Marie-Victoire Louis, chercheuse au CNRS et militante féministe travaille depuis plus de quinze ans sur la question des violences sexuelles et des violences masculines contre les femmes. Elle a notamment publié un ouvrage consacré au droit de cuissage en France. 2Elle est actuellement responsable d’un séminaire à la Maison des Sciences de l’Homme (sic) intitulé: « Pour une critique sexuée du droit ». C’est à ce titre que nous lui avons interrogée sur ces violences dans le sport.
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Réponse: Elles ont été des pionnières en déposant plainte et en brisant l’omerta qui régnait et qui règne toujours dans les milieux sportifs concernant les violences sexuelles des entraîneurs et des athlètes sur les sportives. Catherine Moyon de Baecque qui a mené l’essentiel du combat et qui l’a poursuivi au-delà du procès, restera dans l’histoire des femmes et dans l’histoire du sport un symbole de courage, de rigueur et d’intelligence politique. Confrontée aux refus de toutes les institutions - et non des moindres - d’entendre ce qu’elle dénonçait, elle a su mener à bien cette lutte, jusqu’à son terme et affronter et « gérer » personnellement et politiquement - je me permets d’insister concernant l’emploi de ce terme - tous les dénis, mensonges, faux-fuyants, toutes les insinuations, moqueries, fins de non recevoir, promesses non tenues, lâchetés, représailles, discriminations, toutes les agressions physiques et verbales, chantages, menaces de mort3. La liste n’est sans doute pas complète. Et ce, pendant plusieurs années.
Elle est maintenant - avec encore beaucoup de résistances bien sûr - celle qui a su et pu imposer sa vérité dans un milieu qui depuis si longtemps se protège de toute accusation. Le déshonneur est dorénavant dans le camp de ses agresseurs et de ceux et celles qui les ont défendus. Je peux donc imaginer aisément que lorsqu’elle rencontre ceux et celles qui l’ont accusée d’avoir dit la vérité, ce n’est pas elle qui détourne la tête. En outre, son livre4, écrit avec la tranquille assurance que seule une personne sûre de ses droits peut avoir, a mis à nu le fonctionnement réel des institutions. Aucune personne citée n’a d'ailleurs démenti les propos ou comportements rapportés. Cette description si limpide des réactions des divers protagonistes de « l’affaire » en fait un véritable brûlot que la presse n’a pas relevé.5
Ceci étant dit, si ce combat a été si médiatisé, c’est sans doute parce que la société a pris conscience de l’injustice dont les victimes étaient l’objet et de la profonde inégalité dans les rapports de force en présence.6 Mais si l’on veut que de telles « affaires » ne se reproduisent plus, des enseignements, qui ne l’ont à ce jour pas été doivent être tirés. Cet ouvrage y contribue.
Sur le plan judiciaire, si la loi avait été appliquée comme elle aurait dû l’être, les agresseurs de Catherine Moyon de Beacque auraient dû être jugés non pas par le tribunal correctionnel pour « attentats à la pudeur commis avec violence, contrainte ou surprise», requalifiés depuis l’entrée en vigueur, le 1er mars 1994, du nouveau code pénal7 par la Cour d’appel en« agressions sexuelles autres qu’un viol » - mais par la Cour d’Assises. Car deux des agresseurs, Jean-François Grégoire et Laurent Bettolo, ont commis « à deux reprises » des « viols aggravés en réunion » - passibles de 15 ans de prison - et deux autres ont commis des« viols » et« agressions sexuelles » - passibles de 10 ans de prison.
Les quatre agresseurs, après que cette déqualification ait été acceptée par la Cour et par l’avocat de Catherine Moyon de Baecque 8 ont en outre bénéficié d’une incroyable mansuétude. De fait, ils ont été condamnés à des peines les plus basses qui pouvaient leur être infligés. En première instance9, deux des trois violeurs ont été condamnés à de la prison avec sursis - ce qui signifie que la justice a considéré qu’ils n’étaient pas dangereux pour l’ « ordre public ». Le troisième, Raphaël Piolanti - et ce alors qu’il avait aussi agressé Michelle Rouveyrol - a été relaxé « au bénéfice du doute ». Le fait qu’il était le seul à être «champion de France » ne peut pas ne pas être considéré comme explicatif du traitement qui lui a été réservé en première instance. Quant au quatrième, Christophe Epalle, il a été lui aussi relaxé, alors qu’il aurait dû être poursuivi pour « attentats à la pudeur » selon l’ancien code pénal, requalifiés en « agressions sexuelles », dans le nouveau.
Certes en appel - à la demande de Catherine Moyon de Baecque et du Parquet - les condamnations à un an avec sursis pour deux d’entre eux, Jean-François Grégoire et Laurent Bettolo, ont été aggravées et sont passéesà 15 mois avec sursis. Mais ces peines ne sont pas inscrites au casier judiciaire et ils n’ont été interdits de la fonction de juré que pour 5 ans; ils peuvent donc dorénavant êtres appelés à rendre la justice en Assises. Raphaël Piolanti s’est vu condamner à 8 mois d’emprisonnement avec sursis.10
Aucun d’entre eux n’a passé un seul jour en prison.
Concernant les agressions sexuelles commises sur Michelle Rouveyrol, Laurent Betollo, Raphaël Piolanti et Christophe Epalle avaient été poursuivis pour « voies de faits », passibles d’une « contravention ». Ce dernier a été relaxé, eu égard que« la scène a été très courte » et qu’un témoin a «déclaré qu’il n’avait pas vu de geste impudique.»
Ces peines donnent une juste appréciation de la valeur que la justice française accorde à la vie des femmes, et plus globalement à celle des victimes.
Quant aux peines d’amendes: 5.000 francs à Michelle Rouveyrol 11- vous avez bien lu: 5.000 Fr. ! - et 3.000 Fr. (5.000 Fr. en appel) pour Catherine Moyon de Baecque, auxquels il faut ajouter, pour elle, 40.000 Fr. de dommages et intérêts, elles ajoutent l’injure au mépris. Ainsi, une carrière menée depuis plusieurs années arrêtée nette, des années de souffrances, de nombreuses consultations et traitements médicaux et thérapeutiques, des dizaines de milliers de francs de frais de justice, des centaines d’heures consacrées à simplement obtenir réparation valent pour la société française - alors qu’elle est responsable de n’avoir pas été à même de garantir la sécurité de ses citoyennes - le prix d’un mois de salaire d’un-e cadre supérieur-e.
Cette somme qui a simplement permis à Catherine Moyon de Baecque de payer ses avocats ne signifie-t-elle pas qu’il s’est agi d’une opération à somme nulle? Et donc, d’une certaine mesure que l’ordre politique, juridique et donc aussi l’ordre des sexes a été ainsi symboliquement maintenu inchangé.
Mais, plus fondamentalement, pourquoi une personne qui a été victime de l’incapacité de l’Etat à lui assurer la sécurité physique qu’elle est en droit d’exiger12 devrait-elle personnellement payer pour faire valoir ses droits, payer pour tenter d’effacer les traumatismes subis? Il s’agit en outre très clairement d’une sélection par l’argent que les aides juridictionnelles ne font pas disparaître. Ne peut-on pas alors considérer que cettedifférence de traitement des plaignant-es, aggravée encore si la victime veut se constituer partie civile, est un déni de l’affirmation universaliste de la loi et du principe d’égalité qu’elle énonce ?13
Quant aux entraîneurs nationaux qui ont participé et cautionné ces violences au cours d’un stage dont ils avaient l’entière responsabilité, ils n’ont même pas été poursuivis. Ni pour leur responsabilité directe, ni pour « non assistance de personne en danger » ou pour « complicité ». Plus encore, la justice a accepté qu’ils soient « témoins de moralité » des athlètes.
