Amnesty International
 Marie-Victoire Louis

Amnesty International : Vous avez dit : « Abolition de la peine de mort » ?

date de rédaction : 10/04/2014
date de publication : 10 avril 2014
mise en ligne : 10/04/2014
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Après le texte en date du 29 août 2012 intitulé : « Des questions à Amnesty International ». Critique du Rapport 2012 d’Amnesty international, http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1099&themeid=1100,

Après le texte en date du 15 octobre 2009 : « [Encore des] Questions à Amnesty International. Pour un début de critique du Rapport 2013: La situation des droits de l’homme dans le monde » », http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1162&mode=last

Après le texte en date du 24 octobre 2013 intitulé : « Pour une critique du Rapport 2013 d’Amnesty International : « La situation des droits humains dans le monde», http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1170&mode=last

Après le texte en date du 22 mars 2014 intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : «  Droits » ? » http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1175&mode=last

Après le texte en date du  1er avril 2014, intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : « Discriminations » ?http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1176&mode=last

Après le texte en date du 3 avril 2014 intitulé : « Amnesty International : Vous avez dit : « Polysémie » ? » http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1177&mode=last

Voici la suite - mais non la fin - de cette critique de la pensée politique d’Amnesty International, telle que celui-ci nous la donne - en toute ingénuité ? - à lire.

Il est possible de vérifier - aux fins de critiques, de confirmations, d’invalidations - les assertions, commentaires, critiques de ce Rapport, en se rapportant au document publié sur internet : http://www.amnesty.org/fr/library/asset/POL10/001/2013/ne/039cd7dc-a3e2-46b2-8f2e-49fb963093e3/pol100012013fr.pdf

Lorsque Amnesty International prend position sur telle ou telle situation dans tel ou tel pays, prévalant dans le monde, c’est au nom de sa conception des « droits humains », laquelle nécessite donc de comprendre l’usage qu’il fait des différents termes qu’il emploie. Je me suis ici focalisée sur l’abolition de la peine de mort. 1

J’ai relevé, toujours dans le Rapport 2013 d’Amnesty International : « La situation des droits humains dans le monde », l’usage [relevé rigoureux mais non exhaustif] qui y est fait du terme « abolition de la peine de mort ». J’ai prolongé l’analyse pour comprendre la position, si tant est que ce terme puisse être employé, d’Amnesty International en la matière. Voici donc ce que j’ai lu.

I. Amnesty international ne prend jamais aucune position de principe contre la peine de mort, ni ne revendique son abolition. 2

On peut aussi noter que la peine de mort est considérée par Amnesty international soit comme relevant d’un « traitement cruel et inhumain » (Guyana. p.127), soit comme « une violation des droits humains et de la Constitution » (Indonésie. p.140)  

II. Amnesty international se contente, en règle générale, de faire état de la situation en la matière.

Quelques exemples :

- Bangladesh : « Un personne a été exécutée et 45 personne au moins ont été condamnés à mort. » (Bangladesh. p.35)

- Égypte : « Au moins 91 personnes ont été condamnées à mort ; on ignore si des exécutions ont eu lieu. » (Égypte. p.85)

- Indonésie : « Aucune exécution n’a été signalée » (Indonésie. p.137)  

- Jordanie : « 16 personnes au moins ont été condamnées à mort. Aucune exécution n’a eu lieu. » (Jordanie. p.161)

- Iran : « Les autorités ont reconnu 314 exécutions, mais 544 au total ont été signalées. Le chiffre réel pourrait être beaucoup plus élevé. »  (Iran. p.144)

- Mauritanie :« Six personnes au moins ont été condamnées à mort » (Mauritanie. p.199)

- Vietnam :« Au moins 86 personnes ont été condamnées à mort, ce qui portait à plus de 500 le nombre de prisonniers sous le coup d’une sentence capitale. » (Vietnam. p.333)

III. Amnesty international ne traite de la peine de mort que concernant certains pays.

Ils sont 70 dans ce Rapport, les pays non cités (Argentine, République Centrafricaine, Ethiopie, Russie, Ouzbékistan, etc.…) n’étant donc pas susceptibles d’être concernés. Rappelons que ces choix, ces critères ne sont jamais justifiés : ils sont donc, chaque année, arbitraires.

