilisée dans des conditions telles qu'elle ne soit pas de nature à heurter la sensibilité du public en général ou de certains publics en particulier.

Provocation. L'image donnée de la femme par la publicité ne doit pas être susceptible d'être perçue comme une provocation, notamment l'exploitation de la nudité est déconseillée.

Utilisation systématique. La femme ne doit pas être systématiquement réduite à la fonction d'objet publicitaire surtout lorsque l'image qui est donnée d'elle est sans rapport avec l'utilisation du produit ou du service qui est le but de la publicité.

Rôle. La publicité ne doit pas suggérer l'idée d'une infériorité de la femme ou de réduire son rôle à l'entretien du foyer où à des tâches purement ménagères ».

La réponse du BVP à l’AVFT doit être analysée (lettre en date du 26 mai 1992). En effet, le BVP affirmait d’une part, qu’il « partageait tout à fait nos préoccupations concernant l'image de la femme dans les messages publicitaires », et d’autre part, que cette publicité« ne contrevenait pas, à (leur) sens, aux dispositions de cet organisme ».6  

En ce qui concerne le premier point, cette supposée analogie de positions repose sur un amalgame infondé entre des positions féministes et conservatrices, voire réactionnaires. En effet, en affirmant vouloir traiter de l’image de « la » femme, la recommandation, en enfermant toutes les femmes dans leur identité sexuée, conforte les logiques d’appropriation symbolique de l’image des femmes.

Par ailleurs, l’utilisation, sans autre précision, du terme de « dignité » - dont il est important de rappeler qu’il est employé de manière récurrente par l'extrême droite - est dangereuse du fait de son ambiguïté. Ce terme renvoie en effet à la notion de « respect » que mériterait une personne, sans que les fondements sur la base desquels ce respect serait dû, soient explicités et sans que le rapport entre ledit respect et la question des droits des femmes soit posée. La référence, en outre, à la notion de « sensibilité du public », confère au BVP le droit de l’interpréter, et ce, sans contrôle. Dès lors, pratiquement toutes les représentations des femmes sont possibles, tandis que cet organisme peut, sans avoir à justifier de ses critères d’appréciation, privilégier tel ou tel rôle qu’il considère comme « suggérant l’idée d’une infériorité ». C’est ainsi qu’il peut estimer que c’est le cas lorsque les publicitaires réduisent le rôle des femmes « à l’entretien du foyer ou des tâches purement ménagères », le rôle d’objet sexuel n’est même pas évoqué. L’emploi du terme d’« infériorité » ne permet pas en outre de critiquer la « norme » (masculine), dont le statut « supérieur » ne peut alors être contesté.

En outre, le BVP conforte deux autres schémas qui ont toujours justifié la domination masculine.

- Celui qui voudrait que les femmes n’aient pas, en tant que telles, des droits propres inaliénables. En effet, seule l’utilisation « systématique » de l’image des femmes « réduites à la fonction d’objet publicitaire » est condamnée et ce, « surtout » si cette image est «  sans rapport avec l’utilisation du produit et du service ».En ce qui concerne ce dernier point, en poussant le raisonnement jusqu’à son terme logique, le fait de représenter des femmes prostituées vantant les mérites des « services » qu’elles proposent aux « clients » potentiels pourrait donc être considéré, pour le BVP, comme moins critiquable que le fait de représenter ces mêmes femmes vantant des voitures ou des bijoux.

- Celui qui voudrait expliquer et justifier la violence7 masculine à l’encontre des femmes par la responsabilité des femmes, coupables d'avoir « provoqué » les hommes. C’est en effet dans le paragraphe intitulé « provocation »  que le BVP« déconseille l’exploitation de la nudité ». Et là encore, la défense du droit des femmes est appréhendée, non pas en elle-même, mais en fonction de la manière dont elle est représentée par rapport au produit : la nudité est considérée en effet comme d’autant plus critiquable qu’elle « n’aura pour but que d’esthétiser le message et sera sans rapport avec le produit ou le service vanté".8.

De fait, l’analyse des prises de position du BVP en la matière révèle que ce qu’il refuse, c’est moins la nudité des femmes en elle-même ou en ce qu’elle est utilisée de manière à dégrader les femmes, à les représenter comme dépendantes des hommes et désarmées par rapport à eux, c’est essentiellement le sexe. Surtout d’ailleurs le sexe masculin. Ainsi, le BVP a autorisé « sans problème » 9 la fameuse publicité Myriam - « J’enlève le haut, j’enlève le bas » - dans la mesure où seuls les seins de Myriam étaient dénudés ; aurait - si les affiches de cinéma étaient de leur ressort - « admis sans hésiter l’affiche du film d’Altman ‘Prêt à Porter’ » - qui représentait trois femmes sans tête, nues, mais dont le pubis était caché par une bande annonce. Mais en revanche, lorsque Benetton, de manière, certes, plus provocante, a voulu publier une publicité représentant une pleine page de sexes d’hommes, le BVP a « demandé à tous ses adhérents de refuser la diffusion éventuelle de cette pub », considérée comme« une véritable agression pour le public » .10Le BVP en effet assimile la nudité à la « décence », terme qui renvoie aux « manifestations extérieures de bonnes mœurs » et au « respect des convenances ». Quant on connaît l’utilisation de la nudité des femmes par les publicitaires, il est intéressant de noter que parmi les 7 % des messages publicitaires (soit 200) « déconseillés » par le BVP du 1er janvier au 30 juin 1997, seuls 1,9 % l’ont été sur la dénomination « décence-nudité »; tandis que sur les 5% de demandes (soit 248) faites par le BVP de « modification du message », 4 % seulement relevaient de ce même motif.11

On peut noter une évolution récente de sa position en la matière : la nudité n’est plus « déconseillée », comme elle l’était dans la recommandation de 1989. Il est dorénavant précisé qu’elle n’est pas « en tant que telle exclue, mais qu’il convient de faire preuve de pudeur et d’une certaine retenue ». 12 Enfin, dans ce même texte de 1997, la question de la nudité,  traitée dans un paragraphe intitulé:« protection de l’intégrité morale », n’est abordé qu’au sein d’un paragraphe concernant les seuls enfants. Et, en poussant plus loin l’analyse de ce que le BVP entend par « morale », on découvre qu’une « situation d’adultère (est) une situation que la morale réprouve ».13 Et ce, alors qu’ilavait estimé que l’affiche du film « Harcèlement »14 qui représentait un couple dans un élan passionné et où l’on voyait, de manière non dégradante, l’actrice faisant l’amour avec un homme - qu’elle dominait d’une demi tête - aurait été « refusée »15 par le BVP.

Enfin, le flou de la notion de « sensibilité du public  et de certains publics en particulier» évoquée dans la recommandation, comme la référence à la nécessité de ne pas « choquer les convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs » (article 5 du décret N° 92.280 du 27 mars 1992)16laisse la voie libre à toutes les interprétations. Elle permet en outre toutes les censures et notamment politiques, puisque son article 3 pose que « la publicité...ne peut porter atteinte au crédit de l’Etat ».17Et si l’article 4 de ce texte déclare que « la publicité doit être exempte de toute discrimination en raison...du sexe », il est important de noter que le concept de « discrimination », comme celui d’« infériorité » d’ailleurs, s’avère inopérant pour la totalité des publicités que nous avons dénoncées.  

* La RATP.

Alors que nous avions saisi la RATP, qui, « en tant que diffuseur », avait une responsabilité en la matière et que nous lui avions demandé de « soumettre aux publicitaires un code de déontologie tenant compte des principes d'intégrité et de dignité de la personne », le directeur du département commercial répond à l’AVFT (23 avril 1992) pour nous faire part de ses réactions à ce qu’il décide d’interpréter non pas comme des prises de positions mais comme des « réflexions ». Il nous informe cependant que la RATP « ne jouit pas d'une entière liberté d'action sur le contenu des messages publicitaire apposés sur ses réseaux », qu'elle « est tenue de se conformer au principe de la liberté d'affichage tel qu'il est défini par les dispositions légales en vigueur », et donc qu'elle« risquerait -- en refusant l'apposition -- de s'exposer aux sanctions pénales en matière de refus de vente ou de prestations de services », pour, enfin, nous renvoyer« au concepteur des affiches ». Il faut noter qu'alors que nous évoquions la notion de « code de déontologie », fondée sur une conception toute libérale de la responsabilité des acteurs, la RATP emploie le terme de refus de la « censure ».

b) Barclays. Avril 1994

L’affiche support de la campagne montrait le visage d'une femme en pleurs18, son Rimmel lui coulant sous les yeux, qui faisait penser, sans ambiguïté, à une femme violentée. Le texte -- sibyllin -- était: « Elle ne pleure pas parce qu'elle perd de I'argent, mais elle en perd quand même».

L'AVFT a écrit à la direction de Barclays (lettre téléfaxée, en outre, le jour même à la cinquantaine des agences parisiennes de la Banque) pour dénoncer l’exploitation  «des violences faites aux femmes au profit de (leurs) intérêts financiers » 19 et poser leur responsabilité: «Vous contribuez ainsi à la banalisation et à la normalisation de ces violences dont des millions de femmes sont victimes. Cette publicité constitue à l’égard des femmes une nouvelle violence ». Et nous concluions en nous engageant à « ne jamais ouvrir un compte à la Barclays et à en dissuader toute personne qui voudrait le faire ».