Comment afficher plus clairement la permanence de la double morale sexiste mise en oeuvre par la justice française? Comment démontrer plus clairement l’évidence de sa partialité ?
Le maintien de l’« expertise» imposée aux seules victimes 14- et non pas aux agresseurs - participe de cette même injustice. Catherine Moyon de Baecque a vécu, comme tant de victimes, celle qui lui a été imposée - qui s’est avéré une accumulation de préjugés sexistes -« comme un véritable interrogatoire ». Quand ces expertises formellement discriminatoires qui reposent historiquement sur la non crédibilité15 a priori de la parole d’une femme16 par rapport à celle d’un homme, y compris lorsqu’il est son agresseur, disparaîtront-elles, enfin?
Réponse : Leur responsabilité est accablante. Elles ont toutes - à l’exception, tardivement et partiellement du Stade Français17 - protégé les agresseurs18 et accablé les victimes.Quant à celle de la Fédération Française d’Athlétisme (FFA) organisme chargé d’une « mission de service public », placé sous « tutelle » du Ministère de la Jeunesse et des Sports, et plus précisément de son vice-président19 puis président, Jean Poczobut, elle est patente. En effet, c’est lui qui a géré sur le plan sportif, la question de ce procès et de ses conséquences.
1 - Les autorités sportives n’ont pris aucune mesure réelle à l’encontre des entraîneurs responsables. Certes, Michelle Alliot-Marie, ministre de la Jeunesse et des Sports, a pu écrire qu’elle avait « sanctionné » Guy Guérin,20 mais les preuves de cette décision sont actuellement manquantes au dossier public - il aurait été mis à pied (avec traitement de salaire?) pour trois mois - tandis que l’effectivité de la mise en oeuvre de cette mesure reste à démontrer.
Elles ont exercé des pressions sur un entraîneur qui aurait pu se solidariser des victimes.21
Dès lors, elles ont légitimé les agressions sexuelles dont elles avaient été saisies. Et, en laissant les entraîneurs poursuivre leurs activités, elles ont permis - au risque d’être considérés comme responsables au regard de la loi - d’autres crimes. D’autres plaintes pénales ont d’ailleurs, depuis, été déposées à l’encontre de plusieurs entraîneurs, dont l’une à l’encontre d’un entraîneur national de lancer des jeunes. Celui-ci est actuellement mis en examen pour « viol sur mineur (-e) de moins de 14 ans par personne ayant autorité ». Le procès doit avoir lieu prochainement.22 Quelle va (pouvoir?) être la politique du Ministère ?
Et pourtant, les faits étaient patents. L’entraîneur national de l’Équipe de France, Guy Guerin, responsable du stage23 national au cours duquel les lanceurs de marteau ont agressé les femmes athlètes a:
- contraint Catherine Moyon de Baecque à boire, l’a « ridiculisée » le soir de la première agression et a participé à la première agression (page 14 et 15 de La Médaille et son revers)
- n’a fait cesser aucune de celles qui ont suivi (p. 16 à 22);
- a encouragé, après trois jours d’agressions sexuelles, de nouvelles agressions (p. 19). Enfin, saisi de ces violences par les deux athlètes femmes qui avaient été agressées au cours de ce « stage de la honte », il a considéré comme« normaux » les comportements des lanceurs dont il avait été informé par Michelle Rouveyrolle (p.17) et s’était « moqué d’elle », comme « naturel » ce qui était arrivé à Catherine Moyon de Baecque. « Il me semble amusé » écrit-elle. (p.23)
Quant au second entraîneur, aujourd’hui décédé, pourtant informé par Catherine Moyon de Baecque, il a, lui aussi, participé à l’exercice de ce droit de cuissage, dont il réclamait cependant pour lui la primeur:« L’entraîneur me répond qu’il convient que je couche avec l’un des garçons avant la fin du stage. Il m’explique que j’ai de la chance, car je peux choisir. Il m’offre même d’organiser le rendez-vous. Mon visage livide et décomposé semble l’arrêter un instant. Il hésite, puis il me propose d’être le premier en faisant valoir qu’il est marié et père de famille ».(p.23) Un droit de cuissage qui, légitimé du fait de son statut matrimonial et parental, devait lui conférer une préséance sur les célibataires? L’expression de la hiérarchie sportive qui se serait vue ainsi confirmée dans la mise en oeuvre de l’exercice de ses droits? Ou une garantie de « compétences sexuelles»?
2 - Les autorités sportives ont, sans ambiguïté, protégé les violeurs. La responsabilité de Jean Poczobut est, là encore, posée. En effet, non seulement il n’a « à aucun moment manifesté le moindre regret »24, mais en outre :
- Il a, en toute partialité, fait une attestation de « bonne moralité 25en faveur des inculpés», lors du procès, « laissant entendre que les victimes en (étaient) totalement dépourvues. » 26
- Après la confirmation en appel par la justice de la condamnation des agresseurs - et alors que le FFA était en possession de tous les éléments du « dossier » qui lui avaient été transmis par le Stade Français, club de Catherine Moyon de Baecque - il a convoqué les victimes à se présenter devant une « commission » interne ad hoc: «Cette commission, que je préside - écrit-il - a estimé nécessaire qu’elle connaisse avec le maximum de précisions, les griefs que vous formulez à l’encontre de chacun des trois athlètes ». Si celles-ci n’étaient pas présentes au jour dit, ou si elles n’avaient répondu au Président de la FFA, par écrit « sous enveloppe que vous m’adresseriez avec la mention ‘personnelle ’ », « la commission ne pourrait que constater qu’elle n’est pas en possession des éléments de nature à lui permettre de se faire une opinion ». 27
Certes la FFA a « suspendu » - alors qu’ils avaient été « condamnés » par la justice - ces athlètes à respectivement, 12, 20 et 20 mois dont 10, 10 et 6 mois fermes. Et ce, alors que, le même jour, le même Bureau fédéral avait suspendu un sportif pour « violences et voies de faits sur un arbitre à une suspension de 24 mois dont 12 fermes ».28En tout état de cause, cette mesure, « rétroactive », n’a pas perturbé leur entraînement (d’autant qu’en hiver, il n’existe pas de stages fédéraux) qu’ils ont poursuivi29, avec l’entraîneur national, à l’INSEP: « Ils ont...conservés tous leurs privilèges. Ils figurent toujours sur la liste ministérielle des athlètes de haut niveau et bénéficient de tous les avantages inhérents à ce statut. » 30
Enfin, bien que condamnés par la justice française pour agressions sexuelles sur des athlètes françaises, ils ont été maintenus par la FFA (Guy Guérin participait au Comité de sélection) dans l’équipe de France pour les Jeux Olympique de Barcelone en 1992 et d’Atlanta en 199631, ainsi que pour les championnats du monde d’Athlétisme depuis 1991.
Dans le même temps, Catherine Moyon de Baecque se voyait interdire l’accès à l’Institut national des Sports (INSEP).
Quant à Christophe Epalle, il a été désigné par la FFA comme l’un des 10 meilleurs athlètes hommes proposé pour concourir à la désignation des« Athlètes d’or » pour la saison 1994.