IV. Amnesty International emploie de nombreux termes concernant au lieu et place de la « peine de mort ».

Ces assimilations, analogies rendent dès lors d’éventuelles comparaisons plus difficiles et la confusion plus grande. On note : « la peine capitale » (Bahamas. p.3), (Guyana. p. 126)… ; « la sentence » (Pakistan. p.234) ; « la sentence et ses aspects connexes » (Taïwan. p. 308) ; la « sentence capitale » (Afghanistan. p.4), (Arabie Saoudite. p.17), (Pakistan. p.234), (Somalie. p.284), (Inde. p.134)…, tandis qu’il est aussi fait état de « condamnation à mort » (Soudan. p. 288) ; d’« exécution » (Afghanistan. p.4), (Autorité palestinienne. p.24), (Belarus. p.39), États-Unis. p.101), (Inde. p.134), (Somalie. p.284). Et même de : « châtiment » (Ghana. p.115), (Nigeria. p.222) et de « mise à mort ».

V. Amnesty International emploie de nombreux termes concernant les personnes ayant été condamnées à la peine de mort, et/ou tuées en application de cette peine.

Ces assimilations, analogies rendent, dès lors, une fois encore, d’éventuelles comparaisons plus difficiles et la confusion plus grande.On note : « condamnés à mort » (Afghanistan. p.4), (Belarus. p.39) ; « condamnés exécutés » (Belarus. p.39) ; « condamnés fusillés par un peloton d’exécution » (Gambie. p.111) ; « prisonniers condamnés à mort » (Arabie Saoudite. p. 17) ; « accusés » (Bahreïn. p.35) ; « individus » (Chine. p.62) ; « personnes » (Bangladesh. p.37) ; « personnes sous le coup d’une condamnation à mort » (Afghanistan. p.4) ;  « détenus condamnés à la peine capitale » (Cameroun. p.58) ; « détenus […] sous le coup d’une sentence capitale » (Nigeria. p.222), (Sierra Leone. p.276) ; « suspects passibles de la peine capitale » (Chine. p.64) ; « personnes exécutées » (Chine. p.64), (Iran. p.147) ; [exécution d’] « opposants politiques» (Corée du Nord. p. 75) : « personne […] exécutée » (Émirats Arabes Unis. p.91) ; « personnes en instance d’exécution » (Koweït. p.173) ; « hommes détenus dans le quartier des condamnés à mort […] toujours en instance d’exécution » (Nigeria. p.222) ; « prisonniers sous le coup d’une condamnation à mort » (Soudan du Sud. p.292), (Qatar. p.246) ; « prisonniers en attente d’exécution » (Taïwan. p.308) ; « prisonniers exécutés » (Yémen. p.339) : « femmes […] condamnées à la lapidation » (Soudan. p. 288). Et, enfin, « suppliciés » (Arabie Saoudite. p.19), (Irak. p.140).

VI. Les sources d’Amnesty International sont multiples - le plus souvent, aucune n’est mentionnée - et aucune n’est vérifiable.

En lieu et place de sources référencées, on lit que les condamnations sont « signalées » (Algérie. p.10), (Corée du Nord. p.73), (Indonésie. p.137 et 140), (Oman. p.226), (Somalie. p.285), (Thaïlande. p.314). Mais on lit aussi, sans plus de précision ceci : « selon les informations recueillies » (Bahreïn. p.35) ; « on a appris » (Indonésie. p.140) ; « selon les informations disponibles » et « selon les autorités » (Tunisie. p.321) ; « des informations qui n’ont pu être confirmées » (Corée du Nord. p. 75). Et même : « on ignorait si […] » (Égypte. p.91). Et, enfin : « il a été impossible de vérifier si […]» (Syrie. p.300 et 305).