Une semaine plus tard s'affichait sur les panneaux publicitaires une autre image de femme (il s'agissait de la même mannequin), mais cette fois-ci, souriante et épanouie. Sous son visage était écrit, de manière encore plus sibylline: « De toute façon, qu'elle pleure ou qu'elle rie, elle perd autant d'argent ». 20La directrice de la communication nous a confirmé que ce changement s'expliquait par la prise en compte des critiques reçues, plus particulièrement de notre pétition.21 Le journal Capital avait consacré un article à cette double publicité -- dont le coût était de 100 millions de francs -- et s’était demandé « qui, diable, avait pu inspirer une campagne aussi violente et hermétique? »22 Le mensuel Stratégies estimait pour sa part que cette publicité « représentait un bol d'air non négligeable ». 23

c) EDF. Juin 1994

Il s'agissait d'une campagne de presse et télévisuelle qui comportait plusieurs messages. La lettre que nous avons adressée au président d'Electricité de France (9 juin 1994) explicitait nos critiques : «Nous protestons avec véhémence contre votre campagne publicitaire, tant dans la presse écrite que télévisée. La première représente une femme nue, vêtue d'une très courte serviette nouée sur les hanches et dévoilant une partie des fesses et de l'entrejambe. Le texte joint : ‘Engagement de rendez-vous’ suggère l'idée d'une femme ‘à prendre ’. La seconde, télévisée, met en scène un homme âgé, voyeur, et une jeune femme dénudée, l'EDF jouant les entremetteurs. Nous sommes révoltées de l'utilisation de cette image dégradante et humiliante des femmes à des fins marchandes. Dans les deux cas, l'EDF contribue à normaliser l'image stéréotypée de la femme-objet sexuel, laquelle a, depuis des siècles, contribué à justifier les violences commises à l'encontre des femmes ».24Nous terminions notre lettre ainsi : « Nous, hommes et femmes, clients et clientes de I'EDF, refusons de contribuer au financement de cette campagne » et nous lui demandions  de « la faire cesser immédiatement ».

Gilles Ménage, alors président de l'EDF, a alors répondu en affirmant « comprendre (notre) réaction, même (s'il la trouvait) un peu excessive, puisqu'il ne s'agit que de l'un des éléments d’une campagne très vaste. (La logique du raisonnement pose ici problème...). Il va de soi qu'il n'est pas dans la tradition de l'entreprise de réduire la femme à un objet de vente. J'ai pris les dispositions nécessaires pour que de tels errements ne se reproduisent pas ».

L’AVFT a alors « pris acte avec satisfaction » de cet engagement, a publicisé cette réponse positive dont nous voulons croire qu'elle engagera ses successeurs.

2. Campagnes n'ayant pas obtenu de résultats positifs

a) Visual / Le Monde

Les opticiens Visual ont publié dans Le Monde trois publicités.  

- La première campagne, publié dans Le Monde du 8 mars 1994, représentait sur une pleine page, des fesses de femme, accompagnée du texte suivant: « Si votre vue a tendance a baisser, changez de femme plutôt que de lunettes ».

L’AVFT s’est engagée, après avoir été interpellée par Florence Montreynaud qui avait fait signer par une centaine de féministes, lors de la manifestation du 8 mars, une «lettre ouverte à la direction du Monde », envoyée le jour même. Voici son texte: «Le Monde a besoin de publicité, mais pas n'importe laquelle. Ne pensez-vous pas qu'il y a des limites? Pour nous, lectrices, vous les avez dépassées en publiant dans le numéro daté du 8 mars, une annonce dont l'image, comme le texte portent atteinte à la dignité des femmes, et donc à la dignité humaine. Cette publicité risque de vous coûter plus cher qu'elle ne vous a rapporté. Si vous n'êtes pas plus vigilants au sujet des représentations sexistes, vous pourriez bien perdre des lectrices et, au moins baisser dans l'estime de celles qui continueront à vous lire.  

Quant à Visual, c'est clair, nous boycottons ».

Un point de vue critique - mais peu clair, et qui jugeait « ironique » l’initiative du Monde, intitulé: « Vive la journée internationale des beaufs » - fut alors publié le lendemain (9 mars) dans le journal, signé de Laurence Rossignol du bureau national du Parti socialiste. Ce texte se terminait par : « un pan sur les fesses ». À cet égard, le fait que Le Monde ait été contraint de publier une réaction critique démontre, si besoin était, l’impact de ces réactions lorsqu’elles sont jugées suffisamment importantes. Mais le fait que celle qui a été publiée l’ait été sur le mode de l’humour démontre aussi que ce sont essentiellement les formes d’ expressions légères, mineures, infra-politiques qui sont permises aux femmes et aux féministes.

L'AVFT a, pour sa part, deux jours après, envoyé à Monsieur Colombani, directeur du Monde, la lettre suivante (10 mars 1994) :« Nous tenons à vous faire connaître notre indignation à la découverte de la publicité scandaleusement sexiste que le Monde a accepté de publier, le 8 mars, journée internationale des femmes.

La responsabilité du Monde étant, sans conteste, engagée, nous apprécierions que le journal présente ses excuses à ses lecteurs et lectrices qui n'acceptent pas une représentation si dégradante de l'être humain, au même titre qu'une conception si inhumaine des rapports entre hommes et femmes.

Nous ne pouvons pas ne pas interpréter cette décision comme révélatrice d'une certaine réalité des rapports de pouvoirs entre les sexes, au sein du Monde dont certains articles sont malheureusement souvent le signe. » 25

-- La seconde campagne Visual (13 Avril 1994) - quasi concomitante à celle de la banque Barclays - concernait aussi l’utilisation marchande du thème de la « femme battue », mais là, explicitement évoqué. Sous le visage d'une femme au visage meurtri, on pouvait lire : « Non ce n'est pas une femme battue, c'est une femme qui a raté une marche dans les escaliers ».

Nous avons alors envoyé une « Lettre ouverte » à Visual (13 avril 1994) pour protester contre « l'exploitation du thème des violences contre les femmes, au profit de (leurs) intérêts financiers ». Nous affirmions qu'ils contribuaient « ainsi à la banalisation et à la normalisation des violences faites aux femmes, dont des millions (d'entre elles) sont les victimes ». Et nous terminions en affirmant que « cette publicité constituait, à l'égard des femmes, une nouvelle violence ».  

Le boycott de Visual était aussi demandé.

Au terme de cette deuxième campagne, l’AVFT a reçu, dès le lendemain, une lettre paternaliste, donneuse de leçons, d’une autosatisfaction frisant le ridicule du responsable de la communication de Visual. Celle-ci exprimait en outre un mépris peu commercial à l'égard de clientes potentielles : « En pratiquant la dérision au quotidien, en cultivant l'exagération, l'insolence, l'impertinence, les publicitaires provoquent la réflexion, sans sermon moralisateur. N'ont-ils pas un point d'avance? N'ont-ils pas plus de chances de percer le mur de l'indifférence et de parler à tous?

Mesdames, ne vous arrêtez pas au premier degré des concepts publicitaires. Vous découvrirez le message empreint d'honnêteté et de franchise délivré par la publicité Visual. À force d'exploiter le sentiment de culpabilité, on rencontre souvent l'indifférence. De l'étonnement naît le désir de mieux comprendre, de dénoncer les faux-semblants. Telle est l'ambition de la communication Visual.

En espérant que vous saurez apprécier la finalité des messages ... »

L’AVFT a alors répondu en faisant connaître son jugement sur la teneur de leur lettre, accompagnée d'une nouvelle liste de signatures recueillies (4 mai 1994).  

-- Lors de la troisième campagne Visual (27 juillet 1994), les femmes étaient visuellement assimilées à un boudin, qui pouvait aussi faire penser à un étron. Sous la représentation de ce boudin, on pouvait lire : « Quand je l'ai vue sur la plage avec sa peau dorée, ses petits nœuds dans les cheveux. Elle s'est retournée et a souri. J'ai tout de suite su que c'était elle».

Nous avons alors écrit au Président de la société Visual (3 août 1994) pour affirmer que nous considérions cette publicité « répugnante », comme « une injure publique à l'égard des femmes », que « la finalité du message était clair (à savoir que) : Visual avait choisi l'escalade dans le mépris des femmes ». Nous demandions un retrait de cette campagne et appelions à nouveau au boycott des 400 opticiens Visual.

Nous avons aussi écrit une seconde lettre au directeur du Monde (3 août 1994): « Nous tenons, pour la seconde fois, à vous faire connaître notre indignation face à ce qui est devenu une politique publicitaire au sein du journal que vous dirigez. Le Monde est en passe de devenir, au sein de la presse française, le support privilégié des publicités sexistes, dégradantes et grossières, sans évoquer celles qui banalisent les violences contre les femmes. 26

Le droit à l'information ne saurait être utilisé comme un moyen de nous contraindre à subir des représentations qui portent atteinte à la dignité humaine.

Vos lecteurs et vos lectrices ont, à tout le moins, le droit de ne pas contribuer, contre leur gré, à la dégradation d'eux-mêmes.

Quel respect avez-vous de votre lectorat pour continuer, malgré les nombreuses protestations dont vous avez été saisi, à cautionner ces publicités?  Alors que vous offrez gratuitement ces pages aux publicitaires, nous devons payer pour être humilié-es.