3 - Suite aux agressions, aucune autorité sportive ne s’est enquise de la situation personnelle, professionnelle, sportive, financière de Michelle Rouveyrol, ni de Catherine Moyon de Baecque. Et ce, alors que plusieurs responsables sont intervenus, souvent violemment, afin d’obtenir le retrait de leur plainte et plus fondamentalement, leur silence. Plus encore, elles ne les ont pas protégés de futures agressions de la part du milieu sportif, dont pourtant elles étaient informées. Un exemple particulièrement fort de « non-assistance à personne en danger » nous est donné par la réaction de la ministre, Michelle Alliot-Marie, interpellée par Catherine Moyon de Baecque: «Quand j’évoque les menaces de mort dont j’ai été l’objet, (la) ministre se contente de répondre qu’elle en a l’habitude et qu’il ne faut pas y accorder trop d’importance. ..Ignore-t-elle que, contrairement, à elle, je n’ai pas de garde du corps chargés de veiller à ma sécurité ? » (p. 145) Enfin, elles ont accepté, sans excès d’états d’âme, la fin de la carrière sportive de ces athlètes. Jean Poczobut a, pour sa part, tout fait pour entraver la poursuite de la carrière de Catherine Moyon de Baecque dans le Sport de haut niveau: « Il fait barrage à mon entraînement et à mon insertion sportive » écrivait-elle, le 18 octobre 1994, au président François Mitterrand.
4 - Le Ministère de la Jeunesse et des Sports a engagé sa responsabilité aux côtés de la FFA, alors que « les Ministères de tutelle veillent, chacun en ce qui le concerne, au respect par les fédérations des lois et règlements en vigueur ». 32Ainsi, et pour ne prendre qu’un seul exemple, Michelle Alliot-Marie a accepté de procéder à une parodie d’enquête, puisque les victimes, à l’encontre des coupables, n’ont même pas été entendues. Michel Bouchareissas, inspecteur général de la Jeunesse et des Sports, chargé officiellement par le ministère de rédiger un rapport - qui n’était « confidentiel » que pour les victimes - a évoqué« un risque d’affabulation de la part des victimes et tout particulièrement de Catherine Moyon de Baecque ». Et il a fallu plus d’un an à cette dernière, grâce à un recours pour «excès de pouvoirs » au Tribunal administratif de Paris, pour prendre connaissance d’un rapport qui confirmait les mensonges des accusés, scellait le sort des deux athlètes. Et signifiait la fin de leurs carrières. Est-il utile de préciser que les procès étaient alors terminés ?
Le ministère a donc aussi engagé sa responsabilité aux côtés des agresseurs qui pourtant avaient enfreint la loi de l’Etat. Il a en outre ouvertement sacrifié les droits des femmes. Et bafoué la constitution qui affirme: « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme.»
Réponse: L’ordre masculin règne. Les femmes, Michelle Rouveyrol et Catherine Moyon de Baecque ont abandonné le sport de compétition. Les hommes ont poursuivi leur carrière ou ont été promus: les sportifs ont continué à s’entraîner et à représenter la France dans toutes les compétitions sportives internationales, tandis que l’état a récompensé les responsables les plus compromis. Guy Guérin qui, au moment des agressions, était entraîneur national de marteau, a été, depuis, promu entraîneur national de tous les lancers: « marteau, disque, poids et javelot ». Il est toujours entraîneur national de l’Équipe de France d’athlétisme. Jean Poczobut a été, lui, promu33 « conseiller technique », au sein des plus hautes instances du Ministère de la Jeunesse et des Sports par la nouvelle Ministre du gouvernement de Lionel Jospin. À cet égard, si Marie-George Buffet a été la première ministre chargée de la Jeunesse et des Sports à apporter son soutien à Catherine Moyon de Baecque et à assumer partiellement les conséquences de la responsabilité de l’Etat34, il faut aussi dire qu’elle a permis ou laissé faire, peu importe, la promotion professionnelle et politique de Jean Poczobut en l’intégrant dans son cabinet. Si l’on voulait politiquement marquer que la nomination d’une femme comme Ministre ne devait en aucun cas changer le lien entre « sport et virilisme » on ne s’y serait pas mieux pris. On peut même se demander si cette nomination, si symboliquement signifiante, ne pourrait être interprétée comme le prix que les sportives de ce pays devaient payer pour la nomination de Marie-George Buffet au poste de ministre. En tout état de cause, cette question remet en cause les analyses qui voudraient nous faire croire que « plus-de-femmes-ministres » serait, en soi, une avancée pour les droits des femmes. 35
À cet égard, le silence des milieux sportifs et de la presse concernant la présence de cet homme qui a « couvert » et « protégé » les agressions sexuelles d’athlètes sur la personne d’une autre athlète est particulièrement grave. Et doit réveiller les consciences. Alors qu’il relèverait de l’impensable que notre société puisse accepter la présence dans un cabinet ministérield’un président de Fédération ayant officiellement encouragé le dopage, elle considère comme normal la nomination d’un homme ayant, au nom de la Fédération Française d’Athlétisme, légitimé les violences sexuelles d’hommes athlètes à l’encontre des femmes athlètes.
Plus encore, c’est lui qui est, au cabinet, « chargé du dossier dopage ». (100 millions de francs demandés pour le prochain budget) A-t-on pensé ainsi lui permettre de se refaire une virginité?
Marie-George Buffet - et je le regrette profondément - est politiquement responsable de cet affront fait aux sportives et aux femmes de ce pays.
Enfin, quand j’ai été informée de ses fonctions, j’ai entendu autrement les engagements politiques du Ministère de la Jeunesse et des Sports en la matière. Comment croire en effet aux fondements qui doivent instituer une nouvelle morale dans le sport concernant la lutte antidopage, lorsque l’on sait que celui qui en est la cheville ouvrière est lui-même dépourvu de toute morale? Comment croire à l’effectivité de la mise en oeuvre exigeante d’une politique antidopage lorsqu’elle est dévolue à un homme sensible aux pressions parce qu’il a transgressé les règles de droit ?
Réponse: La question n’est pas là. Il s’agit de savoir si ces critiques sont justes ou non. En outre, il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur sur la personne de la ministre, mais de juger, en tant que citoyenne, la politique qu’elle met en oeuvre. Et de fait, je suis bien obligée de constater que, nommée ministre, elle a été contrainte d’accepter les normes dominantes de ce milieu. Ainsi, à la question:« Le milieu sportif est-il plus machiste que les autres ?», elle répondait, l’année dernière:« J’aurais pu avoir cette idée avant d’être ministre ! Je m’aperçois que c’est une image fausse. Le monde sportif est le simple reflet de la société d’aujourd’hui ». 36 Et, à la question: « Vous dites que la politique est le milieu le plus difficile pour les femmes, en souffrez-vous ?», elle a répondu: «Non, je ne le pense pas. Tout d’abord, il y a l’aspect jeunesse du Ministère. Et qui dit jeunesse, dit beaucoup de jolies filles. » 37
Quoi qu’il en soit, je considère qu’aucune politique de la ministre concernant les sportives ne sera crédible et aucune lutte contre les violences sexuelles dans le sport ne sera possible tant que Jean Poczobut sera maintenu dans son cabinet. Que Marie-George Buffet soit femme, communiste et féministe38 s’avère, en outre, une circonstance aggravante. Car, accepter une responsabilité politique, c’est accepter que les idéaux que l’on affirme défendre - et qui expliquent en grande partie le choix qui s’est porté sur votre personne - soient incarnés par la politique que l’on met en oeuvre.
Réponse: Au risque de me répéter, on ne peut pas à la fois affirmer un principe et mettre en oeuvre les conditions politiques qui empêchent sa réalisation.39C’est une contradiction dans les termes.
