De quel droit ?
Vous, les hommes, décidez vous au nom des femmes ?
Vous, les hétéros, décidez vous pour les homos et les lesbiennes ?
Vous, les blanc-hes, décidez-vous pour ceux et celles autrement colorié-es que vous?
Vous, les riches, décidez-vous pour ceux et celles dont seule leur pauvreté a fait votre richesse ?
Vous, les politiques, nous imposez vous de vivre dans un monde ou le mot « Justice » n’a plus de sens que dans la bouche de ceux et celles qui se battent contre vous?
De quel droit nous imposez-vous votre vision du monde ?
De quel droit ?
Vous, les juristes, décidez vous de la vérité de la peine ?
Vous, qui détruisez le monde, décidez vous de l’écologie ?
Vous, les bien portant-es, décidez-vous pour les malades, les handicapé-es ?
Vous, dont l’avenir est assuré, décidez-vous d’en priver les nouvelles générations ?
Vous, les politiques, nous imposez vous de subir les conséquences de vos impérities, sans en être tenus personnellement responsables, sauf, récemment, pour rares crimes majeurs ?
De quel droit vous imposez-vous votre vision du monde ?
De quel droit ?
Vous, qui avez un passeport, décidez vous du sort de ceux et celles qui n’en ont pas ?
Vous, les puissant-es, décidez-vous pour ceux et celles que vous qualifiez de faibles ?
Vous, si souvent incultes ou confit-es dans «la culture », décidez vous de l’éducation ?
Vous, qui couchez dans votre lit, décidez vous de détruire campements, maisons et yourtes ?
Vous, les politiques, décidez vous de ce qui doit relever du public ou du privé, de l’essentiel ou du faits divers, du dit ou du non-dit?
De quel droit vous imposez-nous votre vision du monde ?
De quel droit ?
Vous, qui, promu-es après avoir accepté tant de déshonneurs, décidez-vous de nous imposer un monde dépourvu de toute prescription morale ?
Vous, qui contrôlez l’édition, la presse et la télé, décidez vous de ce qui doit relever de la mémoire et de l’histoire, de ce que nous devrions lire, voir, entendre, juger et penser ?
Vous, qui avez tous les droits, décidez vous de faire taire, de tabasser, d’enfermer ceux et celles qui ont pour seul défaut de ne pas vous plaire, de vous contester, de vous critiquer ?
Vous, qui, sans inquiétude du lendemain, décidez vous du travail et du chômage, d’octroyer ou de supprimer, d’augmenter ou de baisser salaires, aides, allocations, impôts, retraites ?
Vous, les politiques, décidez-vous de la vie et de sa fin, de la différence entre ceux et celles qui comptent et de ceux et celles qui ne sont que - mal - compté-es ?
De quel droit vous imposez-vous votre vision du monde ?
De quel droit, vous les impérialistes, continuez vous à décider pour les pays que vous avez colonisés, dominés, occupés, exploités, déculturés, massacrés, détruits ?
Oui, de quel droit ?
De quel droit ?
Nous gâchez-vous la vie ?
Nous engagez-vous dans vos guerres ?
Nous construisez-vous votre nucléaire de mort ?
Nous appelez-vous : le social, la rue, les gens, les masses, le peuple ?
Nous faites-vous croire que vous avez le pouvoir de maitriser l’avenir ?
Nous imposez-vous cette dictature des marchés donc vous n’êtes que les pâles factotums ?
Du droit d’une infime minorité qui s’arroge le droit d’exiger de nous ce qu’elle ne respecte pas elle-même, habilement caché sous couvert de « démocratie » dont vous osez encore vous prévaloir. Et dont, en toute cohérence, vous nous abreuvez matin, midi et soir : c’est bien en effet ce seul mot qui vous cautionne, vous normalise, vous perpétue, et - croyez vous encore - vous légitime
N’avez-vous pas honte des applaudissements que vous suscitez ?
