Madame Brigitte Grésy
Chef de Service
Service des Droits des femmes
Ministère de l’Emploi et de la Solidarité
31, rue Le Pelletier. 75009 Paris
Paris, le 9 mai 2000
Madame,
Je tenais à vous remercier d’avoir bien voulu m’adresser, à ma demande, le « Troisième rapport sur l’application de la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » dont je n’avais, jusqu’alors, pu prendre connaissance.
J’ai donc présenté les premiers éléments d’une critique de ce texte lors de la séance qui lui était consacrée, le 2 mai, dans le cadre du séminaire consacré à la « critique sexuée du droit » qui s’est tenu à la Maison des Sciences Humaines.
Ce rapport nous donne à lire la manière dont le gouvernement, au nom de la « République française », a décidé de présenter, en 1999, l’évolution, depuis 1993, de la mise en oeuvre de cette convention internationale à l’ONU. Et donc à tous les Etats-membres.
En tant que citoyenne française, en tant qu’intellectuelle et militante féministe, cette présentation que la France donne ainsi du « traitement » de ses ressortissant-es me concerne donc. Comme il concernerait toutes les personnes - françaises ou non - vivant sur le territoire français, s’ils et elles connaissaient la teneur et la signification politique de ce texte.
Aussi, si ce rapport révèle la manière dont la France assume - ou non - ses obligations à l’égard de l’ONU, il est aussi un texte politique qui fait état de la manière dont le gouvernement de Lionel Jospin interprète, met en oeuvre, entend poursuivre sa politique contre « les discriminations à l’encontre des femmes ». Et, au-delà, de la manière dont il traite de la situation des femmes vivant en France.
Compte tenu de la gravité, selon moi, de la teneur de ce rapport - qui engage donc la responsabilité du gouvernement de Lionel Jospin - j’ai donc décidé, selon des modalités qui ne sont pas arrêtées, de poursuivre cette critique, en vue de la publiciser. En espérant que d’autres personnes, d’autres associations, prolongeront mon projet.
Je ne revendique, à cet égard, aucun monopole.
Croyez bien que je regrette que, compte tenu des conditions d ’élaboration de ce texte, ces critiques n’aient pu être entendues avant l’envoi de ce texte à New York.
Le mépris dans lequel les gouvernements qui se sont succédé en France (depuis la date de publication du précédent rapport) traitent les associations de femmes et les associations féministes dans ce pays a un coût: celui de la régression des droits des femmes. À moins qu’il ne faille affirmer que la régression des droits des femmes ne peut être gérée que par l’expression affichée du mépris 1 à l’encontre des associations de femmes et féministes.
Quoi qu’il en soit, le résultat est le même: accablant pour la « République française », dramatique pour les femmes vivant en France.
Veuillez, agréer, Madame, avec mes regrets, mais avec aussi l’espoir que ce processus de régression des droits des femmes cesse, l’expression de mes salutations distinguées.
Marie-Victoire Louis.