Par ailleurs, on ne peut considérer que le rappel de la législation applicable en matière de violences sexuelles (le harcèlement sexuel ayant été oublié dans les références juridiques citées en annexe) et l’envoi d’une circulaire - celle du 17 juillet 1997 intitulée: « Lutte contre la maltraitance des jeunes » - puissent être appelé une « politique ». Et pour confirmer cette appréciation, personne au ministère n’est même institutionnellement responsable de suivre l’application de cette circulaire, ni même de traiter spécifiquement des plaintes des sportifs et des sportives.40 En ce sens, l’action de Marie-George Buffet, qui est pourtant ministre de « la jeunesse » 41, est très en en deçà de la politique menée par sa collègue du Ministère de l’Éducation Nationale, chargée des enseignements scolaires, Ségolène Royal. Il n’est sans doute d’ailleurs pas un hasard si Catherine Moyon de Baecque n’a, à ce jour, été intégrée à l’organisation d’aucune des initiatives du ministère - alors qu’elle y est salariée - concernant « Les femmes et le sport », alors que Ségolène Royal et Élisabeth Guigou, ministre de la Justice, lui avaient demandé de participer aux travaux relatifs au projet de loi voté à l’Assemblée Nationale contre le bizutage et les violences sexuelles.
Réponse: L’analyse de ce texte (Instruction N° 97-103) en date du 17 juillet 1997, intitulé:« Lutte contre la maltraitance des jeunes » révèle les insuffisances manifestes de l’analyse en la matière, qui ne sont elles-mêmes que l’expression de l’absence de volonté réelle de la part du milieu sportif de lutter contre ces violences. Tout d’abord, proposer une politique qui ne s’applique qu’aux « jeunes » - mêlant, en outre, les « jeunes », les « enfants », et les « mineurs » - c’est de facto considérer que les dites violences seraient légitimes si elles concernaient les adultes. Où, à tout le moins, qu’elles ne nécessiteraient pas de politique spécifique du ministère.
Par ailleurs, le projet affirmé dans le premier paragraphe est présenté ainsi :« Soustraire les mineurs et plus généralement les jeunes aux risques de maltraitance et d’agressions sexuelles dans le cadre de leurs pratiques sportives et des animations qui leur sont destinées, constitue un enjeu social essentiel». Or, considérer qu’il s’agit simplement d’« un enjeu»,même qualifié d’« essentiel », relativise considérablement le terme de « lutte » , bien nécessaire, cependant. En effet, sur 112 agressions sexuelles (dont 68 viols) commis « en institutions scolaires et para scolaire », en 1996 et 1997, par des « enseignants, animateurs ou moniteurs », 19 sont le fait de professeurs de sport, 19 d’animateurs de loisirs et 16 de moniteurs de colonies.42
Ensuite, parler de « risques », c’est penser en termes de péril, de danger dans lesquels entre l’idée de hasard, de probabilité, voire de responsabilité des jeunes sportifs et sportives de n’avoir pas su s’en prémunir. Dès lors, la question de la responsabilité des institutions sportives est conceptuellement rendue très difficile, tandis que l’analyse des rapports de pouvoirs qui expliquent, excusent et justifient ces violences est occultée: pouvoirs des entraîneurs, des présidents de Fédérations, des dirigeants sportifs, sans évoquer celui des sponsors qui ne fonctionnent qu’aux résultats.
Enfin, considérer que ces violences relèvent du «social », c ’est les maintenir dans un domaine non judiciarisé, infra-politique et non sexuel. C’est donc exclure tout questionnement sur la sexualité comme expression du pouvoir et sur la sexualité masculine comme fondement de l’ordre patriarcal. Dès lors, si la circulaire parle bien d’« agressions sexuelles »43, elle s’interdit d’évoquer la question centrale des relations entre sexualité et pouvoir. À cet égard, le neutre employé: les « mineurs », les « jeunes » est regrettable. Une formulation sexuée: les « mineur-es, garçons et filles », les « jeunes garçons et jeunes filles », aurait symboliquement démontré que le ministère reconnaissait l’existence d’une dimension sexuée de cette violence sexuelle.
En second lieu, il ne s’agit pas non plus d’une réflexion proposant une nouvelle politique qu’aurait nécessité le constat de l’extrême difficulté pour les victimes de dénoncer ces violences au sein d’institutions qui les ont jusqu’alors cautionnées et souvent encouragées. On peut lire dans le deuxième paragraphe:« Les pouvoirs publics ont la volonté de renforcer l’ efficacité des dispositifs de protection de la jeunesse ». Or, le problème réside justement dans le fait que ceux qui agressent, violent, humilient les sportifs et les sportives sont justement ceux qui sont censés être responsables d’eux, ceux qui sont chargés de leur procurer les meilleures conditions pour faire du sport, quel qu’en soit le niveau. L’emploi du terme «protection » est donc ici particulièrement inapproprié. Faut-il, par ailleurs, rappeler que la France a signé la Charte des droits de l’enfant ? Le texte se contente, plus loin, pour sa part, d’évoquer « la sauvegarde des droits de l'enfant » .
En troisième lieu, ce qui est particulièrement grave, la ministre signataire de ce texte, avant de poser des positions de principes, a d’abord mis en avant« la spécificité des milieux sportifs et de l’animation ». (troisième paragraphe). Et ce, au mépris de l’application du principe de l’application de la règle de droit pour tous et toutes. Le texte affirme donc que « la proximité physique entre responsables et jeunes est une donnée », qu’elle «est évidente dans l’apprentissage des sports où le contact physique est souvent nécessaire » et qu’elle« implique parfois une cohabitation ». On peut lire aussi que « dans ces centres, mais aussi à travers la formation sportive, le jeune recherche également, surtout lorsqu’il appartient à un milieu fragile, une écoute et une proximité. » Cette assertion, outre la confusion des genres qu’elle exprime, peut être interprétée comme une quasi justification des pouvoirs exercés sur les jeunes, au nom de leur supposée recherche d’« écoute »,44 qui elle-même serait liée à une demande de « proximité ». Il est même précisé que « l’obligation de résultat, la recherche de performance sportive impliquent souvent une tutelle plus exigeante sur les jeunes ». Par rapport à quoi ? Par rapport à qui? Le texte ne le dit pas.
Enfin, que l’on puisse parler de « milieu fragile » donne une triste mesure des conséquences de l’abandon de toute problématique en termes de classes sociales.
Réponse: Possible, je ne sais pas. Mais souhaitable, on peut y réfléchir. Concernant ladite circulaire, la ministre aurait dû d’abord rappeler l’interdiction formelle de toute violence et mettre au premier rang de ses priorités la défense des droits des victimes. Et poser comme premier principe, non pas « la spécificité du milieu », mais la nécessaire défense de l’intégrité corporelle, sexuelle, personnelle des sportifs/ves.45
Elle aurait dû affirmer clairement et sans ambiguïté que l’Etat ne tolérera plus et sanctionnera sévèrement toute personne qui aura porté atteinte à l’intégrité des sportifs et des sportives. Elle aurait pu aussi affirmer que toute plainte, avec l’accord de la victime, serait immédiatement et systématiquement transférée au Parquet. Et que les auteurs présumés seraient suspendus, dans l’attente d’un jugement. Sauf si des éléments, transmis à la justice, démontrant que l’agression ne pouvait être avérée, permettaient d’affirmer que les accusations ne pouvaient être considérées comme fondées. C’est ainsi que les milieux sportifs, sans se substituer à la justice mais en prenant leurs propres responsabilités, seraient contraints de poser les principes fondant leur appréciation. En cas d’erreur, les victimes pourraient alors poser leurs responsabilités. Et c’est sans doute ce que ni l’Etat, ni les autorités sportives ne veulent.
Réponse. Tout d’abord, la probabilité d’un dépôt mensonger de plainte à l’encontre d’une personne pour violences sexuelles est infinitésimal. Ensuite, la question est d’abord et avant tout de supprimer les empêchements mis par toutes les institutions - et donc par la justice - à la dénonciation de ces violences. Il s’agit donc de savoir comment permettre à toutes les victimes de pouvoir défendre leurs droits aujourd’hui si souvent bafoués.
