Depuis près de vingt ans, avec beaucoup d’autres femmes et très peu d’hommes, j’ai participé à des nombreuses initiatives pour dénoncer les violences des hommes sur les femmes : lettres ouvertes, appels solennels, campagnes de presse, pétitions, émissions, colloques, séminaires, publication de revues, d’articles, de livres….
Au terme de ce bilan, si nous avons pu obtenir de notables succès, le résultat est cependant globalement négatif quant à la simple reconnaissance de la réalité de ces violences.
J’ai donc pensé que, peut être, simplement, faudrait-il décrire ces violences telles qu’elles se manifestent.
Pour ce faire, j’ai décidé, en utilisant mes archives de presse, de citer les moyens utilisés par ces hommes pour frapper, violer, prostituer, torturer, contraindre au suicide, assassiner
Dans un deuxième temps, j’ai décidé, en utilisant les archives du Collectif féministe contre le viol, 4de transmettre - pour celles qui ne sont pas décédées - la parole des victimes.
Je précise que dans le deux cas de figure, je n’ai utilisé qu’une infime de mes archives comme de celles des associations, lesquelles, elles-mêmes, ne recouvrent qu’une infime partie de la réalité et de la gravité de ces violences.
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Je voudrais à cet égard auparavant faire une comparaison avec le racisme.
En France, chacun-e sait qu’un crime commis par un blanc sur une personne d’une autre couleur de peau ou d’une autre origine n’est pas toujours raciste. Mais, à tout le moins, la question est posée. Et la réponse - dont il est parfois tenu compte - souvent confirmée. En tout état de cause, le racisme est une donne politique. Et est présentée, à juste titre, comme une avancée progressiste, pour la défense de laquelle quelle on doit toujours se battre.
Il en est tout autrement concernant les violences des hommes sur les femmes. Surtout en France qui ne se proclame pas impunément : " la patrie des droits de l’homme ".
* En France, on peut sans problème publier des livres, écrire des articles, chanter des chansons qui provoquent, justifient, légitiment, glorifient cette violence, exacerbent la haine des femmes, ouvertement anti-féministes. C’est même souvent un moyen privilégié de promotion individuelle.
Quant à " la liberté d’expression ", telle qu’elle est actuellement mise en œuvre, elle garantit aux propriétaires de presse le droit d’occulter, de censurer, de travestir, de caricaturer, de faire violence aux femmes et aux féministes, tout en leur [nous] interdisant de les dénoncer. Ainsi, nous n’avons pas de recours juridique pour dénoncer les apologies de la violence que propage, par millions d’exemplaires, chaque semaine, la presse pornographique.
Et alors que les femmes et les féministes n’ont globalement pas d’accès aux médias — et lorsque c’est le cas, si tard, si peu et si mal — ce sont elles qui sont, par certain-es, sans crainte du ridicule, accusées d’être les actrices de la " censure ".
*En France, on peut actuellement être ministre et avoir battu sa femme.
*En France, on peut proposer une vison totalement tronquée de l’histoire, de l’histoire des sciences, de l’art, de la littérature, de la politique, du droit qui occulte l’apport des femmes et les féministes, évacue la question de leur silence, fait l’impasse sur la domination masculine sans que ce mensonge - fondateur de toute société - ne dérange la communauté scientifique, le monde politique, la presse, les intellectuel- les.
*En France, on peut publier des centaines d’articles et de livres sur Sade en évacuant la question de la justification des violences à l’encontre des femmes.
* En France, on peut publier des tonnes de livres sur le socialisme, sans même évoquer les écrits du " père du socialisme français ", Proudhon, qui avait ainsi formellement cru bon préciser les six circonstances qui justifiaient le meurtre des femmes : " Cas où le mari peut tuer sa femme, selon la rigueur de la justice paternelle : 1° adultère ; 2° impudicité ; 3° trahison ; 4° ivrognerie et débauche ; 5° dilapidation et vol ; 6° insubordination obstinée, impérieuse, méprisante ".5
*En France, on peut intituler un groupe musical " Nique Ta Mère " sans que la question de la justification des violences à l’encontre les femmes - ici, des mères - ne soient, à quelques rares exceptions près, là encore, dénoncées par l’establishment politique et intellectuel.
Chacun-e peut continuer ce simple constat que je dois arrêter, faute de place.
Ce qui est sûr, c’est que l’injonction de " rire de tout " et de " ne pas avoir le sens de l’humour " qui est faite aux femmes et aux féministes, que la critique que l’on nous oppose de ne pas comprendre à quel niveau serait située " la pensée " de ceux qui nous humilient nous ridiculisent , nous injurient et nous violentent [le fameux " second, troisième degré "] relèvent de l’intimidation, ont pour fonction de nous empêcher de penser par nous mêmes et de nous faire taire. Et ainsi de perpétuer le bon droit des hommes à nous humilier, nous ridiculiser, nous injurier, nous violenter. Bref à maintenir la domination masculine et tous les privilèges politiques, économiques, sexuels, symboliques, qui lui sont attachés. Et dont chaque homme bénéficie.
En tout état de cause, ce qui est sûr, aussi, c’est que si on ne riait pas, on entendrait beaucoup de hurlements.
