À propos de la France, M. de Villepin, distingué Premier ministre de la France, a, selon Franz-Olivier Giesbert1, déclaré : « Elle a envie qu’on la prenne. Ça lui démange dans le bassin » 2 ; à propos des journalistes jugés trop timides à ses yeux sur les démêlés conjugaux du couple Sarkozy : « Ils n’ont pas de couilles » 3 ; à propos des hommes politiques : « Leur seul organe développé, c’est le trouillomètre » ; à propos de la manière dont il a obtenu de Chirac sa nomination à Matignon : « C’était physique… j’ai violé Chirac » ; enfin, à propos de Sarkozy : « Un type qui ne peut pas garder sa femme ne peut pas garder la France. »4
Le 27 mars, sur LCI, dans un débat par ailleurs exclusivement masculin, M. Abelès, anthropologue, a affirmé à propos de la « crise » actuelle du CPE : C’est « devenu un objet de politique interne… de savoir s’il (Villepin) en a ou pas ».
Le 28 mars, sur la première page du Monde, le dessin de Plantu montre des sondeurs face à de Villepin ; l’un d’eux déclare : « 57 % des français pensent que vous aurez les couilles de vous obstiner gravement. »
Le 30 mars, Le Monde, dans l’article intitulé : « Scènes de crise à Matignon », on peut lire ceci : « Villepin, campant comme toujours dans les pas du héros, […] avait affirmé : ‘Nous sommes en 14-18, il faut reprendre l’offensive, sortir de la tranchée. On va montrer que l’on a des couilles’ ». Ce à quoi Sarkozy lui aurait répondu « tranquillement « : Vous savez dans ce pays, on ne coupe pas les couilles, mais les têtes. »
Bref, la France est à feu et à sang, parce que M. de Villepin veut que l’on s’ache qu’il est un mec, qu’il a, lui, – et, plus encore, lui seul – des couilles, et, en tout état de cause, plus que Sarkozy.
Et de ses couilles, que fait-il ? Comme tant d’autres, il viole. Nombre de ses agissements resteraient d’ailleurs, sans cette grille de lecture, incompréhensibles.
Traditionnellement, la symbolique du viol d’une nation était réservée au pays « ennemi », au pays occupant. Ce qui est ici nouveau, c’est que c’est « la France » – nous tous et toutes donc – qu’un chef de gouvernement veut violer, projet évidemment plus excitant – et rêve inconscient de combien ? – que de violer n’importe quelle femme, n’importe quel homme, au coin d’un bois.
Aujourd’hui, Villepin fait donc mieux, plus fort que Joe Starr. De Nique Ta mère5, on est passé à Nique la France. Avec comme prochaine étape : Nique le monde entier comme horizon de notre société.
Que certains déclarent que « peut-être avec un débat préalable, il aurait été possible de s'entendre davantage », que d’autres pensent qu’il faudrait « laisser le champ entièrement libre à M. Sarkozy », que les socialistes scandent « retrait, retrait !», que Chirac – qui partage avec Villepin, nous dit-on, une ‘certaine idée de la France’ – « joue son rôle » est révélateur de la manière dont la classe politique analyse les enjeux : qui va baiser qui, quand, à combien, comment, avec quels risques ? pour son ego ? pour sa peau ? Et une fois le viol commis, à quel moment faut-il se retirer pour empêcher que « les Français ne se dressent les uns contre les autres ».
Mais que nul-le ne veuille être violé ne fait pas partie du sujet.
La France – qui n’en a pas le monopole – est aussi malade et peut être avant tout - de ses hommes [politiques]. Au terme d’une si lourde histoire de mépris, de peur, de haine des femmes et des féministes, la classe politique française a pu produire ce que Villepin exprime et incarne aujourd’hui : des hommes de Cro-magnon.6
29 mars 2006