Lorsqu’il est fait état de sources, elles sont officielles. On note : « d’après des informations officielles » (Cameroun. p.58) ; « les autorités ont reconnu » (Iran. p.147) ; « selon les chiffres de l’administration pénitentiaire »  (Malaisie. p.190) ; « selon des informations diffusées par les médias » (Maldives. p.192) ; « les statistiques gouvernementales, à Mogadiscio, ont fait état de […] » (Somalie. p.284) ;« Un responsable des pouvoirs publics a déclaré » (Vietnam. p.335). Et enfin : « les autorités n’ont fourni aucune information […]  » (Oman. p.226) Deux exceptions concernant une référence à une source non gouvernementale : l’Iran : « D’après des sources non officielles dignes de foi » » (Iran. p.147) et la Sierra Leone : « Selon des organisations de la société civile ». (Sierra Leone. p.276)

* On note aussi, qu’en Corée du Nord, les informations d’Amnesty international sont «  signalées » et, deux pages plus loin « n’ont pu être confirmées ». Mais s’agissait-il des mêmes personnes ? On ne sait. Dans le premier cas, Amnesty International évoque l’exécution de « personnes qui avaient été écartées lors de la phase de transition au sommet de l’État », dans le second d’« opposants politiques ». (Corée du Nord. p. 73 et 75)

* On note enfin, qu’Amnesty International peut tout à la fois affirmer concernant la Chine : « Cette année encore, un grand nombre de condamnations à mort ont été prononcées […]» ; « La Chine a exécuté plus de prisonniers que tous les autres pays de la planète réunis » ; « Les statistiques relatives aux condamnations à mort et aux exécutions étaient toujours classées secrètes. » Et ce, sans autre précision, sans autre justification concernant les chiffres annoncés, ni source alternative. (Chine. p.63)

VII. Les références juridiques d’Amnesty International : la construction (ou la poursuite) du chaos.

1) L’ONU

* On sait que l’ONU n’a jamais dans un texte posé le principe de l’abolition de la peine de mort. Le seul texte de référence évoqué concerne le Pacte international relatifs aux droits civils et politiques qui, pourtant, reconnaît la peine de mort, faisant même explicitement référence « aux pays où la peine de mort n’a pas été abolie ». Des limitations sont néanmoins posées : la peine de mort « ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves » […], exclue les « crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans » et les « femmes enceintes », évoque le cas spécifique du « crime de génocide » et affirme que : « Tout condamné à mort a le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine. Il est enfin précisé qu'« aucune disposition ne peut être invoquée pour retarder ou empêcher l'abolition de la peine capitale par un État partie au présent Pacte ». 3

Ce texte a été en 1989 prolongé par un « deuxième protocole facultatif ». Outre le fait qu’il est, ce qui n’est pas secondaire, « facultatif », s’il précise, dans son préambule, que l’État signataire est « désireux de prendre, par le présent Protocole, l'engagement international d'abolir la peine de mort », celui-ci n’en confirme pas moins, dans son article 1, 2 que l’abolition de la peine de mort est bien de l’exclusive responsabilité de chaque État. On lit en effet, dans son article 1, 2 : « Chaque État partie prendra toutes les mesures voulues pour abolir la peine de mort dans le ressort de sa juridiction. »

Ceci posé, que lit-on ? Amnesty International n’évoque pas le Pacte, mais son Deuxième protocole facultatif, dont, au delà d’une déclaration d’intention sans valeur normative, on peut légitimement considérer, au vu de son article 1, 2 qu’il limite l’impact d’un texte déjà fort critiquable. Ainsi, Amnesty International :

1) Concernant la Mongolie, considère que : « La Mongolie a franchi une nouvelle étape vers l’abolition de la peine capitale en adhérant au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP. » (Mongolie. p.207)

2) Concernant le Bénin, limite sa présentation et donc son interprétation du texte au seul intitulé dudit Protocole : « Le Bénin a ratifié le Deuxième protocole facultatif se rapportant au PIDCP, qui vise à abolir la peine de mort. » (Bénin. p.40) Et à la lecture du titre du Document d’Amnesty International: « Le Bénin adhère à un traité essentiel des Nations unies visant à abolir la peine de mort (AFR 14/001/2012). » (Bénin. p.41), sans autre référence, sans croire nécessaire de le nommer donc, on peut légitimement de considérer qu’Amnesty International délégitime ce texte de droit.  