Parmi les moyens employés pour violer, agresser, prostituer, frapper, torturer, tuer, j’ai relevé dans la presse 6- lorsqu’elles étaient explicitement évoquées — les armes, les moyens, les outils pour violenter, pour tuer ces femmes. 7
- " À coups de fusil de chasse ", " de deux décharges de chevrotine ", " de trois coups de fusil de chasse ", " de quatre coups de revolver ", " par des tirs d'arme à feu en pleine tête ", " d'un coup de fusil à pompe calibre 12 ", " par une arme de petit calibre " , " d'une balle de 22 magnums ", " avec un pistolet à grenades ", " d’un coup de revolver posé sous menton ", " un pistolet braqué sur la tempe "
- " Poignardée avec un couteau de cuisine ", " d'un coup de couteau planté dans le sein gauche ", "poignardée à l’abdomen ", " un couteau enfoncé dans le rein sur 15 à 18 centimètres ", " à coups de hachette ", de " onze coups de couteau ", " de seize coups de couteau", " de dix-neuf coups portés par une arme blanche ", " d’une vingtaine de coups de couteau ", " de cinquante coups de couteau ", " le visage profondément lacéré au cutter ", " un couteau planté dans le dos ", " à coups de ciseaux ", " éventrée au sabre ", " de vingt coups d'épée", " de six coups de poignards ", " à coups de hachoir" " décapitée à la hache ", " poignardée ", " frappée de huit coups de machettes derrière le crâne puis tuée d’une balle dans la tête ", " égorgée ", " seins (proprement) découpés au scalpel, ainsi que l’utérus, tête et mains tranchées "
- " Le crâne fracassé par une hache et un marteau ", " frappée avec des objets contondants ", " avec une barre de fer ", " à coups de marteau " , " à coups de manche de pioche ", " avec un fer à repasser ", " de plusieurs coups de râteau ", " avec une ponceuse et au chalumeau ", " les deux jambes brisées à coups de jambes de base-ball "
- " Ébouillantée ", " brûlée, après avoir été arrosé d'eau de Cologne ", " transformée en torche vivante après avoir été aspergée d’essence ", " brûlée avec de l’essence après avoir été blessée à coups de machette "
- " Etranglée après 48 heures de martyre ", " étranglée avec un lacet, puis frappée à coups d’haltères ", " étranglée avec une ceinture "
- " Etouffée ", " violée et étouffée sous le poids de son agresseur ", " ligotée, baillonnée et assassinée "
- " Jetée par la fenêtre du 6e étage "
- " Noyée dans un bidon d’eau "
- " Blessée à coups de pierres ", " rouée de coups "
- " Violée et torturée "
- " Jetée d’une voiture "
- " Assassinée puis dépecée ".
J’ai relevé dans les archives des associations8, et dans la presse, quelques manifestations de ces violences :
" Mâchoires décrochées ", " morsure ", " fracture du crâne ", " fractures du nez, hématomes sur tout le corps, éclats de verre dans les seins ", " la tête claquée contre les murs ", " le col du fémur cassé", "le tympan déchiré ", " hémorragie cérébrale ", " taillade faciale ", " déchirure de la rétine" ; "pied écrasé ", " les phalanges de trois doigts arrachés ", " lèvres fendues " ; " cuir chevelu éclaté ", " jambe cassée ", " vertèbres dorsales et muscles abîmés ", " amputée des doigts, orteils et du nez après avoir été brûlée, par brûlure au troisième degré par aspersion d’essence ", " le corps retrouvé atrocement mutilé ".
Un diagnostic décrit : "une découpe en pointillé, partant de la région entre l’urètre et la clitoris, d’une profondeur allant de trois à six centimètres, entre la muqueuse et la peau, faite comme pour enlever le vagin et vraisemblablement à l’arme blanche ".
Une petite fille de 4 ans a " une perforation et des cicatrices vaginales "…
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Je poursuis, en reproduisant, cette fois, les propres termes de ces femmes, quelquefois des mères qui parlent des violences faites à leurs enfants.
Une petite une fille âgée de 5 ans et demi est contrainte " pendant une semaine de sucer le sexe du fils de sa nourrice ", une autre a dû, de l’âge de 5 ans à 10 ans, " lécher le sexe de son oncle ".
Une mère raconte : " En octobre dernier, ma fille de 6 ans m’avait déjà dit des choses, je n’y avais pas fait attention. Elle ne voulait plus aller à la cantine. Il y a trois semaines, elle m’a redit qu’un garçon [de sa classe] avait mis un bâton dans son zizi et elle a redit que c’était à la cantine et quelle en voulait plus y aller. Elle a décrit des choses qu’un enfant de son âge ne peut inventer. Je suis allée voir la directrice qui ne veut rien entendre. Je l’ai emmenée chez une psychologue. La première fois, elle a refusé de parler. La deuxième fois, elle a fait un dessin représentant des fesses avec un bâton dedans ".
Une jeune fille de 20 ans, dépressive, raconte : " J’avais 10 ans et j’allais jouer au vélo, avec d’autres enfin, chez un voisin, directeur de société (55 ans) qui avait un grand garage. Un jour, j’y suis allée seule. Il a essayé de me sodomiser, j’ai pu m’échapper, mais il m’a rattrapée, a fermé la porte et m’a obligée à le tripoter ".
Une jeune femme de 26 ans violée par son père de 13 à 18 ans raconte que son " père [qui] mettait des préservatifs " lui disait : " Je vais t’apprendre à être une femme ". Une jeune fille raconte : " Mon père a commencé par des attouchements ; c’était tous les jours. La première fois qu’il m’a violé, je me suis laissé faire. Je me disais que quand il l’aura fait, il me laisserait tranquille. Hélas, non, quand il a recommencé, comme je me débattais, il m’a rouée de coups et a réussi à me violer ". Une jeune femme de 32 ans, violée vers quatre ans par son père dit : " J’ai des éclairs de souvenirs que je ne situe pas. Je me rappelle juste qu’une fois lorsque mon père m’avait violée, j’ai eu si mal que j’ai hurlé dans la nuit. Le lendemain, mon oncle a demandé à son père ‘pourquoi la petite avait hurlé’. Il a répondu 'qu’elle avait des cauchemars’ ".
Une jeune fille de 13 ans est violée par son père qui " la pénètre avec sa langue ", un autre père, lui aussi violeur, lui faisait " lui-même des piqûres pour faire revenir ses règles ".
Une jeune fille de 14 ans raconte : " L’ami de [mon] père est gynéco. Je lui avais parlé une première fois de douleurs au ventre. Depuis quelques semaines, il me demande de me déshabiller pour m’examiner. Je n’ose pas en parler à ma mère ".
Une mère se remémore ce dont ses filles lui ont fait état : " Mes filles de 16 ans et 18 ans sont allées en Bretagne en week-end chez des cousins. Le soir, le cousin, âgé de 50 ans, a voulu réchauffer les filles qui avaient froid. Il leur a massé les pieds, leur a dit de le masser et s’est mis tout nu sur le lit. Elles ont été très effrayées. La plus jeune n’avait jamais vu d’homme nu et tremblait. Il aurait réussi à enlever la culotte de la plus jeune. Il avait eu une opération pour occlusion intestinale et avait des coutures et des tuyaux partout. Elles ont pu se sauver et se sont enfermées dans une chambre. La plus âgée a dit que si elle n’avait pas été là, la plus jeune aurait été violée. Depuis ce week-end, elle est devenue insupportable et agressive ".
Une jeune fille de 15 ans dit que " son prof d’histoire-géo lui a proposé des cours particuliers pour rattraper son retard ". Au premier cours, il l’a violée et " menacée de la tuer " si elle parlait.