Plus fondamentalement, ce n’est que lorsque les victimes seront effectivement traitées comme des victimes présumées que les agresseurs pourront effectivement être traitées comme des agresseurs présumés. Mais encore faut-il, pour cela, que le statut de « victime » puisse leur être reconnu. Ce qui n’est pas le cas actuellement, du fait du nombre scandaleusement élevé de « classements sans suite » des plaintes pénales par le Parquet. 46
Réponse: Je ne reviens pas sur la question du « féminin » qui n’est que l’expression qui légitime en regard le « masculin » comme norme. Cela signifie que le ministère conforte l’analogie historique entre le sport masculin et « le sport », entre « le sport » et l’universalité, entre « l’universalité » et les « valeurs » machistes. Dèslors, le « sport féminin » est maintenu dans sa spécificité, c’est-à-dire dans sa différence dévaluée. Comment alors lutter contre les discriminations sexistes ?
En outre, il n’est pas possible de dissocier les modalités d’expression de cette politique de celle, particulièrement régressive pour les femmes, décidée par le gouvernement Jospin pour les hommes et les femmes de ce pays. En toute logique, donc, on ne peut que constater que les déclarations politiques de la ministre ont été, à ce jour,47 frileuses, pour ne pas dire, souvent inacceptables, en termes d’analyses comme d’engagements. J’ai lu qu’elle « souhaitait que l’on voie plus de sports féminins »; .qu’elle a invité le 6 mars 1998, « des femmes qui pratiquent tous les sports pour discuter un peu des problèmes mais aussi de leurs aspirations » et qu’elle « aimerait que de nouveau dans les stades, il y ait un public très familial, avec surtout bien plus de femmes.» 48
Mais je n’ai lu nulle part que le sport, pour les femmes, comme pour les hommes était un droit. 49 Ni que, pour les femmes, comme pour les hommes, le sport était une possibilité de formations, d’emplois, de débouchés. Ni que, pour les femmes, plus que pour les hommes, le sport est un « espace de liberté » - souvent le seul 50-de solidarité entre femmes, de combat,51 bref, un moyen privilégié de renforcer leur pouvoir individuel et collectif. La ministre affirme simplement que si « de plus en plus de femme veulent faire du sport (ce n’est) pas au détriment des autres aspects de leur vie, mais comme un élément de leur vie, un moment de plaisir, d’épanouissement, de liberté ».52
Elle décrit aussi le sport comme « un moyen important d’expression des femmes ». Comme le crochet, le macramé, ou le tricot ? Et, lorsqu’elle rappelle - le fait-elle lorsqu’elle évoque le sport « masculin »? - que « l’investissement personnel souvent (est) difficilement compatible avec la répartition traditionnelle des rôles dans la famille, dans la société », sans pour autant donner aux femmes les moyens du dépassement de ces difficultés, elle conforte et les stéréotypes et les contraintes. J’ai lu, dans le même sens, qu’«assurer la progression des femmes dans le monde du sport..suppose certainement un développement des politiques permettant d’articuler les études, la vie professionnelle et familiale, et le temps de la vie sportive..(auquel) la réduction du temps de travail contribuera certainement »53. En d’autres termes, le soutien à la loi sur les 35 heures de Martine Aubry aiderait les femmes à faire du sport...
J’ai lu enfin que « la présence des femmes peut être positive pour le développement harmonieux de nombreuses disciplines »54et que la place des femmes dans le sport « peut être... un rempart face aux dérives de la violence et du mercantilisme ».55
Des femmes, « rempart » contre la violence? Comment? En leur demandant, après chaque match, de chanter « peace and love »? En leur proposant de servir sur place de « repos du guerrier » pour calmer les supporters ? En sacrifiant l’une d’entre elles, telle sainte Blandine, après chaque match, sur l’autel de la réconciliation entre les sexes ? Ou en mettant des femmes en première ligne devant des policiers qui n’osent même plus affronter les « supporteurs »?
Quant au rôle des femmes contre le« mercantilisme », au rythme de l’accélération de leur paupérisation, elles ne seront plus des « remparts », mais des pionnières.
De fait, là comme ailleurs, aucune politique n’est crédible si elle n’est pas fondée sur la mise sur pied de nouveaux projets clairement définis, rendus possibles et donc crédibles par des augmentations de budgets. Et pour continuer à parler d’argent, je souhaiterais savoir quelle est la part du budget du ministère qui bénéficie respectivement aux jeunes garçons/et aux sportifs, aux jeunes filles et aux sportives. Car si l’on sait déjà que les subventions aux clubs, aux associations de femmes sont très inférieures à celles accordées aux hommes, les équipements beaucoup plus réduits et les récompenses beaucoup moins généreuses - pour employer des euphémismes - on ne connaît pas encore l’ampleur chiffrée de ces traitements (grandement) discriminatoires. Ne peut-on pas considérer, à cet égard, que cette inégalité de traitement des citoyens et des citoyennes est une remise en cause du principe d’égalité devant la loi. Puisque, participant à égalité aux impôts, hommes et les femmes n’en percevant les produits que de manière inégale.
Réponse. S’il y a une longue et violente tradition machiste dans le sport - « le véritable héros Olympique, c’est l’adulte mâle », ou: « une Olympiade de femelles est impensable, elle est impraticable, inesthétique et incorrecte » disait Pierre de Coubertin, le père des jeux Olympiques - il n’y a pas, me semble-t-il, en soi, de spécificité de la question des violences sexuelles dans le sport. Leur analyse doit s’intégrer au sein du plus vaste questionnement concernant les modalités de re-production de la domination masculine. Et concernant des mécanismes idéologiques permettant son occultation.56
Par ailleurs, je crois que tant que les hommes ne seront pas, comme ils l’ont été dans les années soixante-dix, grâce aux luttes féministes, contraints à nouveau à se poser, pour eux-mêmes et pour nous tous et toutes, ces questions et donc à nous aider à les comprendre, nous n’avancerons que peu: il est urgent que les hommes parlent de leur sexe et de leur sexualité. C’est-à-dire d’eux et de leurs rapports aux femmes et aux hommes.
Je peux, pour ma part, après bien d’autres analyses, poser quelques jalons.
Ce que je constate concernant les violences sexuelles exercées sur des sportifs et des sportives, c’est la question des cumuls de pouvoirs conférés si souvent aux entraîneurs. Ce sont très souvent à des hommes plus âgés, diplômés, souvent auréolés de leurs propres succès, qui, dès lors, deviennent nécessairement des modèles à suivre, que sont confiés, sans aucun réel contrôle, tant de (projets) de vies. En outre, ces hommes cumulent sur leur seule personne de nombreux pouvoirs: ils sont des substituts parentaux57, des mentors, des éducateurs, des enseignants, des guides. Ils sont en outre institutionnellement chargés, au nom d’un futur que chacun-e espère plus positif, de décider, souvent entourés de « spécialistes », de la « formation » des sportifs et des sportives. Ils décident ainsi, au nom de l’efficacité de l’entraînement, de l’«hygiène de vie » comme de la «préparation mentale ». Rien ne leur échappe: emploi du temps, nourriture, sommeil, poids, vie sexuelle, produits dopants... Enfin, ils sont investis de pouvoirs d’autant plus importants sur des (très) jeunes femmes ou de jeunes hommes, qu’ils sont censés agir pour « le bien » des futur-es athlètes.58 Et ce, dans un monde terriblement clos, pétri de normes masculinistes, c’est-à-dire fondé sur des enjeux relativement simples, mais fondamentaux: démontrer à l’adversaire, aux autres, et à soi-même, celui qui est « le plus fort », donc celui qui « a le plus de couilles », ou plus simplement, au cas où il y aurait une ambiguïté à lever, que l’on « en a » 59. 60Violer, agresser, humilier une femme, des femmes - les moyens employés importent peu - participe à cet effet de démonstration qui est lui-même si nécessaire à la perpétuation de l’ordre sexué du monde. Ce dont il s’agit n’a rien à avoir avec le plaisir, mais avec le pouvoir. Il s’agit de maintenir les sportives dans le statut dépendant qu’elles n’auraient jamais dû quitter, de les remettre à leur place, faute de quoi c’est tout l’agencement de la domination masculine qui est déstabilisé61.
