Tout d’abord, pour bien en juger, voici l’extrait de l’intervention d’Emmanuel Macron concernant le harcèlement sexuel en France. [TFI. LCI. 15 octobre 2017]
David Pujadas : Le harcèlement, on en parle de plus en plus, le harcèlement sexuel des femmes, dans la rue, au travail, partout. Est-ce qu’il est envisageable de faire une loi contre ce harcèlement ? […]
Emmanuel Macron : Sur la France et le harcèlement…Sur le harcèlement, moi, ce qui me frappe dans cette affaire, c’est qu’on le voit bien…il est bon que les langues se délient, mais ce qui rajoute de la blessure à la blessure pour toutes les femmes qui ont subi ce qui est décrit ces derniers jours, c’est le silence, c’est le tabou, c’est le fait qu’on puisse passer des mois, des années, en sachant et sans dire.
David Pujadas : (Angoissé) : Que peut-on faire ?
Emmanuel Macron : En parler. Dire à toutes les femmes qui nous écoutent ce soir et qui sont victimes de violences, d’humiliations, de dire. Il y un numéro d’urgence qui existe…de le dire, en parler, de leur dire que ce n’est pas une honte. Ce ne sont pas elles, les honteuses, ce sont eux…
David Pujadas : Et sur l’acte lui même, est ce qu’une loi est possible, ou c’est…?
Emmanuel Macron : Moi, j’ai été frappé, lorsqu’il y a un an, candidat, j’avais lancé ce qu’on avait appelé ‘la grande marche’, c’est à dire, cette consultation de nos concitoyens pour voir ce qui remontait du pays…Toutes les femmes en région parisienne disaient être harcelées, ennuyées, victimes de (bruits confus)…
Anne-Claire Coudray : Est-ce qu’il est réaliste de verbaliser les insultes dans la rue ? (répété)
Emmanuel Macron : Ce que nous ferons, de manière très concrète. D’abord il faut qu’il y ait un vrai travail, et c’est la Secrétaire d’état en charge à l’égalité des hommes et des femmes et la Garde des Sceaux qui en ont la charge. Un vrai travail sera mené pour justement pouvoir aller plus loin en terme de lutte contre le harcèlement, ouvrir des sujets…de prescription qui parfois - on le voit bien aujourd’hui - ne répondent pas aux défis et aux réalités de notre société. Donc, il faut rouvrir ces sujets toujours difficiles.
David Pujadas : Est-ce qu’une loi serait possible pour verbaliser, comme le disait Anne-Claire Coudray ?
Emmanuel Macron : Je pense que sur tous ces sujets, il faudra en passer par la loi, mais à la lumière justement des débats de société et de ce que vivent ces femmes.
Ensuite, pour verbaliser au quotidien et être plus actif, nous allons lancer un changement de l’organisation de notre police.
Le ministre de l’Intérieur lancera dans les prochains jours la consultation, justement pour mettre en place cette police de sécurité du quotidien à laquelle je me suis engagé. Cette police de sécurité du quotidien, elle aura dans ses priorités la lutte contre le harcèlement et en particulier dans les transports, parce que c’est beaucoup là que ça se joue, aussi.
Et donc oui, je souhaite que nous puissions avoir une procédure plus simple de verbalisation lorsque de tels actes sont commis.
Pour qu’il y ait une réponse immédiate.
Parce qu’aujourd’hui, qu’est ce qui se passe ? Bien souvent on ne va pas porter plainte, parce qu’on n’ose pas. Et lorsqu’on porte plainte, cela prend des mois et des mois et c’est souvent classé sans suite, parce que ce sont dans les quartiers les plus difficiles où nos magistrats ont déjà énormément à faire.
Et donc sur ce sujet, comme sur d’autres sujets du quotidien, ce que je souhaite, c’est que nous puissions simplifier nos procédures et donner la possibilité aux forces de l’ordre d’être plus présentes sur le terrain, d’agir de manière plus efficace et de verbaliser.
Que dire de plus que ce qui est si explicite ?
Me concernant, voici comment j’ai vécu, analysé cette intervention :
* Entendre Emmanuel Macron expliquer aux femmes, en toute assurance, en toute naïveté, ce qu’est le harcèlement sexuel, comment elles doivent l’analyser, c’est faire preuve d’une prétention toute masculine.
* Affirmer que «parler» est, d’une manière ou d’une autre, la solution est irresponsable.
* Affirmer que le «numéro d’urgence» en place serait la solution révèle une réelle méconnaissance de ce dont il parle.
* Affirmer que la Secrétaire d’Etat, fut-elle en binôme avec la Garde des Sceaux, ait les moyens d’élaboration une nouvelle loi concernant les violences sexuelles n’est pas crédible, sauf à la rédiger à la 6 / 4 / 2.
Pour rappel, le cabinet de Madame Marlène Schiappa comporte cinq personnes, dont une seule est officiellement «Conseillère en charge des droits des femmes»
Pour rappel aussi : nous sommes 34 millions et demi de femmes en France.
* Occulter, en matière de harcèlement, d’agressions, de viols, la responsabilité des hommes est intellectuellement, politiquement, juridiquement, inacceptable.
* Révéler qu’une réflexion sur le harcèlement sexuel puisse être isolé d’une pensée des violences de sociétés patriarcales qui seules les expliquent et leur donnent leur sens est absurde. Et révèle une vision radicalement, définitivement dépassée.
* Affirmer que le harcèlement serait le fait des «quartiers difficiles» est honteux.
* Affirmer que la lenteur de la justice, les classements sans suite seraient le fait des leurs seul-es magistrat-es débordé-es des seuls quartiers dits difficiles est un déni de toute vérité. Monsieur Macron et son gouvernement pourraient utilement s’enquérir de la manière dont les femmes victimes de violences - pour celles qui ont pensé nécessaire de faire appel à la justice et qui ont pu accéder jusqu’à ses tribunaux, avec quel courage et à quels prix - ont été traitées. Les témoignages, terribles, abondent.
* Passer sous silence les innombrables dénis de justice que la police et la justice imposent depuis si longtemps aux femmes est dès lors une caution donnée à leur perpétuation.
* Ne faire aucune référence aux luttes individuelles et collectives de femmes depuis si longtemps, en France et dans le monde est un déni de l’histoire des femmes, et donc des femmes elles mêmes aujourd’hui.
* Enfin, utiliser la souffrance des femmes pour renforcer les pouvoirs de la police en banlieue, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit est injurieux. Pour nous tous et toutes. Et ce, apparaît-il, sans excès de précautions, afin d’avoir une réponse «immédiate», en matière de «verbalisation».
Cette triste intervention révèle une fois encore une vision bien peu brillante - et si peu morale - de la pensée et de l’action politique…
Quant aux journalistes….