Une jeune fille a été violée " par une bande ". Un seul l’a pénétré. Ils ont tabassé son copain et l’ont entraînée dans les sous-sols. " Quinze personnes regardaient ".
Une jeune fille de 18 ans et demi est restée coucher après une fête chez des copains. Elle trouvait un garçon sympa. " Je n’avais pas l’intention de faire l’amour. On jouait à se faire des caresses. Il s’est foutu de ma gueule, ma dit que j’étais une oie blanche, qu’à 18 ans, toutes les filles ont des rapports sexuels et que si on accepte des caresses, on couche. Il m’a forcée et ça a été horrible. Ce n’était pas comme ça que je voulais faire l’amour la première fois. Je n’étais pas prête ".
Une jeune Algérienne, majeure, veut épouser un Français. Sa famille veut la reconduire au pays pour la marier. Elle est décidée à se défendre. " Pour la punir ", son frère de 23 ans l’a battue et violée. Une autre est violée , la veille de son mariage par son frère policier " qui n’acceptait pas qu’un autre homme [la] touche ".
L’une, en instance de divorce et dont le mari est " très violent " raconte : " J’ai a été violée par deux hommes qui sont rentrés chez moi avec une clé ". Elle pense que " ce sont les copains de son mari ". Une autre constate : " J’avais un copain, j’en ai rencontré un autre. Pour se venger, il m’a violée ". Une dernière dit enfin : " J’ai été violée, sodomisée avec brutalité, sous la menace d’un couteau, un chiffon dans la bouche ", par un homme qui a sonné chez elle, après que son ami a été appelé au téléphone et ait quitté le domicile.
L’uneraconte : " Il est rentré chez moi, malgré moi. Je ne le connaissais pas. Il a voulu m’embrasser et je ne voulais pas. Il m’a sodomisé et est rentré dans le vagin et puis il est allé se laver les mains. Il m’a volé de l’argent et il est parti ".
L’une est agressée " tous les jours depuis son mariage et régulièrement violée sous la menace d’un couteau" .Une autre est violée " systématiquement " par son mari : " Je veux qu’il respecte mon consentement. J’ai voulu le préserver, lui et la famille. Mais aujourd’hui, je craque ". Une troisième, enseignante de 30 ans dont le mari est ingénieur informaticien décrit : " Mon mari m’écartèle sur le lit, même quand je suis en larmes, il a ce qu’il veut. Je refuse de me faire blesser. Il me viole. Ma mère m’a dit que c’était à la femme de faire des concessions ".
Une jeune femme de 45 ans raconte. " Je voulais aider une jeune fille de 19 ans que j’aimais bien. Celle-ci m’a demandé de coucher chez elle. Son père est rentré tard dans la nuit. Il a sauté sur sa fille et sur moi et nous a obligées à faire l’amour ensemble, puis il nous a violées toutes les deux après nous avoir battues ".
Une femme " qui pratique l’échangisme avec son mari " se souvient : " On est arrivé au rendez-vous, il y avait trois personnes, trois hommes et non pas un homme et une femme. J’ai été obligée par la violence à toutes les pratiques sexuelles, y compris ’anormales’ par [son] compagnon avec les deux autres hommes ".
Une femme mariée fait état d'une soirée où elle avait été invitée : " J’ai été invitée à dîner par un homme. Ils sont venus à deux ". Au moment où je suis partie rejoindre sa voiture, ils lui " font des menaces de mort, sur elle, sur son mari, sur son chien et tentent d’arracher sa portière ". Ils la " poursuivent en camionnette, la rattrape au feu rouge, l’emmènent dans une chambre d’hôtel, la ligotent et la violent ". À six heures du matin, elle parlemente pour avoir les mains libres et réussit à s’échapper.
Une femme raconte qu’elle attendait le P.C à minuit, porte de Charenton : " Trois hommes l’aveuglent avec une bombe lacrymogène ". Ils l’emmènent Bois de Vincennes où elle est violée dans une voiture. Une autre rentre vers une heure du matin de chez une amie. Sa voiture accidente un fourgon. Trois hommes en sortent pour faire un constat, puis ils " ont demandé des dédommagements en nature ". Ils l’ont tous les trois violés.
Une jeune fille de 21 ans, vierge, a été agressée par un inconnu, " un sadique ". Elle a subi " des trucs qu’elle n’aurait jamais imaginés de sa vie ".
Une aide-soignante à domicile " pour handicapés " dit qu’elle travaillaitchez un homme de 55 ans, handicapé moteur, père de deux fils de 25 et 20 ans, handicapés cérébraux. Elle s’occupe de la toilette du père " qui était en érection ". Les fils rentrent dans la pièce. L’un s’approche d’elle, lui " arrache sa blouse puis son slip pendant que l’autre la maintient ". Ils " la forcent à se mettre à genoux, pour qu’elle fasse une fellation au père ". Pendant ce temps, l’un " se déshabille et la sodomise ".
L’une qui " a toujours fait l’amour dans le noir " a [surtout] été " traumatisée ", parce que le violeur " l’a déshabillée et a vu son corps ". Il l’a aussi " obligée à faire des choses qu’elle ne connaissait pas ".
L’une est " en sang ", l’autre, violée avec une arme sur la gorge, est " sodomisée et contrainte à une fellation parce qu’elle avait ses règles ", la troisième a été " déshabillée, attachée à un arbre, mordue sur les mamelons et rasée ".
L’une a été violée dans un train par trois homme, " chacun deux fois ", " devant et derrière ". Une autre dit que " lors d’un bizutage, [on lui a] enfoncée une carotte dans l’anus ". Une troisième dit que son patron lui " enfonçait des courgettes dans l’anus ". Une dernière dit que l’homme qui (l’a) violée, " m’a pissée dessus et m’a obligée à avaler l’urine ". L’une dit que l’homme qui l’a violée lui a imposé de lui " lécher les couilles et (d’) avaler le sperme ", l’autre que " deux hommes (lui) ont enfoncé une canule et de l’eau dans l’anus et (l’) ont ensuite sodomisée ", tandis qu’une troisième dit que l’homme qui l’a violée lui a" enfoncé (son) son soutien gorge dans le vagin ".