Une femme qui, sur les seuls fondements de ses propres mérites, sans rien devoir à l’ordre masculin, pourrait être reconnue athlète à part entière est une menace pour chacun et pour tous. Ces violences s’expriment d’ailleurs le plus souvent en groupe, ainsi ressoudé et conforté dans son identité « virile » - alors que cet échange des femmes, permet aux hommes d’exprimer leur propre homosexualité62 du fait de cette appropriation collective des femmes. On veut prouver ainsi qu’on est pas des « pédés » et que les femmes ne sont que des « gonzesses ». Les « baiser », les agresser démontre que les hommes sont et doivent rester les plus forts, les seuls maîtres du jeu et que nulle ne peut échapper à leur intronisation, c’est-à-dire aux conditions qu’ils imposent. Un de ses agresseurs disait à Catherine Moyon de Baecque : « De toute façon, tu ne seras jamais championne si tu n’acceptes pas de coucher avec moi.: je suis champion de France ». (p. 20) On comprend mieux alors pourquoi ces violences sont d’autant plus nécessaires et donc s’aggravent lorsque des femmes s’affirment, sinon concurrentes, du moins concurrentielles avec les hommes.
En ce sens, une politique de « promotion » des femmes - comme de la « féminisation » des stades d’ailleurs - sans remise en cause concomitante du machisme du milieu sportif est irresponsable. Et dangereuse.
Certes, la violence sexuelle n’est pas toujours de mise, mais il est d‘autres formes de violences verbales qui relèvent, elles aussi, de ces logiques d’assignations symboliques: « Vous êtes championne du monde, pas votre mari. Qui fait la cuisine à la maison? » demandait L’Équipe Magazine à Felicia Ballanger, 6 fois championne du monde de cyclisme sur piste.63On pourrait aussi citer, dans la Rubrique: « Caricature sexiste», l’ analyse, si le terme peut être employé, que Nelson Montfort fait du sport dit «féminin». 64
Là encore, qu’elle qu’en soient les manifestations, ce qui importe, c’est, surtout lorsqu’elles représentent un danger, que les femmes puissent être rappelées à leur sexe, ré-enfermées dans leur identité sexuée - les contrôles discriminatoires de « féminité » en sont l’expression institutionnelle - afin que les hommes puissent être confortés dans l’assurance que leur confère le leur. Les références à la « grâce », à la « séduction », à la « féminité » sur les fondements desquels on « jauge » les sportives n’ont pas d’autre fonction: les définir « en tant que femmes » pour ne pas avoir à les reconnaître « en tant que sportives ».
En tout état de cause, le sport (type : foot) qui offre les conditions d’une socialisation quasi exclusivement masculine, retardant ainsi la confrontation avec les femmes, sans être suspecté ni d’homosexualité, ni d’antiféminisme est sans doute l’une des raisons essentielles de son succès.
Quoi qu’il en soit, le sport si souvent centré sur le seul développement de ses capacités physiques65, participe au processus de refoulement de l’émotion individuelle. Il apprend en outre à vivre et à jouir par procuration. L’émotion ne peut plus alors s’exprimer, faute d’autre langage, que par la violence. C’est alors collectivement que l’émotion, canalisée, s’extériorise, dans une logique fusionnelle, sur des oppositions binaires fortement marquées. Et toujours sexuées.
C’est en ce sens que le sport renforce parce qu’il la socialise la domination masculine.
Toute politique qui ferait abstraction de cette réalité est responsable de ses conséquences.
1 Éditions Quasimodo et fils, BP 4157 - 34092 Montpellier cedex 5.
2 Marie-Victoire Louis. Le droit de cuissage. France, 1860-1930. Paris, 1994, Les Éditions de l’Atelier.
3 Cf. page 6 de ce texte.
4 Catherine Moyon de Baecque, La médaille et son revers. Paris, 1997. Albin Michel.
5 La critique que Le Monde a consacrée à son livre n’évoque qu’incidemment la question de la responsabilité des milieux sportifs et politiques. La psychologisation de la teneur de cet article centrée autour de la « présentation » de l’auteure du livre, sans aborder la question des effets du traumatisme sur sa personnalité, détourne l’analyse de la responsabilité des agresseurs et de leurs complices en la transférant à la victime. Quant au titre de l’article qui laisse penser qu’avoir été victime - et non pas auteur - de violences sexuelles signifie la perte de son «honneur » , il n’aurait pas du être. Il s’inscrit en effet dans la longue histoire - que l’on espérait révolue - qui considérait comme honteux le fait pour une femme d’avoir été sexuellement appropriée par un ou plusieurs hommes autre-s que celui auquel elle devait appartenir et « obéir ». Mais qui considérait comme relevant de l’honneur, cette appropriation de son corps et de son sexe et de ses biens, dès lors qu’elle était légitimée par les liens du mariage. L’honneur retrouvé de Catherine Moyon de Baecque, 4 septembre 1997.
6 Cf. l’article de Philippe Liotard: « Des violences sexuelles dans le sport »
7 Cf. Marie-Victoire Louis, « À propos des violences contre les femmes: Ébauche d’une analyse féministe du nouveau code pénal français »,Projets Féministes. Droit, culture, pouvoirs. N° 3, Octobre 1994. p. 40 à 69.
8 Les avocat-es doivent cesser d’invoquer - comme ils et elles le font de manière récurrente - le sempiternel pseudo argument selon lequel « il-vaut-mieux-passer-en-correctionnelle-car-les-magistrats-professionnels-condamneront-sûrement-tandis-qu’en-Assises-où-les-juré-es-ne-sont-pas-controlables-il-y-a-des-risques-de-relaxe ». Comment, lorsqu’ils ou elles sont partie civile, peuvent-ils/elles défendre leurs client/es/victimes, s’ils/elles décident de participer à ce processus de déqualification de ces crimes ? Comment peuvent-ils/elles faire appel au droit pour qu’il dise la justice, alors qu’eux/elles mêmes en refusant d’appliquer le droit bafouent la justice? De fait, c’est toute la construction de leur plaidoirie qui s’en trouve déstabilisée, ouvrant ainsi une brèche aux avocat-es des agresseurs, laquelle accélère souvent ainsi le processus de déqualification de ces violences.
9 Jugement du tribunal de Grande Instance de Mâcon, 15 octobre 1993. Jugement de la Cour d’appel de Dijon, 19 mai 1994. Quant à la Cour de Cassation - Chambre criminelle - elle a jugé que « les faits souverainement constatés justifient la qualification et les peines ». 23 août 1994.
10 On peut lire dans le jugement en appel cette incroyable argumentaire: « Piolanti qui ne l’a agressée sexuellement qu’une seule fois doit se voir puni moins sévèrement, mais néanmoins fermement ». En effet, la gravité est jugée non pas par rapport aux articles du code pénal, ni encore moins par rapport aux effets sur la victime d’une violence sexuelle, mais par rapport aux agressions commises par les autres agresseurs. Ensuite, parce que cette appréciation est une quasi légitimation des «premières» violences. Enfin, si, pour la justice, la « fermeté » consiste à punir de 8 mois avec sursis une agression sexuelle, alors les associations de lutte contre les violences faites aux femmes devront ou reconnaître leur échec ou dénoncer politiquement avec force la politique menée en la matière.