3) Concernant le Libéria, présente une interprétation erronée dudit Protocole. On lit : « Bien que le Liberia ait adhéré en 2005 au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, qui exige de l’État partie qu’il prenne des initiatives pour abolir la peine capitale, des condamnations à mort ont de nouveau été prononcées en 2012. » (Liberia. p.177) En effet, le « deuxième Protocole » (rappelons le : «  facultatif »), n’ « exige » rien des États. Par ailleurs, évoquer sans commentaire, ni critique, la violation de ce texte n’est ce pas la cautionner ?

* On note aussi qu’Amnesty International, affaiblissant encore un peu plus les textes de référence, fait référence à trois autres références onusiennes :

1) à « l’Examen périodique universel par le Conseil des droits de l’homme [ONU] », plus précisément concernant les « engagements » qu’auraient pris le Guyana « en 2010 ». (Guyana. p.126)

2) à « la recommandation formulée dans le cadre de l’Examen périodique universel de l’ONU et préconisant l’abolition de la peine capitale ».  4 (Tunisie. p.321)

3) Et enfin, à la « résolution 67/176 de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions » (Inde. p.134) 5 présentée, concernant les Émirats Arabes Unis - dont Amnesty International note qui se sont « abstenus » - comme « une résolutionde l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur d’un moratoire universel sur les exécutions» (Émirats Arabes Unis. p. 91). Mais on lit aussi, concernant cette même Résolution, ceci : « En décembre, l’Inde a voté contre la résolution 67/176 de l’Assemblée générale des Nations Unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition de la peine de mort. » (Inde. p.134) On note donc trois différentes formulations : « appelant à », « en faveur de » et « à titre de première étape ». On note aussi que ledit moratoire est soit considéré comme « mondial », soit comme « universel » et n’est pas qualifié concernant Oman (Oman. p.226). En tout état de cause, dans le cadre d’un projet concernant une simple « Résolution » de l’ONU, le jugement que s’autorise Amnesty International :  « à titre de première étape vers l’abolition de la peine de mort» n’est pas acceptable.

Ainsi, non seulement Amnesty International ne remplace pas ces textes de l’ONU - qui ne revendiquent pas l’abolition de la peine de mort - par d’autres émanant de lui, mais il affaiblit encore les quelques rares textes existants. On aurait pu penser qu’Amnesty International aurait souhaité, considéré comme étant de sa légitimité, d’en élargirait la portée. On aurait pu penser qu’Amnesty International aurait pu proposer un principe intangible, clairement et sans ambiguïté abolitionniste [de la peine de mort] qui aurait servi de texte de référence à ceux et celles qui sont attaché-es à l’affirmation d’une valeur universelle de référence. Il n’en est rien.

2) Autres textes supra nationaux juridiques de référence 

- Concernant la Lettonie, on lit que : « Le Protocole n° 13 de la Convention européenne des droits de l’homme a ensuite été ratifié. » (Lettonie. p.174)

- Concernant les Bahamas, on lit que : « la Commission interaméricaine des droits de l’homme a prié tous les États de la région d’instaurer un moratoire sur les exécutions et de faire ainsi un pas vers la suppression progressive de cette peine. » (Bahamas.p.31)

3) Références juridiques nationales

Amnesty International se réfère aussi, sans aucune explication, ni justification à des textes de droit interne. On lit ainsi concernant :

1) Le Cameroun : « La Commission nationale des droits de l’homme et des libertés a recommandé au gouvernement d’abolir la peine de mort. » (Cameroun. p. 58)

2) La Corée du sud :Trois propositions de loi visant à l’abolition de ce châtiment sont devenues caduques à la fin de la législature. » (Corée du Sud. p.77)

3) Le Kenya : « La Loi relative aux forces de défense du Kenya, adoptée en 2012, prévoyait la peine de mort pour les membres de ces forces déclarés coupables de toute une série d’infractions, dont la trahison, l’espionnage, la collusion avec l’ennemi, la communication de renseignements à l’ennemi et l’appel illégal à un changement de gouvernement. » (Kenya. p.168)

4) La Corée du sud : « Trois propositions de loi visant à l’abolition de ce châtiment sont devenues caduques à la fin de la législature. Les dernières exécutions dans le pays ont eu lieu en décembre 1997. » (Corée du Sud. p.77)