L’une se souvient : " Entre les sévices et les tortures, le maquereau (me) faisait embrasser une très grande croix qu’il portait au cou en (me) disant :embrasse la mort'" . La seconde décrit le viol : " Ils m’ont suivi, attachée, mis un collier étrangleur autour du cou et traitée de ‘chienne’, tout en (lui) disant : " Si tu parles, on fera la même chose à ta mère ". La troisième dit : " Il était cagoulé, en treillis. Il m’a fait enlever ma chemise de nuit, m’a mis un godemiché entre les cuisses et m’a fait faire une fellation ".
Une femme enceinte de 3 mois et demi est " séropositive à la suite du viol ".
L’une dit : " J’ai vu la mort de près ", l’autre : " aucune femme n’a vécu ce que j’ai vécu ".
L’une dit " Ca fait mal. C’était la première fois ". L’autre, violée par son parrain qui, depuis l’âge de 9 ans, lui introduisait son doigt dans le vagin dit : " Ca [me] faisait très mal ". L’une a été " pétrifiée de peur ". L’autre dit : " J’ai beaucoup souffert ". Nombreuses sont celles qui se sont senties " souillée ", " traumatisée ", " bafouée ", " disséquée comme un animal ", " humiliée , "meurtrie ", " anéantie", " détruite ".
L’une enceinte de 3 mois et demi est "séropositive à la suite du viol ".
L’une dit : " tout le monde voit que je suis salie ".
L’une " peut à peine parler ". Une autre " n’est pas capable de soutenir une conversation ". Une troisième a " besoin de parler, d’être rassurée ". Une dernière enfin a " envie de se faire materner ".
L’une décrit : " Ma tête, c’est pire que les images à la télé. Ça défile. Je revois toutes ces horreurs ". L’autre dit : " Je traîne encore des traces. Mais parfois les souvenirs remontent trop douloureux ". Une autre est "perturbée par des flashs du visage du père ".
L’une rêve de " scènes violentes où elle est toujours visée ". Une autre " qu’elle vomit des parties sexuelles d’hommes ". Et une troisième, qui découvre qu’il y a prescription, " est révoltée de penser qu’il court toujours, qu’il a une belle vie, tandis qu’elle, elle reste avec ses cauchemars ".
L’une avait un ami, des amis, avant le viol. Elle n’a voulu en parler à personne, alors tout le monde l’a quittée : " Le non-dit a coupé les relations ".
L’autre " n’a pas la force d’aller en cours, ne veut pas faire de projets ". La troisième " ne travaille pas, n’a aucun désir, aucun projet ".L’une " a des difficultés scolaires ". L’autre qui a été violée par le veilleur de nuit de l’établissement " est mauvaise élève et perturbatrice dans l’établissement solaire ". La troisième " ne veut plus aller au cours où elle risque de rencontrer le violeur ". La dernière a fait quatre fugues en deux ans.
L’une " ne sort plus, ne mange plus, ne dort plus ". L’autre est " bloquée , murée ". La troisième est " dans un état lamentable ". La quatrième , dans " un état de confusion psychologique ", " s’est mise à boire ". Une dernière qui" a été dans le brouillard pendant quatre ans " est " malade depuis deux ans ".Beaucoup " ne font que pleurer ".
L’une " hurle quand elle entend prononcer le mot viol ", tandis qu’il" donne envie de vomir " à une autre. Une troisième a " les doigts crispés dès qu’elle repense au viol, surtout à la pénétration ".
L’une a " des évanouissements (et) est très fatiguée ". L’autre a des " insomnies ". La troisième des " vertiges ". Laquatrième violée à 14 ans par son père" fait de l’anorexie depuis cet âge et a des aménorrhées ". La cinquième " vomit sans arrêt et a envie de se suicider ". La sixième " qui n’en a jamais parlé à personne " a des " crises de boulimie depuis l’âge de 12 ans ".L’une violée et sodomisée " a des hémorragies, tandis que ses hémorroïdes - qu’il a fallu ligaturer - sont ressorties ". Depuis (le viol) " elle ne va plus à la selle et a trois lavements par semaine ".
L’une " enfle de partout ", l’autre a " rapetissé ".
L’une " voit du sang partout ", l’autre n’a " plus de règles depuis un an ".
L’une est " en état de vigilance continuelle qui lui prend toute son énergie ". L’autre se " sent agressée par tous les contacts, tactiles ou verbaux et se sent entourée de dangers ".
L’une dit : " C’est comme si je n’avais que mon corps et que je n’avais pas de tête".
L’une " se lave tout le temps et déteste son corps ". L’autre " ne peut se regarder dans une glace ".
L’une " dort tout habillée pour se protéger ". L’autre a " a mis de barreaux aux fenêtres ".
L’une ne " ne veut plus sortir le soir, même en taxi ". L’autre " ne peut plus prendre les transports en commun" . La troisième a " mis sept mois à se réinstaller chez elle, une heure puis deux heures par jour ".
L’une " voudrait mourir ", l’autre " se suicider ", la troisième " a envie de se foutre en l’air à cause de cette saloperie ", la quatrième dit que " si le procès se passe mal, elle se jette par la fenêtre ".
L’unea été traitée " d’allumeuse" , la seconde de " garce ", la troisième de " salope ", la quatrième de " pute ", la cinquième de " conne" , la sixième de " folle " (pour avoir dénoncé les violences sexuelles sur sa petite fille de 3 ans par un voisin de 12 ans), la septième de " chienne " par celui qui l’a violée.
Une autre a été immédiatement mise à la porte pas ses parents " parce qu’elle a déshonoré la famille ". Une dernière en a simplement" marre des ragots ".
Une jeune fille parle à sa mère des violences sexuelles du grand-père. Elle a simplement dit : " Oh le salaud, le cochon ! " . " Et c’est tout " constate-elle.
L’une dit : " J’ai été violée à 16 ans par son employeur, plusieurs fois. Ma mère était pauvre, je n’osais rien dire. À la suite de ces viols, j’ai été hospitalisée et violée par un infirmier. Je me suis mariée, mais je n’ai jamais oublié ces viols ".
L’autre dit : " J’ai été violentée longtemps et je suis meurtrie. J’ai été victime d’attouchements par un employé de mon père. Ça n’a jamais été reconnu. Delà un comportement de victime. J’ai eu deux maris violents. J’ai divorcé deux fois ".
L’une violée depuis trois ans par son père avait " un petit flirt ", mais " a dû rompre pour éviter qu’il pose trop de questions" . Une autre, violée depuis l’âge de 13 ans et demi entendu son copain dire qu’il " aurait pu tomber sur une fille propre ".L’une a dû " annuler son mariage ", l’autre, qui était vierge, a été violée par son beau-frère lors d’un pique-nique est " surtout ennuyée pour son copain et pour les histoires de famille que la révélation provoquera ".