Nous vous demandons un engagement à cesser ces publicités. »

Là encore, les réponses qui nous ont été faites méritent d’être analysées.

- La réponse du directeur général de Visual (4 août 1994), lendemain de l'envoi de notre lettre, est fondée sur plusieurs arguments. Il nous informe que cette parution dans Le Monde « ne s'inscrit absolument pas dans (leur) campagne publicitaire ». En effet, il s'agissait d'une « offre » gratuite « d'une page du journal à des agences en conseil en communication laissée à leur libre-arbitre ». Visual, considérant qu'on « ne demande pas, de manière générale, à voir au préalable, le contenu du cadeau », rejette alors « l'entière responsabilité » de cette publicité « sur l'agence de communication ». Il précise cependant que celle-ci avait demandé « l'aval » de Visual pour cette création, sans pour autant avoir eu un droit de regard. Dans un second temps, le directeur se prononce donc, à titre « personnel », sur un « sujet tellement subjectif: la communication » et nous donne alors sa propre interprétation: une « Joke ». Il explique aussi à ses interlocutrices comment celles-ci auraient dû comprendre cette affiche: « Il faut considérer que cette création de l'agence s'inscrit plutôt dans une notion de discernement, voulant mettre en avant le fait que porter de lunettes permet de mieux y voir ».  

Après s’être déclaré irresponsable, avoir disqualifié toute interprétation différente, substitué son analyse -- si tant est que ce terme soit ici valable -- à la critique, le directeur peut alors affirmer qu'en « aucun cas la volonté de Visual n'a été de choquer » et que Visual ne « souhaite, en aucun cas, avoir une insinuation négative sur les femmes. »  

- Pour sa part, la réaction du Monde27 s’est manifestée selon deux modalités et sur deux registres, formulant une analyse éthico politico-économique dans une lettre adressée à l’AVFT et occultant les mêmes enjeux dans le texte publié dans le journal.

Dans une lettre adressée à l'AVFT (8 août 1994), André Laurens, qui était à l’époque médiateur, nous répond que (notre) « lettre ne (l') étonne pas »  mais que «  les journaux ont besoin de la publicité pour vivre ». Plus précisément, il nous informe que « le Monde tire la moitié environ de ses recettes de la publicité » 28d'abord, sous forme d'annonces d'emploi, -- lesquelles « ont baissé considérablement avec la crise  -- et de la publicité des maisons d'éditions. » Pour ensuite préciser que « placards purement commerciaux sont plus rares ». (Cette formulation pose à cet égard problème, puisqu'elle pourrait être interprétée comme signifiant que certaines publicités pourraient ne pas être "purement commerciales".)

Celui-ci poursuit, en présentant Le Monde, dans le cadre de campagnes de publicités multi médias, comme un simple « support, parmi d'autres », occultant ainsi la concurrence mise en œuvre entre lesdits supports pour capter des budgets publicitaires raréfiés. En outre, dans ce cas de figure - qui dévoile de manière éclairante les rapports de dépendance entre agences de publicités et organes de presse - cette affirmation est, on l’a vu, infondée. En effet, l’histoire de cette campagne publicitaire publiée tout au long du mois d’août par le Monde est la suivante: « Le Monde-publicité » avait organisé du 18 janvier au 3 septembre 1994 un concours intitulé: « l'agence la plus créative de l'été ». Ce concours qui avait été lancé « avec la collaboration de 42 agences de publicité » avait pour objet de « sensibiliser les directeurs de création à l'espace et à la créativité qu'offre la presse quotidienne ». 29 Cette formulation signifie que Le Monde avait offert gratuitement ses pages pendant un mois aux agences de publicité (qui, elles, choisissaient un de leurs annonceurs à qui elles faisaient ‘cadeau’ de cette parution) puis avait organisé un concours auquel les agences participaient afin de les sensibiliser au Monde comme support publicitaire.

Mais poursuivons la lecture de cette lettre.

André Laurens cherche alors une réponse éthique pour expliquer les choix du journal en matière de politique publicitaire et propose alors une voie qui serait juste parce que médiane. Il affirme en effet, tout à la fois, la répugnance du journal à « jouer les censeurs », « même si (vôtre) avis rejoint le nôtre », tout en rappelant la possibilité qui est la leur de « refuser une publicité.  »

L’emploi du terme « censure »  doit être clarifié. En effet, ce terme renvoie tout à la fois au concept peu critiquable de « critique », mais aussi à celui peu rigoureux, car normatif de « répréhension », et enfin à celui, essentiellement punitif, de « correction ». Mais même si l’on considère que, faute de clarification, l’emploi de ce terme relève de la signification la plus courante, à savoir l’interdiction d’une publication, la question du statut et des pouvoirs des institutions politiques et/ou économiques étant à même d’interdire n’est pas posée. De fait, en employant ce terme, André Laurens occulte l’analyse des rapports de pouvoirs qui s'instaurent dans le cadre d'une relation contractuelle et laisse croire - et ce alors qu'il vient de reconnaître l'extraordinaire dépendance du journal à l'égard de la publicité - que Le Monde est seul maître de la relation et libre de s'opposer totalement ou partiellement à la diffusion d'un texte ou d'une image. En outre, dans ce cas de figure, on l’a vu, la question ne se posait pas en ces termes, puisqu’il s’agissait d’un don dans l’espoir de recettes publicitaires ultérieures, par ailleurs vitales pour le journal.

Certes, André Laurens reconnaît partiellement cette dépendance et affirme que « des annonceurs, mécontents de ce que nous disons d'eux dans les pages rédactionnelles, peuvent (nous) priver de publicité ». Mais celui-ci n’évoque pas la question des moyens employés par le Monde, en termes de politique éditoriale, pour éviter une telle hypothèse; il n’aborde en effet que le cas de figure où des publicitaires lui proposant un marché, Le Monde pourrait le refuser: «Pour autant que nous ayons besoin de ces ressources, nous pouvons toujours refuser une publicité, surtout si elle met en cause des valeurs fortes auxquelles nous tenons », précise-t-il. Alors intervient la liberté du journal lorsque ses « valeurs fortes »  sont mises en cause. On peut constater d’abord qu'il reconnaît que la transgression des ces « valeurs » n’est qu’un élément d'appréciation du jugement. En outre, André Laurens affirme ici sans ambiguïté que la défense de la dignité des femmes ne fait pas partie des « valeurs fortes » du Monde.30 Dans une lettre adressée à Nelly Trumel, le même André Laurens, qui avait alors évoqué « une campagne supposée dégradante pour les femmes », se posait la question de savoir si « le vrai problème n'est-il pas que les femmes n'ont pas - où n'ont pas pu - 31 investir suffisamment le bataillon des ‘créatifs’ de la publicité ». 32

Celui-ci tente ensuite, plus précisément, de « définir leur niveau d'intervention, et éventuellement de refus ». Ayant évacué la question plus globale des conséquences de la dépendance du Monde à l’égard des publicitaires : « la question financière n'est pas déterminante car la question ne se pose que pour des cas marginaux et donc de peu d'effet sur nos ressources globales », le Monde se place alors sur le terrain non plus financier ou sur celui des « valeurs », mais sur celui de la créativité de la publicité. (Celle-ci), constate-t-il, tout en reconnaissant que la publicité traduit aussi « le pire », « se targue, parfois à juste titre et avec bonheur, d'une certaine créativité, voire d'un sens artistique ». Certes, André Laurens se contente de citer le discours diffusé par les publicitaires, sans le reprendre formellement à son compte, mais il ne le conteste pas pour autant. Cette transition permet cependant de situer l’analyse sur le terrain des publicitaires : la critique de leur message devient alors une question de liberté d'expression dont le journal serait garant. Le Monde étant « un moyen d'expression », s'estime « mal placé pour refuser des formes d'expression d'une autre activité de communication». 33Et ce d'autant plus «lorsqu'il s'agit de juger - et en l'occurrence de censurer - selon un notion de bon goût ». Et c’est ainsi qu’André Laurens en arrive à détourner de son sens une analyse féministe politique - qu’il psychologise en évoquant notre « irritation » - en la transformant en position contre « le  (mauvais) goût ». Certes, celui-ci reconnaît que cette « notion » de goût, qu’il juge « très subjective et conjoncturelle » pourrait « être recevable », mais il considère qu’elle  « pourrait  (aussi) justifier le pire des conformismes: Devons nous, chaque fois, juger entre ce qui est bien et ce qui est laid ou minable ? »  Mais, après alors avoir repositionné les termes de l'alternative (qui, en l’occurrence, n'en est pas une: l'opposition du "bien" est le "mal" et non le "laid"), le journal refuse de s'y soumettre. Car, assure-t-il, s'il répondait à ce questionnement, il serait alors empêché « d'exercer (son) rôle critique pour des activités qui (lui) sont extérieures: cinéma, le théâtre, les livres, les arts etc. » Par cette analogie, Le Monde affirme donc la culture et la publicité relèvent du même ordre critique.  