5) L’Inde : « En novembre, la Cour suprême a préconisé un réexamen des principes de détermination de la peine, compte tenu de l’incohérence dans l’application de la peine capitale. La Cour suprême s’est prononcée contre l’application automatique de la peine de mort pour l’utilisation d’armes à feu prohibées ayant entraîné la mort. » (Inde. p.134)

6) Le Liban : « Le projet de Plan national d’action sur les droits humains suggérait de remplacer la peine capitale par la détention à perpétuité dans toutes les lois libanaises concernées. » (Liban. p.177)

7) Le Nigeria : «  Statuant dans une procédure engagée en 2008 par le Groupement des ressources juridiques (LRC) et l’ONG nigériane Projet de défense et d’assistance juridique (LEPAD), la haute cour de l’État de Lagos a conclu en septembre que l’imposition obligatoire de la peine de mort était contraire à la Constitution. (Nigeria. p.222)

8) La Tanzanie : « Une requête déposée par des organisations de la société civile en 2008 pour contester la constitutionnalité de la peine capitale était toujours en instance. » (Tanzanie. p.310)

Autant d’instance, de « recommand[ation]», de « prév[ision] », de « sugge[stion] »,de « conclu[sion] », de « contest[ation] », de « préconis[ation] » de références à des lois dont on ne sait rien et donc on ne comprend pas grand-chose, autant de confusions…

La référence ponctuelle à certains procès dans certains pays : (Belarus. p.39), (Iran. p.147), (Mauritanie. p.199), (Soudan. p.288) (Yémen. p.339), dont on ne comprend ni la raison, ni la logique, ni la signification n’aide pas non plus à la clarification des débats.  

4) Les déclarations des Etats sinon validés, du moins non contestées dans leur principe

Plus signifiant encore, Amnesty International reproduit, fait état de déclarations d’intention émanant des États eux-mêmes - voire de certains de leurs représentants -, déclarations elles-mêmes suivis ou non de commentaires, eux-mêmes, plus ou moins critiques. On lit ainsi :

1) Chine : « Les autorités ont annoncé qu’elles allaient rendre plus contraignante la procédure judiciaire applicable dans les procès susceptibles de se solder par des condamnations à mort, ce qui n’a pas empêché l’exécution de plusieurs milliers d’individus. » (Chine. p.62)

2) Gambie : « En septembre, le président a annoncé un moratoire sur les exécutions, conditionné par le taux de criminalité », suivi de : « Le sort des condamnés à mort était ainsi tributaire de facteurs extérieurs. »(Gambie. p.111)

3) Ghana : « Le pays n’a procédé à aucune exécution. La peine capitale demeurait inscrite dans la législation, bien que le gouvernement ait accepté des recommandations en faveur de l’abolition de ce châtiment » suivi de, même page, : « En juin, le gouvernement a accepté la recommandation de la CRC ( ?) d’abolir de la peine capitale. Ce châtiment était toutefois toujours prévu par la loi à la fin de l’année. (Ghana. p.115) Comprenne qui pourra…

4) Malaisie : « Le ministre des Affaires juridiques Nazri Aziz a annoncé en octobre que le gouvernement allait examiner la possibilité de remplacer la peine capitale obligatoire par des peines d’emprisonnement, mais uniquement pour les atteintes à la législation sur les stupéfiants et dans certaines circonstances. »  (Malaisie. p.190) Le ministre examine la possibilité…

5) Maldives : «  Au moins deux personnes ont été condamnées à mort, mais aucune exécution n’a eu lieu. Cependant, le président de la Cour suprême et le ministre des Affaires intérieures ont fait des déclarations laissant entendre que les exécutions ne pouvaient pas être exclues aux termes de la législation. Selon des informations diffusées par les médias, le gouvernement rédigeait un projet de loi visant à garantir l’application des condamnations à mort, ce qui a soulevé des préoccupations quant à une éventuelle reprise des exécutions, après une interruption de près de soixante ans. » (Maldives. p.192) Des magistrats laissent entendre…

6) Singapour : « Singapour s’est engagé dans un processus visant à ce que la peine de mort ne soit plus obligatoirement appliquée pour certaines infractions», suivi, dans la Rubrique « Peine de mort », d’une formulation sensiblement différente : « Le gouvernement a déclaré en juillet qu’il allait procéder à la révision des lois aux termes desquelles une personne reconnue coupable d’homicide volontaire ou de trafic de drogue était obligatoirement punie de la peine de mort. » (Singapour.p.278) Un État s’engage dans un processus…