L’une n’a plus revu son ami " tout à fait désemparé " après qu’elle lui ait parlé du viol : " Il est reparti en province et n’a pas donné de nouvelles depuis deux mois ". La seconde " a été larguée par son petit ami de l’époque. J’ai retrouvé un autre copain qui, lui, aussi n’a pas supporté ". Un autre " copain " a dit être" dégoûté ".
L’une violée par un collègue de travail qui l’a enfermée dans sa chambre, est traitée de " conne " par son mari pour avoir " accepté d’écouter une cassette ".L’une violée par son père et son oncle de 7 à 16 ans est " considérée comme une putain par son ami quand il a appris ce qui s’était passé ".
L’une dit : " Avec mon mari, il n’y a plus rien. Il a eu une aventure après mon viol…une sorte de vengeance ".
L’une constate que " son compagnon actuel semble très compréhensif et l’aide vraiment ", une autre dit que son mari " ne voit pas pourquoi elle n’arrive pas à être heureuse ", une troisième " a un ami très gentil pour elle ; elle culpabilise parce qu’elle lui gâche la vie, car elle a du mal à accepter qu’il la touche ". Un mari dit enfin : " Tu n’as qu’à mettre ça dans un tiroir dans un coin de ton cerveau ".
L’une qui s’est " accrochée à son mari comme à une bouée " dit qu’elle est " au bord du divorce ". Elle ne " supporte plus les relations sexuelles avec lui ". Elle a eu " un blocage depuis le début en plus de douleurs physiques et des nausées. [Son] mari perd patience. Au début, elle " faisant semblant ". Elle ne peut plus. Il s’en aperçoit. Il ne peut se contenter d’un rapport par mois et il parle de divorce ".
L’une souhaite des relations sexuelles avec son mari, mais ne supporte pas d’être sodomisé, car ça lui rappelle le viol. Celui-ci, " au contraire, considère que puis qu’elle a fait ça avec les violeurs, elle peut la faire avec lui ". Un mari dit qu’elle " l’a cherché ", un autre :" tout le monde t’a eu, sauf moi ". Il ira cependant au procès.
L’une " ne supporte pas qu’un homme la touche ", l’autre " ne peut avoir de relations sexuelles avec personne, elle voit toujours la tête de son violeur ", une dernière, qui se décrit comme " elle même assez colorée " a été violée par son beau-père Martiniquais. [Depuis] " elle a une phobie des Noirs ".
L’une exprime " sa tendance à se dévaloriser, à s’autodétruire, en couchant avec n’importe qui, sans en gagner d’affection ".
L’une, victime de violences sexuelles dans son enfance, " ne supporte aucune pénétration ". Une seconde dit quelle est " frigide ", se considère comme " homosexuelle " et affirme : " Je suis détruite ", une troisième constate que " ses relations avec les hommes n’aboutissent jamais ", une autre, enfin " a eu des problèmes sexuels au début, mais a régi très vite pour ne pas donner raison au violeur ". Une dernière qui se décrit elle aussi comme " frigide " vit seule et constate : " Je voyage beaucoup. C’est ma façon de m’évader ".
Beaucoup constatent qu’elles ne peuvent plus avoir de relations sexuelles.
L’une se " sent mal quand les copines parlent des garçons ", une autre " a des frissons dans le dos chaque fois qu’elle croise un homme ", une troisième " ne supporte plus les hommes ", une quatrième les " méprise ", une cinquième " les hait ". Elle dit qu’elle " va mal parce qu’elle a été punie et pas eux ". Une sixième " souhaite la mort de son père et ne veut pas porter son nom ". Une dernière, enfin, dit qu ’" elle n’a pas de haine, mais pense de temps en temps au suicide ".
L’une, violée alors qu’elle était très jeune, dit qu’elle " n’a jamais eu de désir d’enfant " et a décidé de deux IVG, une autre " ne veut plus d’enfant ", une troisième " n’arrive pas à avoir un enfant ".
L’une a été violée à 5 ans par son père. Elle a un copain, ils décident d’avoir un enfant :" la grossesse lui est insupportable ". L’une, lors de son premier accouchement, s’est remémoré une " pénétration digitale que lui avait imposée un voisin ". Elle avait eu " une très mauvaise adolescence ", tandis que " des troubles psychologiques graves (sont apparus) après l’accouchement ".
L’une, 19 ans, violée à 16 ans, enceinte, a " tué son bébé ".L’une qui se présente comme " bonne à tout faire " violée par un ami de son patron dit : " J’ai eu une enfant du viol. C’est une fille. Elle a 35 ans maintenant, elle est mariée et a deux enfants. Ma fille sait quelle est issue du viol. Elle va bien. Moi, je n’ai jamais oublié ". L’autre se sent coupable car " elle n’a pas pu aimer son fils " (qui est l’enfant du viol et qui se drogue) " comme elle l’aurait dû ". " Je l’ai rejeté " dit-elle. La troisième, alors qu’elle venait d’accoucher de son premier enfant, a " été violée par (son) meilleur ami", envers lequel, elle dit avoir " une haine permanente ". Elle est enceinte suite à ce viol. Son mari lui a dit : " C’est bizarre, on n’a eu (ce mois-ci) qu’un seul rapport’. Elle dit : " Je n’ai pas été capable d’avorter. Ma fille ressemble au violeur. J’ai peur de mes réactions ".
Une jeune fille enfin (17 ans) enceinte, ne sait pas qui est le père de l’enfant : " L’enfant peut être du violeur ou de son ami ".
Une femme âgée, violée à 14 ans par son père, accouche à 15 ans d’une fille. Elle a ensuite six enfants et elle dit : " Les violeurs sortent de prison. Moi, ça fait 36 ans que je suis en prison. Je traîne un boulet tous les jours et ça dure ". Elle poursuit :" Ma fille ne m’aime pas, elle fait des bêtises, maintenant. Elle a une fille. On lui a retiré la garde pour la donner au père ".
L’une violée par son père a l’âge de " six, sept ans ", "voudrait se souvenir ".
L’ une dit de l’homme qui l’a violée : " Je lui en veux, je veux le faire payer, je veux porter plainte. Je voudrais que quelqu’un lui dise que c’est dégueulasse ce qu’il a fait ", l’autre dit : " Je veux qu’il me demande pardon. Je veux lui dire ", la troisième, violée par son père "voudrait que [sa] mère s’en aperçoive " [et]" que ça s’arrête ", la quatrième dit " Je veux que ça cesse. Mais comment ?". La dernière enfin affirme qu’elle " a envie de faire sa vengeance elle même ".