Et c'est ainsi que le Monde, dans cette lettre, justifie :

* au nom de leur refus de « jouer les censeurs », les plus graves atteintes à l'image des femmes - et donc aux droits des femmes, notamment à leur image - que n'importe quel tribunal aurait jugé recevable s'il s'était agi d'attenter à l'image des juifs ou des arabes;

* au nom du refus du conformisme, les plus grossiers clichés;

* au nom du refus de juger du « goût », les dessins les plus vulgaires, lorsqu’ils émanent de la publicité, tout en utilisant l’argument de la « vulgarité » -  assimilée à la « pornographie », lorsqu’un dessin lui est adressé par une féministe 34

* au nom de la difficulté de juger, se décharge de sa propre responsabilité35, dont il est, à juste titre, si sourcilleux. Et qui, plus prosaïquement, ne fait aucun doute pénalement.

Enfin, Le Monde renvoie la responsabilité de ce jugement aux lecteurs « capables », eux, de « juger ». Ce que pourtant nous avions fait. Et la lettre se termine en nous enjoignant -- mais n'est-ce pas la question centrale ? - à « ne pas confondre la publicité avec le contenu rédactionnel propre au journal. » Ce que nous avions, là encore, fait.  

Près d’un mois après, après avoir attendu l’apaisement des réactions, dans un encart publié le 4/5 septembre 1994, sous le titre : « Le Monde, le boudin et la liberté de création des publicitaires » le journal tenta alors de se justifier. Après avoir évoqué la réaction de « plusieurs lecteurs (!) du Monde, émus de la parution de ces publicités », sans s’embarrasser de l’argumentaire, pourtant fort intéressant, qu’il avait bien voulu nous transmettre, argua simplement de « la liberté créative des agences »  et de son « refus de la censure », tout en précisant que cette position « ne signifiait pas qu'il partageait la conception de toutes ces campagnes ». Là encore, Le Monde mit en regard - comme si les deux positions s’annulaient réciproquement - les réactions négatives de ceux qui considéraient que ces publicités « mettaient en cause, selon eux, l’image de la femme » et positives: « Des lecteurs et des lectrices nous ont toutefois fait savoir qu’ils avaient estimé cette initiative estivale originale et amusante en soulignant à la fois l’humour au second degré et l’audace de certaines réalisations. » Nulle évocation n'était faite de notre campagne; le Monde n’ayant évoqué comme réaction critique qu’une image détournée (non reproduite) et un poème (non cité) de l'Association Des femmes s'entêtent , jugé  « sévère pour le Monde ». Le Monde, une fois encore, refusait la parole aux féministes, dont les critiques, certes, ne relevaient pas du registre de « l’émotion ».

b) Renault. Novembre 1994

Sous le titre: « Chaque année, vous passez plus de temps en voiture qu'en vacances. Ça mérite réflexion », Renault avait, dans le cadre de la publicité pour la voiture Safrane, reproduit un dos de femme déformé, calibré comme une carrosserie de voiture.

L’AVFT a alors adressé la lettre suivante au PDG de Renault: « Nous protestons contre votre campagne publicitaire  ‘Safrane’, ‘ les voitures à vivre’ représentant une femme vue de dos. L'utilisation du corps humain en tant que support créatif d'une machine est pernicieuse. En effet, sur cette affiche, la femme est devenue un concept métallique, son corps étant assimilé à une carrosserie. Votre but était d'humaniser cette voiture36; de fait vous avez déshumanisé les femmes et portez atteinte à la dignité de l'être humain. Nous vous demandons d'en prendre acte pour vos prochaines campagnes ».

Nous n’avons reçu aucune réponse de Renault.

c) Monoprix. Novembre 1994

Monoprix lance, à cette date, une nouvelle campagne d'affichage publique; sur l'une de ces affiches, on pouvait lire cette phrase: « Nous échangeons, nous remboursons, car souvent femme varie ». En rappelant les autres campagnes déjà menée contre le sexisme de Monoprix, l'AVFT a intitulé sa campagne: Mono-mépris, ça continue.

« Monoprix, dans sa dernière campagne de publicité par affiches sur la voie publique, puise dans un vieux fond de culture populaire misogyne pour adresser aux femmes le message suivant: ‘nous échangeons, nous remboursons, car nous savons que souvent femme varie’. Une fois de plus, Monoprix utilise un stéréotype rétrograde qui renvoie à la vision de femmes inconstantes, êtres non rationnels régis par leurs instincts et auxquelles on ne peut se fier. Nous refusons cette image réactionnaire et méprisante et demandons le retrait immédiat de cette publicité ».

Le directeur de la communication nous a fait état de ses réactions par lettre en date du 13 janvier. Là encore, l'intentionnalité des concepteurs et financeurs de la campagne devait être l’aune sur le fondement duquel les réceptrices du message devaient la juger : « Il n'est certainement pas dans notre intention de manifester de mépris envers les femmes », écrit-il. Et celui-ci affirme n’en vouloir pour preuve que le fait que :« les femmes d'ailleurs ne s'y trompent pas, puisque 80 % de notre clientèle est féminine ». Que les femmes, à Monoprix ou ailleurs, soient principalement chargées de "faire les courses" et qu’elles ne fassent pas leur choix de magasins en seule fonction de l'image des femmes que la publicité donne à voir ne semble pas donner à réfléchir à ce directeur, chargé, il est vrai, de la (seule) communication. Néanmoins il faut aussi reconnaître que tant que les consommatrices ne s'organiseront pas plus pour la défense de leurs intérêts propres et notamment concernant l’atteinte à leur image, l’argument fondé sur la supposée adhésion à la marque n’est pas totalement erroné.

Le directeur poursuit sa lettre en expliquant à celles dont le sens de l'humour est, on le sait, toujours défaillant, comme l'intelligence limitée, qu'elles auraient dû comprendre qu'il s'agissait « de jeux de mots » et « d'un clin d'œil» et qu’: « une femme peut avoir envie d'acheter un vêtement et avoir envie d'en changer. » Suivent enfin des « conseils », allant, sans pudeur, jusqu'à écrire :« Je pense que votre association, dont l'objet est certainement très louable, a bien d'autres combats plus importants à mener ». Et de nous enjoindre de laisser tomber ces vétilles, pour des combats plus importants, chez les autres bien sûr...

Cependant Monoprix n'en a pas moins modifié cette affiche (c'est donc en somme un quatrième succès, bien que relatif). On a pu ainsi voir, peu après, une nouvelle affiche accompagnée du texte suivant: « Si ça ne vous va pas, on échange ou on rembourse. Alors, ça vous va? » Cette fois ci, les femmes n'étaient plus l'objet méprisé d'un discours, mais on s'adressait à elles et leur accord n'était pas supposé acquis. Cette prise en compte de notre réaction nous aurait pleinement réjoui, n'eût été le dessin accompagnant le texte représentant une femme mal fagotée, vulgaire, laide, affublée d'une couronne. Le retour du refoulé?

d) Suchard. Avril 1995

La campagne Suchard, cumulant sexisme et racisme, représentait une femme noire, nue, dont le corps était recouvert de dorure d'or (jouant sur le noir et l'or de l'emballage des Rochers Suchard) et accompagné du texte suivant: "Pour être pardonné, il faut avoir péché ».

La campagne de l’AVFT n'ayant pas dépassé le stade du simple envoi de ce texte aux chocolats Suchard, accompagnée cependant d'une cinquantaine de signatures, n'est citée ici que pour mémoire. Voici le texte rédigé:

C'est une épreuve que Suchard nous envoie avec sa nouvelle pub.

Qui nous délivrera de cette vieille morale sexuelle qui ne finit pas d'associer tentation, plaisir, religion, péché et femmes?

Y'a bon corps de négresse

Nous qui ne somme pas cannibales,

l'image de cette femme-chocolat nous écœure

Nouveaux rochers, vieux fantasmes

sexisme, racisme, tout y est.

Boycottons les chocolats Suchard.

II. Principes qui ont guidé l’action de l’AVFT

Dans un second temps, je souhaiterais évoquer rapidement certains principes, très simples, sur les fondements desquels nous avons agi.

1. Créer préalablement à toute action un rapport de force

Il s’est essentiellement agi d’une publicisation du nom des personnes connues et moins connues et d'associations37 signataires de nos lettres, alors que les pétitions étaient adressées soit aux publicitaires, soit aux supports de presse. La publication ici de ces noms peut permettre de capitaliser ces soutiens dans le cadre de la création d’une éventuelle structure opérationnelle afin d'organiser des réactions plus systématiques.

La stratégie mise en œuvre - bien sûr, elle même dépendante des moyens qu’il était possible ponctuellement mettre en œuvre - a été de donner le maximum de publicité à nos actions: faxer les textes le plus largement possible; les diffuser publiquement, ainsi que les réponses (positives et négatives) qui étaient faites; demander aux associations de relayer nos actions par leur propre canaux; saisir l'A.F.P., la presse écrite, la télévision38, sans oublier la presse spécialisée, celle des publicitaires, tels Capital ou Stratégies ; publier nos propres initiatives et les réponses qui leur sont faites. Des co-responsabilités ont été mises en œuvre (avec le CODIF de Marseille, le MFPF de Lyon) de manière à optimiser les réseaux respectifs d’influence.