Je ne veux plus de vos ami-es
Je ne veux plus conforter votre égo
Je ne veux plus de vos impositions
Je ne veux plus des miettes que vous nous jetez après vous êtes servis
Je ne veux plus de vos pseudo programmes auxquels personne ne croit plus
Je ne veux plus de votre droit à décider de tout et de rien et que vos décisions fassent loi
Je ne veux plus de vos commentaires et de vos analyses, de votre pédagogie, de votre propagande, de votre cinéma
Je ne veux plus de votre petitesse et de votre suffisance, de vos préjugés et de vos sophismes, de vos alliances et de vos retournements, de vos replâtrages et de vos esquives, de vos envies et de vos mensonges
C’est le rejet, le dégoût, le haut le cœur, l’overdose
Voter pour perpétuer la destruction du monde que vous nous imposez, ça suffit
Voter pour cautionner la permanence de vos fausses alternatives, de vos calculs à la petite semaine et de vos coups fourrés, de vos prébendes et de votre corruption, de vos passe droits et de vos trucages, ça suffit !
Voter pour lire, voir, savoir que, chaque jour, des femmes sont violées, harcelées, humiliées, injuriées, assassinées, prostituées, torturées, abandonnées avec leurs enfants ou contraintes à les élever seules, sans que la cohérence de cette réalité n’atteigne même votre conscience, ça suffit !
Je ne veux plus m’indigner
Je ne veux plus être représentée
Je ne veux plus que vous décidiez pour moi
Je ne veux plus suivre personne
Je ne veux plus que vous envahissiez mon monde
Je ne veux plus justifier le mépris dont vous m’accablez
Je ne veux plus avoir pour horizon mental celui de vous critiquer
Je ne vote plus
Ne pas voter n’a rien de neuf, n’est pas grand chose et ne résous rien
Mais l’affirmer la tête haute - et non plus simplement s’abstenir - permet de dire, de penser politiquement en disant : « Je », sans honte, fièrement
La tête enfin libérée de vos enfermements, de vos catégories mentales et de votre « démocratie »
Plus libre enfin de penser plus librement
Sans vous, sans vos journalistes - sans lesquels vous n’existeriez pas - sans vos porte-paroles et vos beaux parleurs, vos militant-es et vos petites mains, vos spécialistes et vos sondeurs, votre ‘com’ et vos sbires
Sans vos partis
Sans votre parlement
Vous n’existez que par la fiction de mon vote
La caution de votre monde est devenue trahison du mien
Trop d’espoirs, trop de vies, depuis des siècles, ont été perdu-es, sacrifé-es, si souvent, en vain
Le chantage à « la démocratie » - mère légitime de tant d’oppressions - a assez duré
Tant que celle-ci ne sera pas frontalement critiquée, nous resterons pris-es dans ses filets qui nous étouffent
Mais, à propos…:
Si l’on vous retire les décisions prises - quoi que vous en disiez, en votre nom et place - par les agences de notation, les bourses et les banques, l’OTAN et les marchands de canon, l’OMC, le FMI, l’ONU et son Conseil de Sécurité, l’OMS, la FAO, l’Union européenne, les entreprises, multinationales ou non, les services secrets, les mafias diverses et variées, la presse….
Et j’en passe…
Que reste t-il alors de votre pouvoir ? :
- Les symboles
Nous en avons aussi. Et des plus neufs
- Le choix des personnes au banquet
Nous n’acceptons plus vos invitations. Et nous ne voulons plus exclure personne
- Le monopole de la force, du droit que vous exercez contre nous, depuis si longtemps
Nous ne voulons plus de ces violences institutionnelles
Nous avons assez de ces injustices, si souvent, hors sujet
Si elles se perpétuent encore, qu’il soit clair qu’elle s’exerce sans l’aval, sans la caution, sans l’accord de ceux et celles à qui vous l’imposez
Nous sommes si nombreux et si nombreuses à vouloir vivre autrement
Sans rien donc - ou pas grand-chose - attendre de vos élections
Sans solution de rechange toute faite, sans programme clé en main, sans plan B
Avec nos histoires, nos réflexions, nos intelligences, nos aspirations, nos refus, notre lucidité et surtout nos volontés de changer ce monde que vous menez, sans excès de scrupules, droit dans le mur
En guise de post-face :
« ‘Les maudits ! Les misérables !’ Et toi, est-tu devenu sage en un moment ? » Épictète 1
1 Epictète. Entretiens, I. Les Stoïciens II. Tel Gallimard. 2003. 1443 p. p. 850