Quand une fille est bien dotée,
Son père aisément s’en défait :
La marchandise ainsi cotée,
Trouve acquéreur, c’est marché fait.
Le maire, lisant la sentence,
Lui dit en vieux juge aguerri :
« La femme doit obéissance
Obéissance à son mari ! »
Elle avait compté sans barème,
Se disant, dans son chaste vœu :
« Que la vie à deux, quand on s’aime,
C’est faire son nid dans le bleu ! »
Quel plomb sur ces rêves d’enfance !
La basse-cour au colibri !
« La femme doit obéissance
Obéissance à son mari ! »
Elle avait déjà bien peine à vivre,
Avec l’air du pays natal
Lui, ce folio de grand livre,
N’a qu’un pays, le Capital.
Le sucre exigeant sa présence,
Il la traîne à Pondichéry :
« La femme doit obéissance,
Obéissance à son mari ! »
Elle est mère, et folle, elle apprête
Pour son fils un sein triomphant.
Ses cris vont nous rompre la tête,
Dit-il ; en nourrice, l’enfant !
Quoi ! son fils ! son autre existence
D’un lait d’étrangère nourri ?
« La femme doit obéissance,
Obéissance à son mari ! »
Elle a honte, résiste et pleure.
Sentant le vin à plein baiser,
La brute ordonne, c’est son heure ;
C’est sa chose, il veut en user !
Viol ou lâche complaisance,
Il veut boire un amour suri
« La femme doit obéissance
Obéissance à son mari ! »
Et qu’est-ce après tout que la femme ?
La servante de la maison.
Un concile dispute une âme
À cet animal sans raison.
Eut-elle génie et puissance,
fut-il un crétin rabougri,
« La femme doit obéissance,
Obéissance à son mari ! »