2. Formuler des demandes concrètes, précises

Il peut s’agir du retrait de l'affiche et /ou de la campagne, de la rédaction d'un code de déontologie, d’une demande d'excuses, de réparation financière, d’un appel au boycott. Sur ce dernier point, est-il utile de rappeler que l’absence de tradition française en la matière ne saurait être un argument ? 39

3. Faire de la lutte anti-sexiste une lutte concernant les hommes et les femmes

Il nous est apparu important de mettre l'accent sur le constat selon lequel en représentant des femmes de manière dégradante, humiliante, dépendante des hommes, c’est nécessairement une image dégradée, humiliante des relations entre femmes et hommes qui est représentée et donc aussi une représentation dégradante, humiliante des hommes qui est faite.40 Qu’ils soient ou non présents sur la publicité, l’image qui est donnée d’eux est souvent celle d’hommes ne concevant d’autre relation avec des femmes que sur le mode de la dépendance et de la soumission des femmes. Et donc d’hommes ne pouvant maintenir leur pouvoir, qui trop souvent se confond avec leur identité, que par la force ou la séduction, c’est-à-dire la tromperie, quelle qu’en soient les modalités d’expression.

Par ailleurs, notre position est que nous voulions, recherchions la solidarité des hommes dont nous posions, par ailleurs, les responsabilités individuelles et collectives.41  

4. Poser la question des droits des consommateurs et de consommatrices

Dans la mesure où nous payons pour acheter un produit, l'argument selon lequel nous ne devons pas, en outre, payer pour être humiliées est un argument fort, d'autant plus « entendable » qu'il s'agit d'entreprises publiques.

5. Mettre en relation le type de choix publicitaires et celui des systèmes de « valeurs » présidant aux choix de politique économique des entreprises

Il est possible ici de citer deux exemples. Une femme qui a soutenu la campagne contre la publicité EDF a écrit à l’EDF: « Quand on a le courage de couper l'é1ectricité à  des familles en souci d'argent, comment peut-on mettre des millions dans des publicités dont personne n'a besoin ? » Une autre réagissait sur le choix du nucléaire: « Nous payons déjà par notre facture toutes ces centrales nucléaires porteuses de mort pour les enfants que nous mettrons au monde.  Alors ça suffit ».

6. Mettre en relation la place des femmes dans l'entreprise et l'image des femmes que les publicités donnent à voir

Outre l’argument déjà évoqué dans la lettre de l’AVFT adressée au Monde mettant en relation le contenu rédactionnel du Monde – lui-même lié à la nature de la division sexiste du pouvoir au sein de ce journal - et la caution donnée par ce journal au sexisme de la publicité, une autre campagne peut être citée. Des femmes salariées du Centre de recherche d'Aubervilliers de Rhône-Poulenc ont contacté l’AVFT pour nous informer d'une initiative engagée par elles contre une publicité dont le thème était: « Quand Rhône-Poulenc embellit les jambes des femmes, c'est bien pour les hommes, c'est bien pour les actionnaires ». Ces femmes ont détourné ce texte dont elles ont rédigé un tract, diffusé dans l'entreprise, libellé comme suit: « A Rhône-Poulenc, 1'égalité professionnelle est rigoureusement observée, c'est bien pour les hommes, c'est bien pour les actionnaires »; « A Rhône-Poulenc, les compétences des femmes dans tous les domaines n'ont  jamais cessé d'être reconnues, c'est bien pour les hommes, c'est bien pour les actionnaires ». Et, sur leur tract, on pouvait lire les réactions suivantes: « Trop, c'est trop »; « Je me sens insultée »; « Les femmes à Rhône-Poulenc sont encore considérées comme des objets »; « S'il y avait des femmes aux postes de responsabilité, cette publicité n'aurait pas vu le jour » ; « Est-ce ainsi que vous voyez votre femme, votre maîtresse, votre fille, votre mère? »; « J'ai honte d'une entreprise qui a une telle image des femmes »; « Et quand Rhône-Poulenc embellit les jambes des hommes, c'est bien pour les hommes, c'est bien pour les actionnaires ? »

Mais ces prises de positions - qui doivent être liées à des revendications plus politiques - ne peuvent être efficaces que si elles sont pensées dans une critique plus globale de la fonction que joue la publicité. 42

Il n’est, à cet égard, pas anodin de constater qu’en cas de contestation des fondements de ces pubs, il est rare que les responsables en assument la responsabilité. Celle-ci est rejetée par les payeurs et les diffuseurs sur les concepteurs, par les concepteurs sur leurs clients, par les clients sur ceux et celles qui regardent, bien malgré eux, leurs messages. Concernant la publicité Barclays représentant une femme battue, l'un des responsables de la campagne de l'agence RLC travaillant pour le compte de la banque britannique a tenté de justifier sa campagne avec l'argument qu’«ils (n’étaient) pas responsables des fantasmes troubles des Français ». Le commentaire de Jean-François Rouge dans Capital fut : « Dont acte: comme dans les pubs Benetton, le mal n'est pas dans la volonté de choquer de l'agence ou de son client, mais bien dans les yeux des abominables voyeurs, pervers polymorphes que nous sommes apparemment tous devant cette affiche ». 43

III. Projets d’actions contre le sexisme dans la publicité 44

S’il faut d'abord et avant tout, réfléchir et faire réfléchir sur la fonction politique de la pub et sur ses dangers 45, un certain nombre de suggestions ponctuelles visant à lutter contre le sexisme dans la publicité peuvent cependant être proposées.

Les modalités de ces revendications peuvent être diverses. Il peut s’agir de demander des excuses publiques, comme nous l’avions demandé au Monde et comme l’ont fait les transsexuels espagnols. 46Des réparations financières peuvent aussi être demandées. Une féministe allemande disait à ce sujet: « Les femmes ne demandent pas un remboursement du capital, elles se contenteraient de l'intérêt de la dette de l’argent qu'ils ont gagné sur notre dos. » Pourquoi cette position, bien que largement insuffisante, ne deviendrait-elle pas une revendication politique ? Mais il s’agit surtout de lancer des campagnes du boycott des marques qui utilisent des publicités sexistes pour vendre leurs produits. C'est le seul langage que le capitalisme entend vraiment. En exprimant nos hiérarchies de valeurs, nous pourrions en outre aborder politiquement les contradictions dans lesquelles nous sommes plongé-es quotidiennement.

Il peut aussi s’agir de détourner les affiches par des commentaires écrits, graffiti, sticks autocollants.

Qu’est-il possible de faire, par ailleurs?

- Pour les journalistes concernées, il est possible de rejoindre l'Association des Femmes Journalistes 47 qui décernera en 1998, sous la responsabilité de Florence Montreynaud, le premier prix de la publicité la moins sexiste, « donnant une image valorisante des femmes et des rapport entre hommes et femmes ». Et ce, afin de « sensibiliser le public et les professionnels à l'intérêt pour toute la société d'une image positive des femmes ». Les travaux préparatoires avaient permis en 1996, de « féliciter » Air Lingusqui, sous une photo pleine page d'un Irlandais âgé énonce: « Les Irlandais sont chaleureux et hospitaliers. En fait, ils feraient tous d'excellentes hôtesses de l'air » et la publicité Breitling où l'on voit une petite fille tenant à la main une grosse montre d'aviateur qui dit: « Plus tard, je serais commandante. »

- Sur un plan juridique, il est possible d’intenter des procès en utilisant la notion d'agression  « médiatique » et de « préjudice collectif », obtenue notamment grâce à la jurisprudence du Collectif national contre le tabagisme. 48

L'utilisation du merveilleux article 1382 du code civil: « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »  peut être aussi utilisé par des associations qui se constituent parties civiles.

- Il serait aussi souhaitable que les femmes travaillant dans les multimédias, s'organisent et se mobilisent afin de créer des stratégies d'interventions et de soutenir celles qui refusent ces impositions normatives et qui tentent de proposer d’autres types de représentations.

- Les associations de "consommateurs", qui sont majoritairement des consommatrices, devraient être plus sensibilisées et responsabilisées qu’elles ne le sont actuellement, sur les méthodes employées pour contraindre à la consommation, comme sur le sexisme, le racisme et l'impérialisme de la pub.

- Pour les raisons déjà invoquées, le rôle joué par le Bureau de Vérification de la Publicité (BVP) doit être dénoncé. Refuser d'en appeler à son intervention - et rendre publiques les raisons - me parait dès lors être une position légitime.

- Il faudrait connaître plus précisément le rôle joué par l’état en matière de contrôle des images, notamment télévisuelles. Ainsi, en juillet 1992, sous le gouvernement Bérégovoy, Matignon interdisait la sortie d'un spot télévisuel conçu par le Secrétariat d’état aux droits des femmes sur la prévention du sida et la contraception des adolescents et des adolescentes parce qu'un jeune couple était représenté dans un lit. Par ailleurs, "seules les organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle ainsi que le Conseil nationale des langues et cultures régionales et les associations familiales reconnues par l'Union nationale des associations familiales peuvent saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel". (Article 42 de la loi du 30 septembre 1986, instituant le CSA) Cet article excluant les associations de femmes et féministes doit être modifié.  

- Il faut aussi relancer la campagne pour imposer le vote d'une loi antisexiste. Il est, à cet égard, important de rappeler que le sexisme est lui-même porteur d'autres normes qui touchent à l'âge, au milieu social, à la couleur de la peau.