7) Trinité et Tobago : Rubrique : «  Peine de mort » : « […]En janvier, le Premier ministre a fait part publiquement de la détermination du gouvernement à appliquer la peine capitale. » (Trinité et Tobago. p.318) Un gouvernement est déterminé…

8) On peut enfin penser, au vu de son intitulé que le Document d’Amnesty International : «  Irak. Les exécutions doivent cesser en Irak (MDE 14/011/2012). » (Irak. p.143) manque pour le moins de fermeté.

VII. Divers (mais non pas secondaire)

On peut aussi noter :

1) Concernant l’Irak, une tautologie : « Comme les années précédentes, un très grand nombre de personnes – sans doute plusieurs centaines – ont été condamnées à mort, ce qui a fortement accru le nombre de prisonniers sous le coup d’une sentence capitale. » (Irak. p.142)

2) Concernant le Ghana, une confusion : « Le pays n’a procédé à aucune exécution. La peine capitale demeurait inscrite dans la législation, bien que le gouvernement ait accepté des recommandations en faveur de l’abolition de ce châtiment » suivi de, même page : « En juin, le gouvernement a accepté la recommandation de la CRC ( ?) d’abolir de la peine capitale. Ce châtiment était toutefois toujours prévu par la loi à la fin de l’année. (Ghana. p.115) Comprenne qui pourra…

3) Concernant la Lettonie, une contradiction (ou une ambiguïté ?) : « Le texte portant abolition de la peine capitale pour tous les crimes est entré en vigueur », suivi, dans la Rubrique : «  Peine de mort » de : « Des modifications législatives portant abolition de la peine capitale en toutes circonstances sont entrées en vigueur le 1er janvier. » (Lettonie. p.174)

4) Concernant la Sierra Leone, des formulations sensiblement différentes : « Le gouvernement a progressé vers l’abolition de la peine de mort. », suivi, même page, dans la Rubrique : «  Peine de mort » de : « Après l’adoption en 2011 d’un moratoire officiel sur les exécutions, le gouvernement continuait de se rapprocher de l’abolition totale de la peine de mort.» (Sierra Leone. p.276)  

5) Concernant, à nouveau, la Sierra Leone, des appréciations positives non justifiées :« Après l’adoption en 2011 d’un moratoire officiel sur les exécutions, le gouvernement continuait de se rapprocher de l’abolition totale de la peine de mort.Selon des organisations de la société civile, il n’y avait plus à la fin de l’année aucun détenu sous le coup d’une sentence capitale ; aucune nouvelle condamnation à mort n’a été prononcée. La peine de mort était toutefois maintenue dans la législation, pour les crimes de trahison, de vol avec circonstances aggravantes et de meurtre (elle s’appliquait de manière obligatoire dans ce dernier cas).» (Sierra Leone. p.276)  

6) Concernant le Guyana, une assimilation inappropriée : On lit en effet, sans commentaire, ni critique : « Le gouvernement a annoncé en août qu’il allait mettre en place des consultations publiques sur plusieurs questions, dont l’abolition de la peine capitale et la dépénalisation des relations entre adultes consentants du même sexe. Le processus de consultation sur la peine de mort et l’orientation sexuelle n’avait pas débuté à la fin de l’année. » (Guyana. p.126)

7) Concernant le Vietnam et Taïwan, des analyses que j’ai considérées comme choquantes. On lit en effet : « En raison du retard pris dans la mise en place de la procédure de mise à mort par injection, dû à l’interdiction d’exportation des substances nécessaires décrétée par l’Union européenne, aucune exécution n’avait eu lieu depuis juillet 2011. » (Vietnam. p. 335) Et, concernant Taïwan, il est question de : « la sentence et ses aspects connexes. » (Taïwan. p.308) 8) On peut aussi considérer que toutes les très nombreuses références présentées par Amnesty International concernant les raisons [officielles] pour lesquelles les personnes sont, ont été condamnées à mort sont autant de justifications, voire de cautions du principe du maintien de la peine de mort. En sus de nombreuses références au  « terrorisme », un seul exemple : « La Loi relative aux forces de défense du Kenya, adoptée en 2012, prévoyait la peine de mort pour les membres de ces forces déclarés coupables de toute une série d’infractions, dont la trahison, l’espionnage, la collusion avec l’ennemi, la communication de renseignements à l’ennemi et l’appel illégal à un changement de gouvernement. » (Kenya. p.168)