L’une dit : " Je ne suis pas prête à porter plainte. J’ai surtout besoin de parler ", l’autre veut rencontrer des " gens qui la comprennent ; elle ne veut pas voir des gens qui lui donnent des conseils ".
L’une dit : " Je voudrais rencontrer d’autres femmes qui ont subi les mêmes choses ", l’autre aussi, pour savoir " comment elles réagissent " [et si elles vivent] mieux après trois ans ".
L’une dit : " J’aimerais pouvoir revivre. Refaire l’amour ".
L’une dit : " Je voudrais que tout s’arrange, être bien dans ma peau, ne pas perdre mon ami, ne pas vivre dans l’angoisse actuelle ".
L’une, âgée de 12 ans, a été violée par trois " copains " de 16 ans. Elle " n’a pas encore eu ses règles ". Elle " n’ose pas en parler à ses parents qui sont très sévères ". L’autre, âgée de 14 ans est violée par son père depuis l’âge de 11 ans : " Ma mère sait, elle est alcoolique. Mon père me bat. J’ai des traces de violences sur tout le corps. Je n’ai rien dit depuis 3 ans, alors, si je parle aujourd’hui, personne ne me croira ".
L’une a été violée, alors quelle était enceinte de 2 mois, tandis que le viol a eu lieu devant sa petite fille de 7 mois. Le père dit qu’elle dort mal. La mère demande : " Qu’est-ce que ça va faire " (à la petite fille) et demande s’il y a " un risque " pour le fœtus.
Une femme de 40 ans violée dans un sauna par deux inconnus. Ils lui " ont enfoncé une canule et de l’eau dans l’anus, puis l’ont ensuite sodomisée ". Elle " a peur que ses intestins éclatent ".
Nombreuses sont celles qui ont peur de ne plus pouvoir avoir de relations sexuelles.
L’une a peur que " cela dégoûte son compagnon ", l’autre " a peur que son mari la quitte parce qu’ils n’ont plus de relations complètes, (tandis que) ses collègues lui conseillent d’aller 'voir ailleurs’ ".La troisième craint la réaction de son mari : " Il va le tuer si je lui dis ".
L’une a peur de " rester seule ou de voyager la nuit ". L’autre, violée trois fois, " a peur de mettre des jupes ".
L’une est " surtout inquiète parce qu’un autre gars a pris des photos. S’il les montrait, elle n’aurait plus qu’à quitter le pays ".
L’une " a peur pour (sa) petite sœur ", l’autre " a peur de tout le monde, surtout des jeunes hommes ".
L’une, violée, est rappelée chez elle au téléphone ; le violeur " a peur quelle porte plainte et essaie de transformer le viol en rencontre et relations sexuelles ". Il cherche à la revoir. Elle a peur. Et si elle change de téléphone, elle craint qu’il connaisse son adresse.
L’une dit que si elle ne dépose pas plainte, " ce n’est pas parce qu’elle a honte ", mais parce qu’elle a " vraiment peur des menaces de mort ". L’autre craint que le violeur à la sortie de prison " vienne la tuer " car il lui a dit qu’" il se vengerait " et il connaît son adresse. La troisième doit aller à une " reconstitution ". Cela " la terrifie parce qu’elle pense que ce sera sous les yeux du violeur qui, à son avis, habite dans le quartier ". La dernière, violée par son cousin dit : " A chaque réunion de famille, il est présent et m’humilie. C’est un adepte des arts martiaux. Il tente souvent de la mettre K.O ". Elle a très peur de lui.
L’une âgée de 13 ans violée par son père depuis l’âge de 7 ans " a peur d’être enceinte ", car " la dernière fois, elle n’a pas senti le liquide ". L’autre " se demande si les viols peuvent être à l’origine de ses fausses couches ".
Une mère demande : " Ma fille a subi une sorte de viol par un enfant de 6 ans. Est-ce possible ?".
Une jeune fille de 13 ans était chez des amis. Pour dormir, on l’avait mise dans un studio à l’étage supérieur. Elle était dans un lit, son cousin sur un matelas. Le lendemain, elle s’est réveillée, elle avait mal au sexe, son cousin était sur elle. Elle ne sait pas ce qu’il lui a fait. Elle " voudrait savoir si elle a été violée ".
L’une" est très troublée car elle n’était pas du tout consentante et le viol lui a procuré du plaisir et elle ne sait plus où elle en est ". Une autre, violée par trois hommes, " se sent très mal car elle a eu un orgasme " et se demande" si elle est normale ".
L’une demande : " quand on est saoule, qu’on sort de boîte, qu’on est agressée, est-ce que c’est une agression ? ",une autre à qui l’on a reproché de porter des minijupes," ne sait plus comment s’habiller ".
Plusieurs posent la question :" Est-ce qu’il y a des femmes qui s’en sortent ? ".
L’une, âgée de 16 ansdemande " Pourquoi ils font ça ? ". Une autre enfin " ne comprend pas qu’on puisse faire des choses comme ça ".
L’une harcelée par l’ami de sa mère " n’ose pas lui en parler ", car celle-ci " est très amoureuse de son ami " et qu’elle " ne veut pas lui faire de peine" . L’autre a peur que si elle parle à sa mère (de la violence du père), celle-ci " se retourne contre elle ". Son père lui avait dit en outre que " sa mère ne la croirait pas ".Une troisième, prostituée, avait parlé à sa mère des violences que lui imposait son père : elle " l’a placée à l’Institut du Bon Pasteur ".
Une jeune fille violée il y a quatre mois n’a porté plainte que depuis trois mois, parce que " ses parents avaient des problèmes de santé" . Une seconde, âgée de 15 ans violée par son beau-père " chaque fois que sa mère n’est pas là " dite :" Je ne veux pas partir. Je veux rester avec ma petite sœur de 6 ans ".Une jeune fille de 16 ans, violée par son père depuis l’âge de 13 ans " hésite à détruire la famille ". Une association locale lui suggère " de prendre une contraception ", mais " elle hésite parce que cela voudrait dire que [elle] accepte cette relation ".