Une étude faite sur le sexisme dans les vidéo-clips au Québec en 1988 49 montrait que, sur les 70 % de vidéo clips analysés et considérés par les chercheuses comme sexistes, 71 % des femmes avaient entre 18 et 25 ans, tandis que presque toutes les femmes de plus de 40 ans étaient nettement désavantagées, laides, « négligées ». 50 % des milieux sociaux identifiés auxquels appartenaient les personnages féminins étaient fortunés, tandis que, dans 25 % de ces situations, le contexte et la mise en scène laissent clairement entendre que l'accès à ce milieu était dû à la complaisance d'un homme riche. Le sexisme est aussi visible dans la représentation des métiers ou des activités affectées aux femmes : dans 37 % des clips où il était possible de déterminer le champ d'activité spécifique des personnages féminins, pour 32 % des cas, il s'agissait d'activités liées à la danse, au cinéma, à la mode; dans 23 % des cas de positions stéréotypées dites féminines et subalternes: serveuses, secrétaires, laveuses d'auto, ménagères; dans 24 %, il s'agissait de prostituées, de danseuses nues ou de situations insolites. Le sexisme enfin est porteur de normes reproduisant les schémas de la domination masculine. La recherche avait montré que 66 % des vidéo clips présentaient des rapports entre femmes marqués par l'opposition ou la rivalité et que dans la presque totalité des cas, c'est un homme qui était à l'origine de cette rivalité. Les relations comme la solidarité ou l'amitié entre femmes étaient quasi inexistantes, tandis que la quasi-totalité des relations entre hommes et femme s'inscrivaient autour de trois pôles principaux: à savoir, la soumission (34 % des vidéo-clips, allant de la femme esclave ou servante de l'homme et à celle qui accepte avec résignation ou bonheur la domination de l'homme qui initie, qui dirige, qui décide); la violence (27 % des vidéo-clips) et la séduction (56 % des cas).

Dans 66 % des cas, les gestes posés par les personnages féminins avaient une connotation sexuelle ou érotique; 65 % des relations entre femmes étaient des relations d'oppositions; 34 % des relations des femmes avec les hommes étaient  des relations de soumission et 27 % de violence.

Mais cette loi antisexiste ne suffit pas. Une autre loi devrait pénaliser, en ce qui concerne les deux sexes, les représentations visuelles qui incitent:

* au harcèlement sexuel. On peut ici citer quelques exemples: une publicité Mielepour les aspirateurs représentait un homme très chic et sûr de lui brandissant le manche d'un aspirateur très phallique et affirmant:  « J'ai un truc infaillible pour séduire les femmes de ménage »;une publicité pour les bas et collants Oroblu: « Avis aux pros  de la main au panier, Shock up remonte les fesses plus haut, très haut »; une publicité Panasonic montrant une femme sur un escalier et accompagnée de la phrase suivante: « Un bureau très bien équipé, ça fait de vous un autre homme tous les matins »; une publicité Logitechpour gants de toilettes: « La nouvelle Mouseman Sensa. Vous aurez envie de mettre la main dessus ».

* à la prostitution. On peut citer encore la publicité Miele qui, en représentant une femme, affirmait : « Certaines sont vraiment prêtes à tout pour avoir un Miele ». Par ailleurs, sous le visage d’une femme aguichante, une publicité pour un photocopieur mettait ces mots: «  Besoin de rapports rapides et férquents. Qui pourra me satisfaire ? »50

* à la violence. Outre les deux exemples Visual et Barclays déjà cités, on peut citer la pub Peugeot 106  montrant toute une série de "prises" pratiquées par une femme sur un homme: « Maintenir l’épaule de votre mari contre le sol. Grâce à votre main droite et de la main gauche tordre légèrement le poignet jusqu’à ce que le malheureux lâche la clef de contact de votre 106 ».

* au viol. En 1991, des féministes avaient obtenu le retrait immédiatd'un catalogue d'un slip sur lequel l'inscription Non imprimée sur le pubis, se transformait en Oui  fluorescent, une fois les lumières éteintes.51 Plus récemment, la publicité du chocolat Suchard qui proclamait sur un visuel de femme noire, nue, le slogan suivant: « Vous avez beau dire non, on entend oui ».52

Ces textes devraient prévoir des mécanismes de retrait avant affichage et non pas a posteriori, ce qui n'est que pure hypocrisie.

Les principes pourraient se fonder sur ceux proposés par certains53 comités d'éthique canadiens54:

On peut citer comme particulièrement novateur le code d'éthique du Conseil du Statut de la femme du Gouvernement du Québec:

1. Aucun des deux sexes ne doit être utilisé indûment, en tout ou en partie, de manière à être réduit à une décoration ou un objet sexuel. Dans ce contexte, une décoration est entendue comme un élément ajouté, utilisé sans autre raison que d'embellir et sans aucun rapport avec les conditions normales d'utilisation d'un produit.

2. Aucun de deux sexes ne doit être représenté sans nécessité comme un être faible ou inférieur ou montré dans un état de dépendance émotive à l'égard de l'autre sexe, ni représenté de manière à ce que ses capacités intellectuelles soient dévalorisées.

3. Aucun des deux sexes ne doit être représenté de manière à ce que ses capacités physiques soient dévalorisées.

4. L'égalité des sexes doit être reflétée au niveau des qualités attribuées aux personnages publicitaires.

5. L'égalité des sexes doit être également reflétée au niveau de la répartition des rôles sociaux et parentaux.

6. La publicité doit refléter les changements touchant aux rôles des hommes et des femmes, et tenir compte de la grande diversité des modes de vie.

7. La publicité doit insister sur les avantages des produits et des services proposés et éviter de présenter des personnes ayant un besoin excessif de ces produits ou une dépendance excessive à leur égard.

8. Les personnes présentées doivent avoir un rapport avec le produit présenté.

IV. En guise de conclusion

En ce qui concerne le dernier point de ce code, la question me paraît cependant devoir être posée en de tout autres termes. Car, de plus en plus, la publicité déstabilise les frontières entre individu-es et objets, chosifiant les personnes et personnalisant les objets. Les publicités Ikéa sont allées très loin dans cette logique de substitution visuelle de l’être à l’avoir. On a pu voir ainsi sur les murs de Paris, trois jeunes femmes coquines affirmant respectivement: « Je lui ai dit : ‘ Ikea, fais comme chez toi.’ Il l’a fait! »; « Avec toi Ikea, les histoires commencent souvent sur un canapé »; « Ce soir, on reste ensemble », tandis que sur la dernière affiche était représenté un canapé Smögen, à 2790 F. Sur une autre affiche, un jeune homme, réjoui, rajustait sa cravate et semblait dire au canapé Kopper à 2350 F: « Il faut que je te présente à une amie ». Enfin, une quatrième jeune femme affirmait: «  Ikea et moi, on a fait toutes nos études ensemble » pour vanter les mérites d’une desserte informatique Jerker, à 995F. On pourra noter que, si les mannequins n’avaient  pas de prénoms, tous les objets étaient nommés. La campagne s’est d’ailleurs poursuivie dans le même veine: « Pour Ikea et moi, mes parents sont d’accord »; « Fais voir Ikea, comment t’es sous les couvertures », mises dans la bouche de deux jeunes femmes, l’une mutine, l’autre aguichante; tandis qu’un enfant demandait à Ikea de lui « raconte(r) encore le crocodile ».  

Ainsi, progressivement, la publicité opère des transferts de valeurs où le mode d'emploi de l'objet devient le mode d'emploi de l’autre: «Soigner la peau des mains (vous) permettra de mieux embrasser (vos) enfants » (produits de beauté Philosphy)(!), tandis que la discussion sur l'objet devient le substitut des relations entre individu-es. L'objet nous dicte notre hygiène de vie, notre conduite, nous impose des normes. Les mêmes produits Philosophy nous disent qu'« arrêter de consommer de la viande, du poisson et du lait augmentera les effets des produits sur le corps ». « Soyez amoureux » exige de nous Lesieur sur les murs de Paris, et Brandt, à la télé, nous enjoint de « profiter pleinement de la vie », tandis qu'un quidam en voix off nous confirme la pertinence du message et de son efficacité: «C’est ce que je fais ». Contrex 55, pour sa part, nous donne le plan de notre journée, dont chaque moment est accompagné d'un grand verre de Contrex, à boire « jusqu'à plus soif »(!):« petit déjeuner avec confitures ‘maison’, courses en grande surface, déjeuner léger avec une amie, permanence à la bibliothèque, réunion entre bénévoles, enseignement aux enfants des règles et des saveurs de la langue française, dîner en famille où chacun raconte sa journée, ses mésaventures, ses joies ». Et, le 22 avril 1996, on pouvait lire dans Libération, sous une double page pour Célio sous un astérisque accroché au nom de la marque: « Tout sauf l'ennui ! »

Au delà des conduites, c'est aussi un système de valeurs que veut incarner le règne de la marchandisation universelle:Benetton s’affirme le chantre de l’antiracisme, Leclercs'inquiète, pour nous, de « tant de besoins encore insatisfaits (éducation, santé, loisirs, culture) » 56, Whirpool (Appareils ménagers) décerne, au lieu et place de la Légion d'honneur, à l'occasion du 8 mars, les trophées pour « 6 femmes en or », qui« ont brillamment réussi » 57 et félicite Catherine Chabaud, première femme dans le Vendée Globe. Au-delà de son exploit, la marque s'adresse à toutes les femmes « qui vont au bout de leurs rêves » .58Et récemment, dans un film politique consacré au Costa Rica, j'ai pu lire le texte d’une immense affiche dans les rues de la capitale: « A un peuple qui aime la paix » signé Colgate Palmolive.

