Revue : Projets Féministes
numéro 1
 AFP et Win News

Violences politiques – Violences contre les femmes

Viols et meurtres de collégiennes Kenya

Projets Féministes N° 1. Mars 1992
Quels droits pour les femmes ?
p. 23 à 25

date de rédaction : 01/03/1992
date de publication : Mars 1992
mise en ligne : 07/11/2006 (texte déjà présent sur la version précédente du site)
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Après l'assassinat des quatorze jeunes femmes de l'Institut Polytechnique de Montréal, à nouveau la violence, la haine contre les femmes se sont déchaînées.
Au Kenya, le 14 juillet 1991, dans un pensionnat géré conjointement par l'État et l'Eglise catholique, un massacre de femmes s'est produit.

Des jeunes gens, armés de barres de fer arrachés aux lits mêmes de ces femmes, ont brisé les portes du dortoir à l'aide de pierres, après avoir pillé la cantine et coupé les lignes téléphoniques et l'électricité. Pour "une folie meurtrière", elle fut bien préméditée.

Plus de cent jeunes filles de 14 à 18 ans furent attaquées, 71 furent violées, 19 tuées, étranglées, étouffées sous leurs lits...

La responsabilité du principal du collège, James Laboni, fut largement évoquée par la presse kenyane ; on évoqua le viol comme "couramment pratiqué" dans son établissement - ce qui fut confirmé par les collégiennes violées - ainsi que les critères d'embauche du personnel, marqués par le népotisme politique. Quant au surveillant général, Joyce Kithira, il aurait déclaré au président Daniel Arap Moi lorsque celui-ci visita le dortoir dévasté : "Les garçons ne voulaient faire aucun mal aux filles, ils voulaient simplement violer".

Nombreuses furent les tentatives d'explications de ce massacre qui placèrent les rapports entre les sexes au coeur de l'analyse. Hilary Ng'weno, responsable de l'un des journaux les plus lus au Kenya écrivit : "Nous traitons les femmes comme des êtres de seconde zone, juste bonnes pour le sexe et les corvées domestiques. Nous élevons les garçons dans le mépris des filles. "

Le bas statut des femmes fut en effet considéré comme l'explication la plus plausible de cette tragédie, "dans un pays où celles-ci doivent se grouper ensemble à l'avant des bus pour éviter d'être molestées par les hommes, et où les femmes éduquées des zones urbaines racontent comment elles passent des nuits entières à attendre leurs maris qui sont avec leurs maîtresses. " (Kenyan Times) .

Un juge de la vi11e de Meru, M. Apollos, expliqua que la notion de domination mâle était inculquée lors d'une cérémonie initiatique importante, au moment de la circoncision - entre l'âge de 11 et de 17 ans - aux garçons du clan Tigania de la tribu Meru à laquelle appartiennent presque tous les collégiens de St Kitizo.
Pour les garçons, être circoncis signifie tout à la fois parler avec les femmes, coucher avec elles, battre les femmes.
Au même moment, poursuit M. Appolos, on enseigne aux femmes à ne pas refuser les relations sexuelles.

II affirma par ailleurs que si des jeunes filles n'avaient pas été tuées, les autorités n'en auraient rien su.

***

Nous reproduisons ici une déclaration d'organisations de femmes Kenyanes 1:

Nous femmes du Kenya :

* Condamnons avec la plus grande fermeté le comportement des étudiants et de l'administration de St Kizito - comme de tous ceux qui ont commis des actes de violences contre les femmes et les filles.

* Le viol n'est pas seulement un crime. C'est un crime qui détruit les victimes psychologiquement, émotionnellement ; il est de même une blessure permanente mentale et physique.

* Ce qui s'est passé à St Kizito n'est qu'un reflet des abus et des violences dont les femmes et les filles sont l'objet au Kenya, chez elles, à la maison, au travail comme dans les lieux publics. Il n'est donc pas surprenant que les garçons de St Kizito ont trouvé une légitimité dans la manière dont la société kenyane considèrent les femmes comme des êtres subordonnés.

* Nous notons avec un profond regret que la tragédie de St Kizito a contribué à faire éclater une vague de violence contre les filles dans tout le pays.

Nous proposons les actions suivantes :

* Les femmes sont maintenant déterminées à réagir contre toutes les formes d'abus et de violence contre elles et leurs enfants.

* Nous appelons la société à prendre en charge les racines de cette violence et de ces abus.

* Nous appelons le gouvernement à mettre en place dans tous les districts des cours pour prendre en charge la violence conjugale contre les femmes et les filles.

* La population kenyane adulte, y compris les parents, les leaders politiques, religieux et autres devraient réexaminer et analyser de quelle manière ils ont pu contribuer à influencer le comportement des jeunes Kenyans.

* Des programmes éducatifs doivent sensibiliser la société concernant les analyses fondées sur le genre et le bas statut des femmes.

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Notes de bas de page
1  Publié par Win News. Automne 1991. P.38/39.

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