L’une a été violée par le père de son petit ami, elle a essayé d’en parler avec lui : " Il ne veut rien entendre ". L’autre a été violée par son employeur : " Il m’a dit que si j’en parlais, personne ne me croirait, qu’il avait des relations. Je vivais avec un copain et mes deux filles. Il est allé voir mon copain en lui disant que j’étais une salope et que j’avais eu du plaisir. J’ai retrouvé un emploi dans une autre ville, mais mon nouvel employeur est en relation avec l’ancien. Ils se téléphonent souvent ".
Une jeune fille de 13 ans a subi trois tentatives de viol depuis un an " par un ami de la famille ". Sa mère a porté plainte. " Au village, l’agresseur se balade la tête haute et c’est la petite fille qui a honte et accuse sa mère. Les gens font des réflexions du genre : ‘Si c était ma fille, je lui aurais fichu une fessée et bouclée à la maison, au lieu de parler de tout cela en public’ ".
Une jeune fille de 23 ans a été violée, comme sa sœur, par le fils de la nourrice. La nourrice lui a dit de " se taire ". Sa sœur a retiré sa plainte. Elle est seule. Tout le village est contre elle. Il y a une pétition du maire " pour faire sortir le type de prison ".
Une jeune femme de 39 ans été violée par deux hommes qui " l’ont saoulée ". Le lendemain la voisine lui a dit : " Quand on fait des bêtises, il faut assumer ".
Une femme de 41 ans violée par son voisin, par ailleurs, drogué, âgée de 25 ans raconte : " J’ai toute la famille sur le dos. Les gens disent que j’allais avec tout le monde. J’ai eu des menaces de mort. La mère du violeur a fait passer une pétition qui dit que je suis une traînée. Mon médecin traitant a refusé de la signer. Il a dit que c’était de la diffamation ". Le père d’une autre jeune femme qui a pourtant " reconnu ses torts devant le tribunal " a " toute [sa] famille contre elle ".
Une jeune fille de 13 ans a été violée par son cousin de 15 ans. Les grands parents s’occupent d’elle. Mis au courant, ils disent que c’est " normal entre cousins ". Alors elle leur a expliqué qu ’ " elle ne voulait pas ". Ils ont répliqué que " c’était de sa faute parce qu’elle portait des minijupes ".
Trois jeunes filles ont été l’objet de harcèlement sexuel par le surveillant de l’école. " Il a coincée [l’une d’entre elles] dans un coin et a tenté de l’embrasser sur la bouche ". Son père a peur que le directeur en veuille à sa fille d’une " histoire qui va déconsidérer l’école ".
Une jeune femme est violée dans l’hôpital où elle travaille. Le maire de la ville lui demande de ne pas déposer plainte " pour ne pas nuire à la réputation de l’établissement. Le généraliste et le psychiatre sont d’un avis contraire ".
Une jeune fille s’est confiée à une amie " qui se sert de la confidence pour l’humilier ". Une autre à des " copines " [qui] " maintenant elles se moquent d’elle ".
L’une dit : " C’est difficile pour moi. J’ai été élevée dans un milieu où seul le milieu familial compte et où l’extérieur est considéré comme un ennemi" . L’autre dit que " personne dans son entourage ne reconnaît la gravité du crime subi et que ses frères et sœurs pensent que ce n’est pas important ". La troisième dit que " si la police ne fait rien, son mari dit qu’il ira tuer (le violeur)" .
Une jeune fille de 17 ans a déposé une plainte. Le policier lui a dit : " ça passera ", mais " elle a toujours des cauchemars deux mois après ".
La première dit : " La gendarmerie m’incite à porter plainte et la police me dit que j’ai de la chance d’être vivante ". La seconde dit : " Les gendarmes ont gardé mon slip et mes collants. Ils m’ennuient car ça fait plusieurs fois qu’ils reviennent me demander comment il était. Je ne sais plus. C’est normal, quand on a peur, on oublie ". La troisième dit : " J’ai été bien reçue par la police, mais deux heures d’interrogatoire sur les faits, c’est difficile à supporter ". La quatrième, agressée deux fois est allée porter plainte pour la première agression et quand elle a parlé de la seconde [au cours de laquelle elle a été dévalisée, frappée] dit que " l’adjudant qui l’a reçue lui a demandé de se taire, car la première agression était suffisante pour les Assises ". La cinquième, une jeune fille violée par 3 hommes inconnus d’elle dit que " la gendarmerie où elle est allée à 3 heures du matin a refusé de prendre sa plainte en lui posant des questions odieuses sur son habillement, sur l’heure qu’il était… ". La sixième, une femme de 43 ans agressée la nuit pendant deux heures a été très mal reçue par la police : " Il ne faut pas se promener à cette heure " lui a-t-il été dit. Une septième, une jeune fille violée par un inconnu est " très mal reçue par la police ". Au moment où elle allait signer la déposition, les policiers lui ont dit: " Si vous ne voulez pas signer, vous n’êtes pas obligée, vous seriez libre ". Une huitième,violée sur une route de campagne dit que : " depuis quelle a porté plainte, c’est encore pire. L’interrogatoire des policiers a été odieux. Ils riaient, lui ont demandé si elle avait eu du plaisir et quel goût avait le sperme ". Une neuvième a été violée par un homme qu’elle connaissait est allée porter plainte. Elle a été reçue par " trois flics odieux qui ont fait des insinuations. Ils veulent aller chez elle. Elle ne sait pas pourquoi. Elle a peur ".
Trois jeunes filles violées par leur père déposent plainte . L’une d’entre elle " ne veut plus parler, car elle en a marre d’être interrogée ".
Une femme est violée. Elle et son mari soupçonnent un ouvrier. " Nous avons parlé aux policiers de nos soupçons. Le policier a dit que j’avais fait déguiser mon amant". Une étudiante est violée par un ami de son copain : " Les policiers ont mis en doute ma version. Ils disaient qu’il n’y avait pas de traces de violences et pensent que j’ai inventé l’histoire parce que je ne suis rentrée qu’au matin chez mon ami. Ils disent aussi que j’étais consentante et que j’avais déjà eu un rapport avec lui il y a un an ".
Une jeune fille est menacée de mort par l’homme qui l’a violée, si elle dépose plainte. La police lui a dit qu’" elle ne pouvait assurer sa sécurité ".
Une jeune femme a été " photographiée, nue et filmée par un système de caméra cachée ". " Les photos sont vendues ". La police ne veut pas prendre sa plainte, car elle dit qu ‘elle " n’a pas de preuves ".