Cependant, n'ayant d'autre projet que celui de faire consommer dans un monde de plus en plus inégal, appauvri, la publicité perpétue des modèles toujours plus inatteignables, créant ainsi des frustrations 59 insupportables. La publicité qui fait « comme si » la question du pouvoir d'achat n'existait pas est indécente. Cette imposition incessante des normes de consommations à ceux et celles qui, non seulement ne peuvent les acheter, mais qui, en sus, se voient - selon les normes sociales dominantes -  exclu-es des logiques de reconnaissance  individuelle et sociale est insupportable pour des millions de personnes. On ne dira jamais assez les tristesses, les malaises, les angoisses, les drames provoqués, tous les ans, par la fête de Noël, la fête des mères, le premier de l’an. Car, la publicité nous fait oublier l'essentiel, à savoir que des millions de personnes, en France actuellement, n'ont pas d'argent pour les besoins élémentaires: se nourrir, se loger, s'habiller. « La publicité nous prend pour des consommateurs », ce graffiti écrit sur un mur du métro restera, pour moi, la critique la plus radicale que j'ai lue en la matière. Françoise qui avait « volé » de la viande dans un supermarché pour nourrir ses enfants - le père refusant de payer la pension alimentaire - expliquera: « Je n'étais pas exactement dans un état second. Mais toutes ces promotions m'ont tourné la tête. Je pensais à mes enfants qui allaient être contents. Je choisissais des aliments qu'ils aimaient; ça pour Steven, ça pour Manuella. Pour les gens sans problèmes financiers, un steak, c'est l'ordinaire. Pour nous, aujourd'hui, c'est un extra ». 60

De fait, la question du pouvoir d’achat n’est pas, pour les publicitaires, indépassable; à l’inverse, ils sont jugés par leurs clients sur leur capacité à la dépasser. L'appel à l'instinct, assimilé au plaisir, est ainsi manipulé sans trop de scrupule 61, pour provoquer « l'achat compulsif ». Le PDG de la Cofremca, Gérard Demuth, pouvait ainsi affirmer -- sans doute au nom de la science économique -- : « La France est toujours dans une phase de dé-consommation profonde. C'est une certitude. D'un côté, le Français ajourne sa consommation, de l'autre, il cède de manière irraisonnée à des achats d'impulsion. Bref, il se fait plaisir ». 62

Plus fondamentalement, la publicité doit, pour nous pousser à consommer, dans un premier temps, créer le besoin ; puis, transformer le malaise ainsi engendré par son manque en transfert sur l'objet censé y remédier. C'est ce que l'on appelle « l’achat de compensation » qui est une réponse aux frustrations créées et entretenues par la publicité. L'imposition incessante de modèles d'identification inatteignables renforce encore ces frustrations qui n’ont le plus souvent d’autre forme d’expressions, d’autre exutoire que le vol et la violence. Et, dans la mesure où la frustration sexuelle est, sans doute, la plus universelle de toutes, la publicité - qui vit essentiellement de ce fabuleux fonds de commerce qu’est le corps des femmes - porte une lourde responsabilité dans l’accroissement des violences masculines à l'encontre des femmes: « Les actions des associations contre les violences faites aux femmes... risquent fort d'être réduites à néant par l'impact de telles publicités qui banalisent ces violences. On peut d'ailleurs se demander légitimement si c'est l'image des femmes qui fait vendre ces produits ou si ces produits ne servent pas tout autant à marchandiser et donc à dévaloriser les femmes elles-mêmes. En tout état de cause, ces publicités contribuent individuellement à la dégradation, à l’humiliation de chaque femme et collectivement de toutes les femmes, seules ‘valeurs’ sûres d'une société en crise....

Nous ne voulons plus, nous ne pouvons plus entériner par notre silence l'image des femmes dont la publicité quotidiennement se nourrit et dont le sexisme s'aggrave actuellement dangereusement, en partie, sans doute, faute  de réactions publiques ». 63

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Notes de bas de page

1 Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail. BP 108. 75561 Paris cedex 12. Tel: 01 45 84 24 24. Fax: 01 44 24 81 35

2   Une présentation orale de ces campagnes a été faite lors du Forum Franco-Allemand: « Femmes et Médias », organisé par la Délégation régionale aux droits des femmes - Préfecture de la région Alsace - et le Conseil de l'Europe. Strasbourg. 1er décembre 1996.

3  Dépêche de l’AFP du 7 mars 1995.

4 Ont mené ces campagnes, au cours de ces trois années, au titre de l'AVFT: Sylvie Cromer, Suzanne Hildebrandt, Martine Léger, Marie-Victoire Louis, Adela Turin ; pour propositions, avis et critiques: Florence Montreynaud, Monique Perrot, Nelly Trumel. Ce texte ici signé par moi est donc aussi le leur. L'AVFT a fait état de ces campagnes dans La lettre de l'AVFT no 3, 4 et 5.

5  Réponse de Monsieur le Ministre de l’intérieur à M. Jean Claude Lenoir - UDF - sur le contenu de certaines rubriques de journaux distribués gratuitement. J.O. Assemblée Nationale. 23 juillet 1997.

6  B.V.P. 5 rue Jean Mermoz, Paris 75008. Tel : 01 43 59 89 45; Télécopie: 01 45 61 46 90.

7  Il faut noter la prudence du BVP en matière de représentation de la violence dans les messages publicitaires qui« doit s’apprécier au cas par cas ». Par ailleurs, aucun des cas « déconseillés » cités par lui ne concernait les violences contre des femmes ; il s’agissait d’ « un homme étant l’objet d’ une violence policière » et d’ « un groupe d’individus étant la cible d’un cocktail Molotov ». BVP. Espace TV. Les motifs d’intervention. N° 155. Octobre/Novembre 1997. N° 155.

8   Ibid.

9  « Affiches classées X ». Libération. 24 février 1995.

10  « Emois sur les sexes Benetton ». Libération.10 juin 1993.  

11   Ibid.

12  BVP. Espace TV. N°154. Juillet/août 1997.

13   Ibid.

14  CF.: « Où est le scandale de l’affiche du film ‘Harcèlement’ » ? La lettre de l’AVFT. Hiver 1994 / 1995.  

15  « Affiches classées X ». Libération. 24 Février 1995.

16   «Pris pour l’application du 1° de l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant les principes généraux concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage »

17  C’est ainsi que le BVP a « quasi censuré » Amnesty International en émettant un avis négatif sur un spot qui concernait la violation des droits de l’homme en Chine; celui-ci, à l’exception de Canal Plus, n’a donc pas été diffusé à la télévision. L’une des raisons invoquée était que celui-ci « était de nature à jeter le discrédit sur le gouvernement en exercice d’un  Etat étranger ayant établi des relations diplomatiques avec la France ». « Le BVP censure Amnesty ». Libération. 10 octobre 1996.

18  L'analyse d’Ervin Goffman selon laquelle « le publicitaire doit disposer favorablement le lecteur à l'égard du produit qu'il vante » et... « choisir (presque toujours) des types positifs approuvés de tous » doit être, dans ce contexte, réexaminée. In: Erving Goffman, La ritualisation de la féminité. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, no 14, 1977. p. 36, 37. Une lecture sexuée de la publicité contribuerait, sans aucun doute, à une analyse plus complexe.

19 Cité dans la page Médias du Nouvel Observateur, 28 avril/ 4 mai 1994.

20 Lorsque j'ai découvert cette nouvelle campagne, j'ai eu la curieuse impression que nous étions les destinatrices de ce texte ; de fait, pratiquement les seules à même de le décoder...

21  Lettre de Martine Léger : « Une pub qui méritait correction », Capital, Janvier 1995.

22   « Les pubs frappantes de la Barclays », Capital, Septembre 1994.

23  Christina Alonso, « Le choix des créatifs ». Stratégies. no 871, 1er avril 1994.

24 Voici, en regard, l'analyse faite par l'Express de cette campagne:...« Résultat, drôle mais corsé. L'un des deux spots réalisés par l'agence de pub n'a rien à envier, en effet, à certaines des séries roses de M6. Un vieux voyeur se plaint à EDF ( avec la voix de Michel Serrault) du manque de lumière dans l'appartement de sa voisine sur laquelle il lorgne; ‘Prétesté’ (dans le jargon) auprès d'un échantillon de consommateurs, ce pastiche érotique de ‘Fenêtre sur cour’ a fait un tabac. Les ‘telé-mateurs’ n'en ont pas perdu une miette». « Pourquoi le sexe envahit la pub ». L’Express. 4 au 10 août 1994. p. 65.

25 1 Dans le même sens, la lettre ouverte à la rédaction du journal Le Monde rédigée par le Collectif féministe contre le viol évoquait « le manque, confinant à l'absence totale, d'information sur la situation des femmes dans le monde » (15 mars 1994).  

26  Cécile Thibaud dans un billet paru dans le Nouvel Economiste ( 12 août 1994) intitulé : « Le Monde, version chaude », se demandait, après avoir analysé toutes les publicités parues dans le Monde au cours du mois d'août, si cette escalade devait être interprétée comme « une phase de test  pour Le Monde, nouvelle mouture ». La question est effectivement pertinente.

27  Cette campagne avait provoqué une importante réaction de la part de femmes journalistes au sein de la rédaction du Monde. Josyane Savigneau avait notamment adressé un message à l’ensemble de la rédaction pour protester contre la représentation des femmes et contre l’intense vulgarité de cette publicité.  La décision de publier la libre opinion déjà évoqué avait alors été prise.