11 Michelle Rouveyrol a « bénéficié » d’un avocat commis d’office, spécialiste de droit commercial.
12 « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale de l’ONU.
13 « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux devant la loi »; « La loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse, soit qu’elle oblige ». Articles 1 et 3 du préambule de la constitution du 19 avril 1946, repris dans la constitution de la V ème République.
14 La « mission » confiée à Alain Pénin, psychologue clinicien au Centre Hospitalier Gérard Marchand de Toulouse, consistait à:« 1) procéder à l’examen des blessures, maladies ou infirmités dont souffre la victime, les décrire, en précisant les conséquences probables et donner son avis sur les causes: quelle crédibilité peut-on apporter aux déclarations mettant en cause les inculpés : 2) fixer la nature de l’incapacité et évaluer sa durée préalable» (!) Ainsi, la question de la crédibilité de la victime est bien un élément d’appréciation de la culpabilité des agresseurs. Par analogie, cela signifie qu’une personne déposant plainte pour vol de voiture ou de bijoux dans son appartement devrait être traitée par la justice en fonction de sa personnalité, de sa « crédibilité », appréciée par un « expert psychologue ».
15 C’est en effet par rapport à un a-priori de « comportement mythomaniaque et affabulateur » (p. 9 du rapport) que la véracité des affirmations de Catherine Moyon de Baecque ont été jugées.
16 L’article 214 de 1804 du code civil disposait: «Les femmes ne peuvent ester en jugement sans l’autorisation de son mari. » Comment peut-on, à cet égard, continuer à maintenir la fiction des fondements universalistes de la République française ?
17 Cf., notamment, la lettre du Secrétaire Général du Stade Français et du président de la Section Athlétisme à Jean Poczobut, 15 juin 1995:« ...Nous tenons à vous assurer du soutien complet que nous sommes décidés à continuer à apporter à notre athlète dans les difficultés qui continuent à lui être abusivement imposées ». Mais le club de Catherine Moyon de Baecque n’en avait pas moins recruté, en 1993, toute connaissance de cause, l’un de ses agresseurs.
18 La question du financement par la Fédération d’athlétisme du procès des agresseurs est posée. L’engagement de son président permet d’évoquer cette hypothèse. L’analyse rigoureuse de la comptabilité de la Fédération par le Ministère - comme il est en droit, sinon en devoir de la faire - devrait le permettre de clarifier cette zone d’ombre.
19 « On rappelle aussi que Jean Poczobut était vice-président de la FFA à l’époque....’ J’étais membre du comité directeur, c’est vrai, reconnaît Jean Poczobut, mais je n’étais pas là le jour où il y avait eu une information’ ». L’ Equipe Magazine. 5 Février 1994.
20 « Monsieur Guérin a fait l’objet, à ma demande, d’une procédure disciplinaire après que l’affaire ait été définitivement jugée au pénal. Au vu de l’avis de la Commission de Discipline, je viens de prendre la décision de sanctionner Monsieur Guérin. En vertu de l’article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1988, les sanctions ou décisions à caractère nominatif ne sont en principe communicables qu’à l’intéressé lui-même, saut accord de la Commission que je saisis afin de pouvoir rendre publique cette décision ». Lettre de Madame Michèle Alliot-Marie à Catherine Moyon de Baecque. 2 mai 1995.
21 Dans une lettre en date du 4 février 1994, François Julliard, directeur technique national de la Fédération Française d’Athlétisme écrit à Luc Viudes, champion de France de lancer de marteau, entraîneur de Catherine Moyon de Baecque: « Cher Luc, Catherine Moyon a fait circuler dimanche au FUSU, une pétition qui met en cause entraîneur national et la fédération. J e ne veut pas m’immiscer dans une affaire qui est actuellement en justice. Compte-tenu de tes relations avec Catherine Moyon de Baecque, tu as certainement une opinion sur les faits qui remontent à 1991 Il va de soi que tu es totalement libre en ce domaine. Toutefois, je te demande de conserver la plus grande réserve sur le procès en cours et les événements passés dans le cadre de tes fonctions de cadre technique. Il serait fâcheux pour Catherine Moyon, les athlètes incriminés et surtout pour Guy Guerin qui lui, n’a pas été mis en cause par la justice, que des incidents surviennent dans le cadre de nos championnats fédéraux. Il pourrait également être dommageable que ton nom soit associé publiquement à une affaire qui est particulièrement négative pour l’image de notre sport. Amicalement ».
22 Cf. le témoignage de Clémence dans cet ouvrage: « Un si bon entraîneur ».
23 « La charte relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, prise en application de l’article 26 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée, mentionne expressément: ‘Toute équipe de sportifs est directement et exclusivement soumise à l’autorité du responsable désigné(...) par la Fédération »(Règle IX) ». Lettre, restée sans réponse, de Michel Tubiana, Secrétaire Général de la Ligue des droits de l’homme à Jean Poczobut. Président de la FFA. 9 décembre 1994.
24 Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Monsieur François Kociusko-Morizet, Président du Stade Français. 23 décembre 1993.
25 Il cautionnait dès lors tous les mensonges que tous les inculpés n’ont cessé de proférer lors des procès.
26 Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Jean Poczobut, Président de la FFA, en date du 6 juin 1994.
27 Lettre de Jean Poczobut, Président de la FFA à Catherine Moyon de Baecque en date du 31 mai 1994. Celle-ci a, fort justement, refusé de se rendre à ce qu’elle a appelé « une commission de discipline ». Elle a considéré cette « convocation comme nulle et non avenue», par ailleurs qualifiée de « grotesque et sinistre plaisanterie doublée d’une monstrueuse indélicatesse » 6 juin 1994. Cette lettre à Jean Poczobut est restée sans réponse.
28 Infos FFA. 22 juillet 1994.
29 Cette absence de mise en oeuvre concrète des décisions prises à leur encontre est sans doute la raison pour laquelle Jean Poczobut et la FFA n’ont - à ma connaissance - jamais démenti ceux et celles qui affirmaient que la FFA n’avait pas pris de mesures à l’encontre des athlètes.
30 Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Monsieur Koscuisko-Morizet. Président du Stade Français. 18 octobre 1994.
31 Cf. le communiqué de presse envoyé à Reuter le 28 juillet 1996 de l’Association Européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) pour dénoncer la participation prise par la FFA, de deux de ces athlètes, Christophe Epalle et Raphaël Piolanti dans l’équipe de France, lors des Jeux Olympiques d’Atlanta. Copie, restée sans réponse, avait été adressée aux responsable sportifs et politiques français et Olympiques. Tel: 01 45 84 24 24.
32 Article 16 de la loi du 16 juillet 1984 .
33 Lorsque le journaliste Laurent Testet, lors de l’émission Vérité Oblige (France 3. 3 octobre 1998. 11 heures 45) consacrée à la conspiration du silence sur les agressions sexuelles dans le sport, a évoqué ceux qui « sont encore en poste, qui ont été nommés beaucoup plus haut », le présentateur Éric Brunet lui a alors coupé la parole. La logique de protection des «puissants » touche donc bien évidemment tous les milieux.
34 Catherine Moyon de Baecque a un contrat de travail de « six mois renouvelables » au Ministère de la Jeunesse et des Sports. Elle avait demandé que celui-ci soit maintenu à «un an renouvelable » et obtenir un poste correspondant à ses compétences, ce qui ne lui a pas été accordé.
