Ta chère femme enfermeras
Comme en un sérail musulman.
Une scène tu lui feras
Au moins quotidiennement.
Toujours sur ton cœur garderas
La clef de son appartement.
Dans ses tiroirs tu fouilleras
Avec un âpre acharnement.
Ses lettres décachetteras
Et retiendras sournoisement.
Ses clignements d’yeux épieras
Et jusqu’au moindre bâillement.
Quand seule tu la laisseras
Rentreras inopinément.
Grave, tu l’interrogeras
Sur l’emploi de chaque moment.
La nuit, tu te consumeras
Si quelqu’un lui fit compliment.
Du cousin tu l’éloigneras
Qui le reluque tendrement.
À son visage imposeras
D’une voilette le tourment.
À sa tailleuse ordonneras
De ne la flatter nullement.
Avec scrupule, tu choisiras
Pour elle d’ennuyeux romans.
Du monde tu le sèvreras
En lui vantant l’isolement.
Aux bains de mer la conduiras
Dans quelque ‘trou’ sans agrément.
Au bal, jamais ne danseras
Qu’avec elle rageusement
En wagon ne tolèreras
Que toi dans son compartiment.
Au théâtre surveilleras
Les lorgnettes en mouvement
Et quand de chagrin tu mourras
Elle épousera… son amant !