28 Cette information mérite d'être appréciée à son importance: lorsque la moitié des revenus d’un journal doit être trouvée dans la publicité, on est en droit de se poser des question sur la nature de la hiérarchie mise en oeuvre quotidiennement entre logiques commerciales et choix d’informations.

29  « Le Monde, le boudin et la liberté de création des publicitaires ». Le Monde. 4/5 septembre 1994.

30   C’est aussi en invoquant les mêmes « valeurs fortes » qu’Anne Chemin avait téléphoniquement justifié le refus du journal de répondre à la lettre en date du 3 décembre 1996 que j’avais adressée à Jean-Marie Colombani. Dans cette lettre, j’avais critiqué la manière dont le Monde du 26 novembre 1996 avait fait part de la manière dont le journal et moi même avions été condamnés en diffamation, dans le cadre du procès que Jacques Peyrat, ancien « défenseur » de Véronique Akobé, nous avait intenté et avait gagné.

31  Le statut théorique accordé au distinguo mérite d’être noté.

32   Lettre d’André Laurens à Nelly Trumel. 28 novembre 1994.

33  Cette expression, toute commerciale, là encore, pose problème: le Monde est-il un « moyen d'expression »  ou exerce-t-il, comme la publicité, une « activité de communication »?

34 Lettre déjà citée d’André Laurens à Nelly Trumel.

35  Le service publicité du Monde interrogé par nos soins nous a confirmé que ces pages publicitaires étaient "soumises à la rédaction". Entretien téléphonique en date du 5 août 1994.

36  À la relecture, cette analyse était inappropriée et naïve.

37  Parmi les associations signataires, on peut citer le CODIF (Marseille), Collectif féministe contre le viol, Fédération nationale Solidarité Femmes, L'Annuaire au féminin, Les Marie-pas-claire, Mouvement pour une démocratie paritaire, l'Association Parité, le Mouvement Français pour le Planning Familial, l'Union des Femmes Françaises, la Fédération Syndicale Unitaire, le Women's Caucus of Democrats Abroad, la CLEF, le Lobby européen des femmes, l'Émission "Femmes libres" de Radio Libertaire, SOS femmes battues, la Ligue du droit des femmes, le Collectif féministe Ruptures, RIME, SOS sexisme, Elles sont pour, Nouvelles Questions Féministes, l'Alliance des femmes pour la démocratie, le CNIDF, l'Association des femmes ingénieurs, Femmes et changements, l'Association pour la prévention de la violence en privé, SOS Femmes alternatives, Coeur de femmes, Syndicat CFDT des services centraux EDF / GDF...

Parmi les personnes plus connues que d'autres, on peut citer: Benoîte Groult, Andrée Michel, Yvette Roudy, Michelle Perrot, Aline Archimbaud, Gisèle Halimi, Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber, Geneviève Fraisse, Hélène de Beauvoir, Simone Iff ..

38 Le 3 août 1995, dans le journal de 23 heures de France 2 , une représentante de l'AVFT a été invitée pour présenter la campagne antisexiste contre Visual/ Le Monde .

39  « Le lobby des femmes fait plier Perrier ». Libération, 23 juillet 1996. «Perrier a cédé face à la présidente du Lobby Européen des femmes qui lui avait donné jusqu'au 29 juillet pour qu'il retire sa campagne d'affichage jugée 'offensante pour les femmes', en Belgique. La publicité conçue par la filiale belge de Publicis montre le buste de trois jeunes femmes uniquement habillées d'une capsule de Perrier sur le bout des seins. Le titre évocateur ‘Wonderbulles' complète ce tableau. La Direction de Perrier Vittel a décidé vendredi de cesser sa campagne d'affichage après avoir constaté que cette campagne publicitaire qui se voulait un clin d'œil, pouvait choquer certaines personnes. a indiqué hier le groupe. En  cas d'obstination, le LEF envisageait une campagne de boycott de Perrier ».

40  Cf ce commentaire particulièrement délicat concernant les « avantages » des gaines-culottes: "L'illusion est parfaite, la fesse remonte et le couillon s'y trompe." Libération. « Haut les fesses à la mode nippone ». 17 mai 1995.

41  Marie-Victoire Louis.  « A propos du Politiquement correct». La Lettre de l’AVFT. N° 5. Hiver 1994 / 1995; « La violence masculine: responsabilité des hommes et enjeu politique ». La Lettre de l’AVFT. n° 6. Printemps 1995.

42   Cf l’analyse d’Olivier Toscani, le photographe de Benetton : « Je veux ouvrir le procès de Nuremberg de la publicité. Sur quelles charges? : crime de gaspillage de sommes colossales, crime d’inutilé sociale, crime de mensonge, crime contre l’intelligence, crime de persuasion occulte, crime d’adoration de la niaiserie, crime d’exclusion et de racisme, crime contre la paix civile, crime contre le langage, crime contre la créativité, crime de pillage ».  La pub est une charogne qui nous sourit. Ed Höbke, Paris, 1995. p. 17. On notera l’absence de toute référence au sexisme. Ceci étant dit, l’outrance de l’analyse ainsi que le caractère inapproprié de l’analogie ne délégitime pas pour autant la pertinence des dénonciations posées par ce réquisitoire.

43  Capital, sept 1994; art. cit.

44  Ces propositions ont été, dans une première rédaction, présentées dans l’article (qui a dû être coupé d’un tiers):  « A propos du sexisme dans la publicité ». Alternatives non violentes, Attention, publicité!. N° 103. Eté 1997. B.P. 27. 13122 Ventabren.

45 On pourra se référer aux travaux de François Brune, Le bonheur conforme. Essai sur la normalisation publicitaire, Paris. Gallimard, 1985; Les médias pensent comme moi! Fragments du discours anonyme, Paris, l’Harmattan, 1996, ainsi qu’au numéro d’Alternatives non violentes pré-cité. Une association nommée Résistance à l’agression publicitaire, présidée par Yvon Gradis, agit et réflechit efficacement contre la publicité. ( 61 rue Victor Hugo, 93500 Pantin. Tel: 01 46 03 59 92. Fax: 01 47 12 17 71). RAP publie une feuille bimestrielle intitulée: Le publiphobe. 56 bis rue Escudier.  92100 Boulogne. Tel: 01 46 03 59 92. Fax: 01 47 12 17 71.

46 Ire des transsexuels Espagnols contre une pub Renault. Libération. 20 mars 1997.

47  Contacter l’AFJ. Maison de l’Europe, 35 rue des Francs bourgeois. Paris 75004.  

48  « Pas assez sobres, les pubs Camel et Winston. Le n° 2 du tabac devra payer une amende et 600.000 Frs de dommages et intérêts ». Libération. 4 février 1996.

49  « Sexisme dans les vidéo-clips à la télévision ». Gouvernement du Québec. Conseil du statut de la femme. 1988. 82 p.  

50  Publicité reproduite dans: Florence Montreynaud, Amours à vendre. Les dessous de la prostitution. Paris, 1993. Glénat. p. 13. Référence donnée par Malka Marcovich.

51  AFP. 27 septembre 1991.

52 Le collectif féministe contre le viol avait mené une campagne contre cette publicité. Villa d’Este. Paris 75013.   Tel: 0800 059 595. Fax: 01 53 79 14 41.

53  On  peut citer le Conseil du Statut de la Femme du gouvernement du Québec, le Conseil de la Radiodiffusion et des Télécommunications Canadiennes (CRTC); la Canadian Avertising Foundation; la Canadian association of Broadcasters. Bien qu'anciens (1982, 1986, 1990), ils peuvent cependant être utilisé comme référents.

54  Les recommandations d’un comité d'éthique n'ayant pas de valeur contraignante, laissent donc  à la discrétion des pairs -- qui défendent d’abord leurs intérêts corporatistes -- les critères d'appréciation et détournent ainsi les dénonciations des particuliers du recours à la loi. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il faudrait sous-estimer ou mésestimer l’évolution progressiste des principes proposés.

55 Contrex. Publi-Information. Mincir et rester mince. Pour qui, pour quoi? Expression de femmes.

56 Le Monde. 31 janvier 1996.

57 Libération. 8 mars 1994.

58 Libération. 24 mars 1997.

59  A cet égard, il me semble qu’une des ruptures qu'a créée la publicité Benetton est fondée sur le fait qu'elle agit sur un autre registre: dans le domaine de l’antiracisme essentiellement -- et pas pour toutes ses pubs (Cf F. Brune: Racisme et publicité. Alternatives non violentes. Op.cit. p. 4 ) -- Benetton refuse la logique de la frustration comme moteur du marché et se donne à voir comme défendant des valeurs universelles transcendant les couleurs, les frontières, les sexes, les conflits. En jouant sur l'image de modèles positifs progressistes, Benetton positionne le marché sur le terrain qui, clairement, n’est pourtant pas le sien, de celui des valeurs.

60  La Vie. N° 2689. 13 mars 1997.

61 Notons que c'est par cette même analogie que le viol a été légitimé pendant des siècles.

62  « Pourquoi le sexe envahit la pub ».L 'Express. 4 au 10 août 1994.  

63   Présentation par l’AVFT de ses campagnes contre l’utilisation du thème de la violence contre les femmes par Barclays et Visual / Le Monde . 20 avril 1994.


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