35 Marie-Victoire Louis. « Des femmes ministres ne font pas un ministère des femmes ». Libération, 23 juillet 1997.
36 Le Journal du Dimanche. 4 janvier 1998.
37 But. 6 mars 1998.
38 Lorsqu’elle a présenté ses priorités: « favoriser tout ce qui permettra au sport de porter des valeurs d’égalité, de citoyenneté, de solidarité entre les individus entre les peuples », elle n’a pas mentionné spécifiquement l’égalité entre les sexes. Libération. 21 juillet 1997.
39 Ainsi, rien ne garantit à un-e victime de violences sexuelles demandant l’intervention de l’Etat ou de la ministre que sa lettre adressée à la ministre ne soit pas « ouverte » et « traitée » par Jean Poczobut.
40 Une conseillère technique a cependant été nommée chargée de « suivre tout spécialement la question du sport féminin ».But. 6 mars 1998. Quand l’Etat comprendra-t-il enfin que le « féminin » est une catégorie conceptuelle patriarcale ? Et que ce dont il s’agit, ce n’est pas de traiter « des femmes » , ce qui ne veut rien dire, mais des rapports de pouvoirs que les hommes ont exercés historiquement depuis des siècles sur les femmes.
41 Quels sont les fondements politiques actuels de la permanence de ce lien institutionnel entre « sports » et «jeunesse » ?
42 Collectif féministe contre le viol. Viols/ Femmes/Informations. Bulletin 1996-1997. p. 14. Numéro vert : 0.800.05.95.95.
43 L’emploi du terme « maltraitance » accouplé à celui d’« agressions sexuelles » a sans doute permis, en le facilitant, ce déni.
44 Les « jeunes » d’ailleurs, pas plus que quiconque, ne veulent pas être « écoutés » mais « entendus ».
45 Elle écrit, pour sa part:« S’agissant du dispositif concernant la jeunesse, vous devez me saisir du cas de toute personne dont le maintien en fonction serait susceptible de porter une atteinte grave à la santé morale et matérielle (sic)des mineurs».
46 Ajout. Juin 2006. Aujourd’hui, je considère cette réponse comme superficielle et tout à fait insuffisante
47 Les 29 et 30 mai 1999 doivent avoir lieu les Assises Nationales « Femmes et Sport ». La question des violences contre les femmes ne fait partie d’aucune table ronde, ni d’aucun atelier. Par ailleurs, je ne sais si le Ministère s’est rendu compte de la perception que transmet le dessin de couverture de l’invitation. Celui-ci représente une (petite) percheuse, face à une barre placée si haut qu’elle est incapable de la franchir, tout simplement parce qu’elle est infranchissable. Une métaphore inconsciente de la réalité vécue par les femmes dans le monde sportif? Le retour du refoulé ?
48 Marie-George Buffet: «Il faudrait plus de femmes dans les stades ».But. 6 mars 1998.
49 « La pratique sportive et la vie associative constituent un important gisement d’emplois » a t-elle considéré, dans un questionnement fort libéral. Libération. 21 juillet 1997.
50 La gymnastique « est la seule chose qui les sort de leur condition. Certaines viennent là pour trouver un remède contre la dépression, voire contre le suicide. Beaucoup sont à la recherche d’un lieu pour respirer ».« L’intégrisme sur le tapis » Lila Meshedi, 40 ans, tenait un club d’aérobic à Téhéran. Elle vient de se réfugier en France, lassée de tracasseries islamiques. Libération. 27 août 1996.
51 « Algériennes, footballeuses et rebelle aux tabous ».Libération. 2 novembre 1998. Lila, footballeuse au club Emir Abdelkader d’Alger: « Le sport, c’est..aussi un combat à mener contre l’intégrisme qui en interdit la pratique »... « Pour nous, jouer au foot, c’est une façon de ne pas se résigner, d’être ensemble, unies ».
52 Intervention de Marie-George Buffet. Rencontre-débat du 6 mars 1998. « La place des femmes dans le sport ».
53 Ibid.
54 Intervention de Marie-George Buffet. Journée d’ouverture des Assises « Femmes et Sports ». 22 septembre 1998 .
55 Rencontre débat du 6 mars 1998. Texte cité.
56 Un exemple de cette occultation nous a été donné par le film « Le secret de Marion », diffusé sur TF1, le 17 mars 1995, qui s’est plus qu’inspiré de l’« affaire » Catherine Moyon de Baecque. Sans pour autant trop se soucier de la vérité, puisqu’elle est présentée comme lesbienne. Ainsi, le scénario a été construit sur le « raisonnement » suivant: la dénonciation par Marion des athlètes devait être considérée comme vraie, parce que en découvrant que Marion était lesbienne, elle ne pouvait donc pas avoir « aguiché » les athlètes. Dès lors, ceux-ci l’avaient bien violée. Certes, dans cette re-construction, la culpabilité des agresseurs est reconnue, mais non pas la légitimité de la parole de la victime, tandis que les schémas sexistes qui voudraient que les femmes violées l’ont été parce qu’elles ont provoqué les hommes sont maintenus.
57 Et lorsque les pères sont eux-mêmes les entraîneurs, la violence risque fort de s’accroître. Cf. la dénonciation par la joueuse de tennis, Mirjana Lucic des violences de son père: « Les gifles pleuvaient à la mesure des défaites, la violence des coups dépendant de l’importance de la défaite, ou des mauvais entraînements ». Cf. aussi les violences du père de Mary Pierce, ou celles du père de Gennifer Capriati. « La jeune Croate Mirjana Lucic dénonce la violence de son père. »Le Monde. 2 Septembre 1998.
58 Cf., dans cet ouvrage, l’extrait du livre de Voznescenkaya, Le Décaméron des femmes. Actes Sud et l’analyse de Philippe Liotard, « L’entraîneur, l’emprise », p. 125.
59 Dernière expression formalisée relevée dans la presse: lors du dernier match de l’OM, Roland Courbis, entraîneur de Marseille, s’en prenant à l’arbitre, se demande « s’il aurait eu les couilles de refaire tirer le penalty dans le cas où ... « L’OM et le penalty de la discorde »Libération. 22 avril 1999.
60 Ajout. Juin 2006. Cette analyse a depuis - en très peu de temps - dépassé les frontières du sport et gagné le monde politique [Non pas que ce soit une nouveauté, mais que ces expressions - et ce qu’elles révèlent - soient si aisément exprimés] : Cf. Marie-Victoire Louis, « Villepin et le viol de la France ». 2 avril 2006
61 « ...Nous n’avons eu que le tort de vouloir pratiquer une discipline jusque-là réservée aux hommes. Ces hommes-là, nous ont montré, à leur manière, que lancer le marteau était une stricte affaire d’hommes. D’où notre malheur ». Communiqué de presse. 6 juin 1994.
62 Cf. le texte de Frédéric Baillette : « Éloge de la masculinité ».p. 23
63 « Les filles, on doit rester réservées ». Entretien de Felicia Balanger par Philippe Le Gars. L’Équipe Magazine. 6 septembre 1997. Si les femmes refusaient de répondre à de telles questions, plus largement à toutes les questions sexistes ou à toutes les questions qui les mettent mal à l’aise, elles s’en sentiraient mieux, seraient plus respectées et feraient avancer les droits de toutes. Elles se rendraient aussi compte que ce refus est non seulement accepté - car c’est un droit - mais le plus souvent compris. Elles seraient en outre mieux à même de reformuler les questions des journalistes.
64 Nelson Montfort: « Vive le sport féminin ».Le Sport. 16 avril 1998.
65 Nombre d’hommes font du sport « pour être un homme », pour « être viril ». Malheureusement, le sport durcit les corps, mais pas les sexes.