L’inspecteur de police qui avait reçu une femme violée lors de sa plainte a été entendu comme témoin :" Il a été très sympa. Il est resté tout le temps. Pendant les pauses, il me remontait le moral ".
Dans un village, un homme tente de violer une petite fille de 13 ans. Sa mère raconte: " Elle a été gardée à la gendarmerie de 8 heures à 13 heures, seule. J’ai attendu dans le couloir. [La mère et la petite fille rentrent alors à la maison.] " La gendarmerie a appelé à 21 heures et la petite fille, qui était en pleurs, a été gardée jusqu’à 23 heures ". Là, la mère est restée avec elle :" Elle ne comprenait pas les mots que les gendarmes disaient, comme :Il a éjaculé sur ton ventre’. Elle ne savait pas ce que cela voulait dire ". La plainte a été déposée le 17 décembre. Le 6 février, il n’y avait aucune nouvelles de la gendarmerie, qui dit " ne rien savoir ". La mère veut que l’agresseur cesse d’abuser de sa fille, mais elle est inquiète parce que l’enfant " ne veut retourner ni chez les gendarmes, ni à la justice ".
Une jeune femme de 20 ans a été agressée sexuellement par un inconnu dans la rue. " Trois cars de policiers sont arrivés au domicile. Un hélicoptère a survolé le village ". Sa mère qui n’était pas témoin a été convoquée et interrogée pendant trois heures. " Toute la vie sexuelle de ses parents a été questionnée ". Les policiers ont dit qu’ " elle mentait ". Elle a été " traumatisée " par tous ces interrogatoires. Elle doit se rendre à la gendarmerie. Elle refuse de s’y rendre seule. " Elle pleure ".
Une femme dit : " Ma vie a été bouleversée ".
Une seconde constate : "Ces viols ont gâché mon existence"; une troisième qu'elle "ne veux plus faire confiance à personne ", une quatrième affirme : " C’est fini, les hommes maintenant ".
Une femme analyse : " Comme une poupée cassée, il faut recoller les morceaux ".
À la question posée à une jeune fille violée par son père :" A-t-il utilisé de la violence ?", elle répond : " Il a utilisé son autorité ".
Une femme,violée depuis l’âge de 10 ans, croyait que quand on lui disait " Je t’aime, elle était " obligée de faire ça ".
Une dernière enfin constate : " On ne m’avait pas appris que mon corps m’appartenait ".
Un homme dit : " Je suis un homme. Je ne comprends pas bien "….
***
Voilà j’arrête là. Je pourrais continuer. J’espère le faire.
Mais tout le monde peut et, me semble-t-il, devrait continuer cette dénonciation de ce qui se passe quotidiennement en France, dans l’indifférence quasi générale.
Pour rependre le titre de cette rencontre : " Mais qu’est-ce qu’elles veulent ? "
Nous voulons que ces violences cessent.
Nous voulons ne plus être que des femmes à nous battre contrer cette barbarie.
Nous voulons que les hommes, individuellement et politiquement, dénoncent ces hommes et les institutions qui, si souvent, les protègent.
Nous voulons que sur des positions claires contre ces violences, les hommes nous rejoignent.
Nous voulons que le principe selon lequel ces violences doivent disparaître soit affirmé par le gouvernement et le chef de l'Etat.
Nous voulons que les analyses, les propositions, les critiques des victimes, des associations, des féministes soient entendues, prises en compte et mises en œuvre.
Nous voulons que des politiques fondées sur ce que concrètement dénoncent les victimes — qui sont les meilleures expertes — soient mises en œuvre.
Nous voulons que les luttes, les dénonciations, les avancées qui concernent les " droits des enfants " rejoignent celles pour les droits des femmes.
Nous voulons qu’aucun homme ayant exercé une violence à l’égard d’une femme n’exerce de fonction politique.
Sinon l’Etat pourra être légitimement accusé de " non-assistance à personnes en danger ", de " complice " de ces violences.
Mais nous les femmes, nous les féministes - est-il besoin de rappeler que cette dénomination inclue les hommes ? - devons d’abord et avant tout, pour que nos demandes soient crédibles, nous autoriser à faire ces critiques.
Car si la force, le pouvoir, le droit des hommes est incontestable — infiniment plus que nous ne sommes à même, actuellement, de les penser — cette force, ce pouvoir, ces droits des hommes sur nous - sont aussi fondés sur notre faiblesse.
Et sur nos peurs, si légitimes, pourtant.
Mais celles-ci ne doivent plus être la justification du silence complice des victimes.
Nous devons parler haut et fort.
Seules et ensemble.
Moins seules, parce que toutes solidaires.
La honte est dorénavant — ce qu’elle aurait toujours du être - dans le camp des hommes.
Collectivement et individuellement responsables des crimes commis en leur nom.
Et tous coupables de leur silence.
5 mars 2001
1 Ce texte - comme tous les autres parus dans ce livre - a été l’objet d’une forme de censure que j’ignorais jusqu’alors. A la suite des échanges de lettes entre Isabelle Alonso, moi-même et les organisateurs, il n’est tout simplement plus cité dans la liste - que je reçois chaque année - des publications des Carrefours de la pensée, issus des Colloques organisés par Le Monde Diplomatique au Mans et publiés aux Editions Complexe. Cette disparition fera - dans un siècle ? - augmenter un peu la valeur marchande de ce livre et le bonheur de quelques bibliophiles.
2 Cf. « Lettre à Henry Lelièvre en date du 18 décembre 2001 ». Egalement sur le site chiennesdegarde.org
3 Ce texte a été publié de manière gravement inappropriée dans le Bulletin 2002 du Collectif féministe contre le viol. p.56 à 66.
4 Que le Collectif Féministe contre le viol soit ici remercié de m'avoir laissé travailler sur ses archives.
5 Proudhon, De la pornocratie ou les femmes dans le monde moderne, Paris. 1875. p. 437.
6 AFP, Le Monde, Libération, France-Soir, Le Parisien.
7 Souvent devant leurs enfants, avec leurs enfants
8 Auxquelles il faudrait "ajouter" les violences dénoncées dans les cabinets d'avocat-es, dans les jugements - notamment de divorce -, dans les archives de médecins, des cabinets médicaux, des hôpitaux, notamment en "urgence".
9 La question des réactions de la justice - avocat-es inclus-es, des expert-es, des médecins et des "psy" ne peut être traitée ici, car elle implique l'utilisation d'autres sources. Elle devra l'être, comme celle de la presse.