9) On peut enfin considérer que les nombreuses références, non critiquées, non commentées, aux « commutation de condamnation à mort en peine d’emprisonnement de longue durée »(Afghanistan. p.4), aux « peines de réclusion à perpétuité. » (Thaïlande. p.314), au« moratoire » (Bahamas. p.31), « moratoire de facto » (Algérie.p.12) relèvent de la même logique.

10) On peut, dans le même sens, s’interroger sur la signification que l’on peut accorder, concernant le Belarus, au Document d’Amnesty International intitulé : « Le Belarus doit restituer les corps des condamnés exécutés pour l’attentat dans le métro de Minsk (PRE01/146/2012) » (Belarus. p.39), mais aussi, concernant la Gambie, sur la référence selon laquelle :  « neuf condamnés à mort ont été exécutés, sans avertissement préalable » (Gambie. p.111)

Dernier point relevé : La seule référence à un « État abolitionniste », concerne le Connecticut. On lit : « En avril, le Connecticut est devenu le 17e État abolitionniste. »(États-Unis. p. 102)

En guise de conclusion :

1) Ces confusions sont lisibles concernant l’ensemble des termes employés par Amnesty International.

2) Lu dans l’Internationale Situationniste :
* « 
Le problème du langage est au centre de toutes les luttes pour l’abolition ou le maintien de l’aliénation présente ; inséparable de l’ensemble du terrain de ces luttes. Nous vivons dans le langage comme dans l’air vicié. Contrairement à ce qu’estiment les gens d’esprit, les mots ne jouent pas. Ils ne font pas l’amour comme le croyait André Breton, sauf en rêve. Les mots travaillent pour le compte de l’organisation dominante de la vie. […] » L’internationale Situationniste. N° 8. Janvier 1963
* « 
Il est impossible de se débarrasser d’un monde sans se débarrasser du langage qui le cache et la garantit, sans mettre à nu sa vérité. […]  » L’internationale Situationniste. N° 10. Mars 1966
* « 
La confusion est devenue telle, dans l’organisation du langage, que la communication imposée par le pouvoir apparait comme une imposture et une duperie. » L’internationale Situationniste. N° 8. Janvier 1963

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Notes de bas de page

1  Depuis la publicatiion de ce Rapport 2013, comme de la rédaction de ce texte, Amnesty International a publié un texte de 57 pages intitulé : « Condamnations à mort et exécutions ». Je n’ai pas cru bon le comparer avec ce travail, l’intérêt de cet exercice de comparaison ayant des limites, mais aussi parce qu’en tout état de cause, ce Rapport, en tant que tel, représente bien les analyses d’Amnesty International.

2  Rappelons que la référence [dans le petit encart grisé présentant succinctement chaque pays] à la position des pays en matière d’abolition de la peine de mort - qui laissait penser que celle-ci était, pour Amnesty International, un critère - a été supprimée cette année.

3 Article 6 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques.

- Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.

- Dans les pays où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves, conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été commis et qui ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du présent Pacte ni avec la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette peine ne peut être appliquée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent.

- Lorsque la privation de la vie constitue le crime de génocide, il est entendu qu'aucune disposition du présent article n'autorise un Etat partie au présent Pacte à déroger d'aucune manière à une obligation quelconque assumée en vertu des dispositions de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

- Tout condamné à mort a le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine. L'amnistie, la grâce ou la commutation de la peine de mort peuvent dans tous les cas être accordées.

- Une sentence de mort ne peut être imposée pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans et ne peut être exécutée contre des femmes enceintes.

- Aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour retarder ou empêcher l'abolition de la peine capitale par un Etat partie au présent Pacte.

4  Je n’ai pu retrouver cette source.

5  Je n’ai pu non plus retrouver cette source et n’ai pu trouver une référence qu’à un Projet de Résolution.  


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